Faire d'une pierre deux coups : combattre la récession et le changement climatique

Bien que la présente récession soit sérieuse et que nous ne sachions pas combien de temps elle durera, nous devrions continuer néanmoins à nous efforcer de contrer la menace lourde de conséquences du changement climatique.  En fait, si nous nous montrons habiles, notre approche en matière d'environnement pourrait nous permettre d'atteindre un double objectif : favoriser la croissance économique et combattre le réchauffement de la planète.

Les gouvernements qui travailleront à l'élaboration d'un « successeur » au Protocole de Kyoto à l'occasion de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques devraient adopter de solides mesures incitatives pour favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre.  De telles mesures pourraient donner l'impulsion nécessaire aux investissements privés et contribuer à la reprise.

Les grandes lignes de la solution que la société doit opposer au réchauffement planétaire sont claires depuis des années. En effet, un système de plafonnement et d'échange de droits d'émissions de CO2 permettrait de canaliser les ressources vers les mesures de réduction les plus rentables. L'adoption à grande échelle de normes d'efficacité pour les appareils électroménagers, les véhicules automobiles, les immeubles etc. aiderait les sociétés et les particuliers à réduire leur consommation d'énergie.

Toutefois, plusieurs initiatives stratégiques spécifiques pourraient aider les gouvernements et la société à mieux tirer parti de l’agilité et de la capacité d’innover des entreprises dans leur recherche de moyens de limiter les émissions de gaz à effet de serre, notamment :

  • appuyer des ententes entre les principaux groupes de pays visant à réduire les émissions dans les secteurs industriels clés;   
  • offrir des mesures incitatives aux entreprises pour le captage et le stockage souterrain en toute sécurité du CO2, de façon à accélérer la mise en oeuvre de cette technologie prometteuse; et
  • puiser dans les fonds destinés au développement technologique afin de soutenir l'élaboration et la mise à l’essai commerciale de nouvelles technologies présentant un potentiel élevé de réduction des émissions de CO2, notamment les biocarburants perfectionnés.

Jusqu'ici, les négociateurs ont recherché un ensemble de mesures acceptable tant pour les pays développés que les pays en développement. Bien qu'il s'agisse toujours de l'objectif ultime, ce dernier s'est avéré extrêmement complexe et difficile à atteindre.

Des ententes entre de petits groupes de pays clés visant à plafonner les émissions de secteurs spécifiques de leurs économies, dont les émissions sont particulièrement élevées, pourraient être un point de départ.  De telles ententes pourraient constituer la base d'une entente plus vaste.  Les secteurs où des efforts sont particulièrement nécessaires sont notamment l'industrie de l'énergie électrique, qui produit environ 35 % des émissions de CO2 à l'échelle mondiale et les industries de fabrication du ciment, des produits chimiques et de l'acier. 

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Faire appel à l'engagement d'un nombre limité de pays, parmi les plus importants, faciliterait l'atteinte d'un compromis. En outre, de telles ententes pourraient atténuer les inquiétudes de certains pays très concurrentiels à l'échelle mondiale qui craignent que des règles très rigoureuses dans une région puissent les désavantager par rapport aux concurrents présents dans les pays où les règles sont moins strictes.

Supposons par exemple qu'une entente sur les émissions des centrales thermiques au charbon réunisse de gros utilisateurs comme la Chine, l'Union européenne, l'Inde, le Japon et les États-Unis, qui ensemble regroupent environ 80 % de la production d'électricité à base de charbon.  Une telle entente pourrait comporter des mécanismes permettant le transfert des technologies propres de combustion du charbon des pays développés aux pays en développement. Le système de plafonnement et d'échange pourrait offrir une source éventuelle de fonds grâce à la mise aux enchères de crédits d'émissions. 

Le besoin est criant. L'Asie à elle seule construira de nouvelles installations thermiques au charbon qui permettront de produire 800 gigawatts au cours des 10 prochaines années, soit l'équivalent de la capacité de production électrique de l'ensemble de l'Union européenne actuellement. Une fois construites, ces installations émettront plus de 4 milliards de tonnes de CO2 chaque année – soit le total des émissions des pays de l'UE liées à la production d'électricité – et seront en exploitation pendant 30 ans ou plus.

Les négociateurs « climatiques » devraient également faire de la question du captage et du stockage du CO2 une priorité.  Si le recours accru à l'énergie renouvelable et nucléaire contribuera à réduire les émissions, ces sources d'énergie ne parviendront pas à elles seules à répondre à la demande sans cesse croissante d'énergie.  Les combustibles fossiles, qu'on le veuille ou non, demeureront la principale source d'énergie mondiale pour des décennies encore.

Le « nettoyage » des combustibles fossiles est le passage nécessaire et incontournable vers un avenir où le CO2 sera mois présent. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations Unies indique que le captage et le stockage du CO2 pourrait contribuer à une réduction de près de 55 % des émissions pendant le présent siècle où les scientifiques jugent nécessaires de s’attaquer au réchauffement planétaire. Toutefois, les sociétés sont réticentes à investir dans les activités de captage et de stockage parce qu’elles haussent les coûts de façon considérable, mais ne génèrent aucun revenu. Si nous voulons tirer pleinement parti du potentiel des techniques de captage et de stockage du CO2, des mesures incitatives doivent être offertes aux sociétés pour favoriser les investissements et leur permettre d’en faire une activité rentable.

Les décideurs devraient également promouvoir le captage et le stockage de plusieurs façons.  D’abord, ils doivent donner un prix aux émissions de CO2. Ils pourraient le faire en les plafonnant et en créant un marché où les sociétés pourraient acheter et vendre des crédits d’émissions comme c’est le cas pour le système d'échange de droits d'émission de l’Union européenne. Ensuite, le captage et le stockage du CO2 doivent être reconnus dans le cadre du Mécanisme pour un développement propre du Protocole de Kyoto grâce auquel les pays développés peuvent investir dans des projets de réduction des émissions dans des pays en développement.

Enfin, les gouvernements devraient favoriser l’élaboration et le développement à l’échelle commerciale de technologies prometteuses pour l’avenir en termes de réduction des émissions de carbone. En raison de la chute marquée des prix de l’énergie au cours des derniers mois, il est moins probable que des investisseurs du secteur privé s’aventurent dans des technologies non éprouvées.

Il est évident qu’il sera difficile de débloquer des fonds en raison de la situation de resserrement actuelle.  Mais les systèmes d’échange de droits d’émission peuvent constituer une solution de rechange intéressante.  Par exemple, l’Union européenne a récemment réservé 300 millions de quotas d’émissions négociables, qui seront accordés à des projets d’énergie renouvelables innovateurs ou de stockage de CO2. Selon le prix de la tonne de CO2 sur le marché, cela pourrait représenter une aide de l’ordre de 6 à 9 milliards d’euros pour amener ces technologies au niveau voulu.

Personne ne sait si la crise économique durera des mois ou des années. Toutefois, un dénouement favorable à Copenhague servirait les intérêts de la société pendant des décennies à venir en favorisant la croissance économique et la prise de mesures visant la limitation des émissions de gaz à effet de serre.

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