PALIKIR/SAN FRANCISCO – Un archipel constitué de petites îles du Pacifique va rentrer dans l'histoire de la gestion des stocks de poissons au niveau de la planète. Lors de la 5° conférence annuelle "Notre Océan" qui a eu lieu à Bali fin octobre, la Fédération des Etats de Micronésie (la Micronésie) a fait une promesse audacieuse et lancé un défi qui l'est encore davantage : atteindre une transparence totale en ce qui concerne la pêche au thon d'ici 2023.
Si d'autres reprennent ces engagements, les citoyens du Pacifique pourront contrôler leurs ressources naturelles - la colonne vertébrale de l'économie de la région. Cela irait dans le sens de la prospérité, car cela permettrait de mieux s'assurer que le volume de thons pêché ne nuit pas à la pérennité de cette activité et que les bateaux de pêche étrangers ne dépassent pas leur quota autorisé.
La Micronésie et l'organisation Nature Conservancy ont présenté cette semaine un mécanisme appelé "Technologie pour répondre au défi de la transparence de la pêche au thon", une combinaison de surveillance et de pactes régionaux destinée à améliorer la supervision de cette pêche. Grâce à ce mécanisme, c'est la première fois qu'un pays en développement s'engage à une transparence totale dans ce domaine. Si cette initiative réussit, cela pourrait susciter une révolution dans la gestion des ressources halieutiques dans le monde.
La Micronésie et les 7 autres Etats insulaires qui sont partis à l'Accord de Nauru ressemblent peut-être à des confettis sur une carte, mais ils contrôlent une étendue océanique plus vaste que l'Europe et sont en quelque sorte les poissons pilotes de la pêche au niveau mondial. Contrôlant plus de la moitié des stocks de thon listao et le tiers des stocks de thons de toute espèce au niveau mondial, les pays signataires de l'Accord de Nauru constituent une véritable OPEP de la mer.
La Micronésie commence à utiliser sa position privilégiée sur le marché halieutique dans un sens positif. Le thon est une ressource alimentaire mondiale importante, mais son marché est en difficulté croissante en raison de la surpêche dont il est l'objet. En s'engageant à une transparence totale et en incitant le secteur privé à faire de même, la Micronésie envoie un signal fort pour indiquer qu'il faut de toute urgence pratiquer une pêche au thon "durable" pour protéger ce poisson d'importance cruciale.
Mais l'engagement de la Micronésie tient avant tout au rôle fondamental de la pêche pour sa survie. Pour elle, le thon est bien plus qu'une simple ressource naturelle, car c'est grâce à lui qu'elle peut construire des écoles, payer les enseignants, paver les routes et assurer le fonctionnement des hôpitaux. Il constitue le socle socioéconomique de sociétés en première ligne face à la menace du réchauffement climatique et de l'élévation du niveau de la mer. Autrement dit, il s'agit pour la Micronésie d'un combat existentiel pour le bien-être de la population aujourd'hui, et la survie des sociétés insulaires demain.
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Le thon est déjà à l'origine de la moitié des revenus du pays, mais il rapporterait encore davantage si des flottilles de bateaux étrangers ne pratiquaient pas une pêche illégale dans les eaux micronésiennes. La transparence est la clé pour y remédier. La surveillance électronique et humaine permettrait de mettre fin à la pêche illégale et aux dépassements de quota non rapportés, qui privent la région de plus de 600 millions de dollars de revenus par an. Contrairement à ce que l'on croit généralement, ce braconnage maritime n'est pas l'œuvre de pirates, mais le plus souvent de bateaux étrangers qui minorent délibérément dans leur compte-rendu le volume de leurs prises.
Des moyens de surveillance électroniques sophistiqués pourraient également contribuer à la pérennité des stocks de poissons et des populations qui en vivent. Mais pour l'instant, du fait d'un manque de données de surveillance fiables, il est difficile d'établir des limites aux zones de pêche, et encore plus difficile de les faire respecter.
Pour remédier à cette situation, la Micronésie prévoit de déployer dans les 5 ans des capteurs à distance, des systèmes GPS, des caméras et des dispositifs de suivi sur tous les bateaux palangriers présents dans ses eaux. Les données recueillies telles que la composition des prises, des rejets en mer et des prises accessoires permettront de diminuer les prises accidentelles de requins, de tortues et de mammifères marins. Mais ces outils permettront avant tout aux autorités de gérer les ressources halieutiques en temps réel. En se joignant à la Micronésie, les pays parties à l'Accord de Nauru pourront améliorer la transparence et fixer de nouvelles normes pour la pêche.
La coopération et la protection de l'environnement peuvent être très rentables. Ainsi, depuis que les pays signataires de l'Accord de Nauru ont lancé en 2007 le Vessel Day Scheme qui fixe des quotas aux flottilles étrangères – leur revenu annuel dans la pêche au thon est passé de 60 millions à plus de 500 millions de dollars. Les ministres de la pêche du Pacifique espèrent que leurs revenus augmenteront encore davantage en travaillant avec Nature Conservancy pour mettre en œuvre de concert un système analogue à celui en vigueur à l'ouest de l'Alaska. Dans cette région, le Programme de quota pour le développement villageois aide les villages les plus démunis à améliorer leurs revenus grâce à la pêche et aux activités annexes.
L'adoption de ce type de programme par les Etats signataire de l'Accord de Nauru et leur engagement à une transparence totale vise à augmenter les bénéfices tirés du thon dans le Pacifique. En favorisant de meilleures pratiques de pêche, nous pouvons accroître les revenus de la région pour restaurer le secteur de la pêche, améliorer la sécurité alimentaire et la sécurité de l'emploi, tout en renforçant la résilience face au réchauffement climatique.
Nous pensons que les poissons, l'écosystème marin et les populations peuvent coexister et prospérer et que le développement durable passe par la voix donnée à ces dernières. Nous espérons que les voisins de la Micronésie, les représentants des consommateurs et des pêcheurs réunis à Bali auront partagé ce point de vue. Protéger le tiers des stocks de thons pourrait n'être que le point de départ d'une révolution mondiale de la transparence - transparence nécessaire pour protéger nos océans… et notre avenir.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Peter M. Christian est le président de la Fédération des Etats de Micronésie.
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PALIKIR/SAN FRANCISCO – Un archipel constitué de petites îles du Pacifique va rentrer dans l'histoire de la gestion des stocks de poissons au niveau de la planète. Lors de la 5° conférence annuelle "Notre Océan" qui a eu lieu à Bali fin octobre, la Fédération des Etats de Micronésie (la Micronésie) a fait une promesse audacieuse et lancé un défi qui l'est encore davantage : atteindre une transparence totale en ce qui concerne la pêche au thon d'ici 2023.
Si d'autres reprennent ces engagements, les citoyens du Pacifique pourront contrôler leurs ressources naturelles - la colonne vertébrale de l'économie de la région. Cela irait dans le sens de la prospérité, car cela permettrait de mieux s'assurer que le volume de thons pêché ne nuit pas à la pérennité de cette activité et que les bateaux de pêche étrangers ne dépassent pas leur quota autorisé.
La Micronésie et l'organisation Nature Conservancy ont présenté cette semaine un mécanisme appelé "Technologie pour répondre au défi de la transparence de la pêche au thon", une combinaison de surveillance et de pactes régionaux destinée à améliorer la supervision de cette pêche. Grâce à ce mécanisme, c'est la première fois qu'un pays en développement s'engage à une transparence totale dans ce domaine. Si cette initiative réussit, cela pourrait susciter une révolution dans la gestion des ressources halieutiques dans le monde.
La Micronésie et les 7 autres Etats insulaires qui sont partis à l'Accord de Nauru ressemblent peut-être à des confettis sur une carte, mais ils contrôlent une étendue océanique plus vaste que l'Europe et sont en quelque sorte les poissons pilotes de la pêche au niveau mondial. Contrôlant plus de la moitié des stocks de thon listao et le tiers des stocks de thons de toute espèce au niveau mondial, les pays signataires de l'Accord de Nauru constituent une véritable OPEP de la mer.
La Micronésie commence à utiliser sa position privilégiée sur le marché halieutique dans un sens positif. Le thon est une ressource alimentaire mondiale importante, mais son marché est en difficulté croissante en raison de la surpêche dont il est l'objet. En s'engageant à une transparence totale et en incitant le secteur privé à faire de même, la Micronésie envoie un signal fort pour indiquer qu'il faut de toute urgence pratiquer une pêche au thon "durable" pour protéger ce poisson d'importance cruciale.
Mais l'engagement de la Micronésie tient avant tout au rôle fondamental de la pêche pour sa survie. Pour elle, le thon est bien plus qu'une simple ressource naturelle, car c'est grâce à lui qu'elle peut construire des écoles, payer les enseignants, paver les routes et assurer le fonctionnement des hôpitaux. Il constitue le socle socioéconomique de sociétés en première ligne face à la menace du réchauffement climatique et de l'élévation du niveau de la mer. Autrement dit, il s'agit pour la Micronésie d'un combat existentiel pour le bien-être de la population aujourd'hui, et la survie des sociétés insulaires demain.
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Des moyens de surveillance électroniques sophistiqués pourraient également contribuer à la pérennité des stocks de poissons et des populations qui en vivent. Mais pour l'instant, du fait d'un manque de données de surveillance fiables, il est difficile d'établir des limites aux zones de pêche, et encore plus difficile de les faire respecter.
Pour remédier à cette situation, la Micronésie prévoit de déployer dans les 5 ans des capteurs à distance, des systèmes GPS, des caméras et des dispositifs de suivi sur tous les bateaux palangriers présents dans ses eaux. Les données recueillies telles que la composition des prises, des rejets en mer et des prises accessoires permettront de diminuer les prises accidentelles de requins, de tortues et de mammifères marins. Mais ces outils permettront avant tout aux autorités de gérer les ressources halieutiques en temps réel. En se joignant à la Micronésie, les pays parties à l'Accord de Nauru pourront améliorer la transparence et fixer de nouvelles normes pour la pêche.
La coopération et la protection de l'environnement peuvent être très rentables. Ainsi, depuis que les pays signataires de l'Accord de Nauru ont lancé en 2007 le Vessel Day Scheme qui fixe des quotas aux flottilles étrangères – leur revenu annuel dans la pêche au thon est passé de 60 millions à plus de 500 millions de dollars. Les ministres de la pêche du Pacifique espèrent que leurs revenus augmenteront encore davantage en travaillant avec Nature Conservancy pour mettre en œuvre de concert un système analogue à celui en vigueur à l'ouest de l'Alaska. Dans cette région, le Programme de quota pour le développement villageois aide les villages les plus démunis à améliorer leurs revenus grâce à la pêche et aux activités annexes.
L'adoption de ce type de programme par les Etats signataire de l'Accord de Nauru et leur engagement à une transparence totale vise à augmenter les bénéfices tirés du thon dans le Pacifique. En favorisant de meilleures pratiques de pêche, nous pouvons accroître les revenus de la région pour restaurer le secteur de la pêche, améliorer la sécurité alimentaire et la sécurité de l'emploi, tout en renforçant la résilience face au réchauffement climatique.
Nous pensons que les poissons, l'écosystème marin et les populations peuvent coexister et prospérer et que le développement durable passe par la voix donnée à ces dernières. Nous espérons que les voisins de la Micronésie, les représentants des consommateurs et des pêcheurs réunis à Bali auront partagé ce point de vue. Protéger le tiers des stocks de thons pourrait n'être que le point de départ d'une révolution mondiale de la transparence - transparence nécessaire pour protéger nos océans… et notre avenir.
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