CAMBRIDGE – L’adoption d’un marché international de permis d’émissions en vue de limiter les émissions de dioxyde de carbone risque réellement d’entraîner une série de mesures protectionnistes. Destinées à réduire les effets environnementaux à long terme, ces politiques de droits d’émissions pourraient avoir des conséquences économiques à court terme dont les effets pourraient perdurer.
Des preuves scientifiques semblent indiquer que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère provenant de la combustion d’énergies fossiles (principalement du charbon, du pétrole et du gaz naturel) – surtout par la production d’électricité, les transports et différents processus industriels – contribue au réchauffement climatique, avec des effets défavorables à long terme les conditions de vie sur la planète. C’est dans ce contexte que doivent se réunir à Copenhague en décembre prochain des représentants de plus de 150 pays afin de discuter des moyens à mettre en oeuvre pour réduire les émissions de CO2.
Il est envisagé de mettre en place une taxe sur les émissions de CO2, qui serait prélevée aux entreprises dont l’activité entraîne des émissions de CO2 , ou qui vendent des produits tels que l’essence dont l’utilisation provoque des rejets de CO2. Une telle taxe inciterait les compagnies d’électricité et les industriels à adopter des techniques qui contribueraient à réduire leurs rejets de CO2, à condition que le coût engendré par ces nouvelles techniques soit inférieur aux taxes auxquelles elles seraient assujetties.
L’augmentation des coûts de production induits par les moyens mis en oeuvre pour réduire les émissions – ainsi que des taxes ‘pollueur-payeur’ restant dues – seraient naturellement répercutées sur le consommateur. En retour, les consommateurs répondraient à ces hausses de prix en diminuant leur consommation de biens et de services surtaxés en faveur de biens et de services générant moins de rejets de CO2.
Une taxe carbone a pour conséquence de faire réagir chaque entreprise et chaque foyer à ce surcoût de rejets de CO2 dans l’atmosphère. Ce surcoût individuel uniforme permet de réduire l’ensemble du CO2 à un coût total inférieur à celui qui serait obtenu par le biais de diverses mesures administratives comme imposer des standards de kilométrage des automobiles ou des standards de technologie de production (par exemple imposer une norme d’utilisation minimum du pétrole dans la production de l’électricité), etc.
Et pourtant la taxe carbone n’est toujours pas adoptée. Alors que les gouvernements taxent l’essence, ils sont moins enclins à émettre une taxe carbone car toute forme d’imposition supplémentaire est généralement mal acceptée. Les gouvernements ont donc préféré se concentrer sur un système de droit d’émission pour augmenter le coût des produits dont la fabrication ou l’utilisation provoquent le plus de rejets de carbone sans imposer une taxe à proprement parlé.
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Dans un système de permis d’émission, le gouvernement détermine le total national d’émissions de CO2 autorisé par an et exige un permis par tonne de CO2 émise aux entreprises concernées. Si ce gouvernement vend ces permis aux enchères, le prix de ce permis représenterait un coût pour l’entreprise comme le serait une taxe – ce qui provoquerait de la même manière, une augmentation des prix aux consommateurs. Le système de droit d’émissions impose donc une taxe carbone qui ne dit pas son nom.
Un système de droit d’émissions peut provoquer de sérieuses incidences sur les marchés internationaux. Car même si chaque pays adopte ce système et que tous aspirent à une relative réduction des rejets de CO2 au niveau national, le prix des permis sera différent d’un pays à l’autre puisque chaque pays a de fait un niveau initial de CO2 différent et des caractéristiques de production nationales différentes. Le prix des permis d’émissions de CO2 dans un pays se reflétant dans les prix de ses produits, le système de droit d’émissions affecte sa compétitivité internationale.
Lorsque les prix des permis seront suffisamment élevés pour avoir un réel effet sur les émissions de CO2 , des pressions politiques en faveur d’une augmentation des droits de douanes sur les importations se feront entendre, réduisant ainsi les avantages des pays dont le prix du permis d’émissions sera plus faible. Ces droits de douane devront être différents selon les produits (plus élevés sur les produits dont la fabrication génère plus de rejets de CO2) et selon les pays (plus élevés pour les pays dont le prix du permis sera moindre). La complexité d’un tel système de tarifs douaniers différenciés correspond exactement au genre de protectionnisme que les gouvernements ont cherché à éviter avec la mise en place du GATT il y a plus de 50 ans.
Pire encore, les systèmes de permis d’émissions et la répartition de ces permis ne reposent pas uniquement dans la pratique sur les enchères. L’idée qui fait actuellement son chemin au Congrès américain (le projet de loi Waxman-Markey) accorderait initialement 85% des permis, imposerait un ensemble complexe de politiques réglementaires et autoriserait les entreprises à acheter des compensations de CO2 (par exemple en finançant la plantation d’arbres) plutôt que de réduire leurs émissions ou d’acheter des permis. Au regard de telles complexités, il est impossible de comparer l’impact des politiques de CO2 des différents pays, ce qui aurait pour conséquence d’inciter ceux qui veulent protéger leurs emplois nationaux à augmenter leurs droits de douane.
La solution à ce problème n’est pas simple. Mais avant de s’appuyer sur une augmentation des droits de douane, il est important de se rappeler que le système de permis d’émission ne serait pas la seule cause de déséquilibres en terme de compétitivité. De meilleures routes, de meilleurs ports, et même de meilleures écoles contribuent aussi à la compétitivité d’un pays. On ne peut utiliser les droits de douane comme argument pour maintenir la compétitivité d’un pays mise à mal par son propre gouvernement et il ne faudrait pas qu’un système de permis d’émission le permette.
Si un accord international devait imposer un marché de droits d’émission à Copenhague, les pays devraient se mettre aussi d’accord pour qu’aucune barrière douanière ne soit mise en place en compensation afin de ne pas menacer notre système international de libre échange.
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Donald Trump is offering a vision of crony rentier capitalism that has enticed many captains of industry and finance. In catering to their wishes for more tax cuts and less regulation, he would make most Americans’ lives poorer, harder, and shorter.
explains what a Republican victory in the 2024 election would mean for most Americans’ standard of living.
The outcome of the AI race could determine the global distribution of wealth and power for generations to come, and Europe is already lagging far behind China, the United States, Israel, Taiwan, and many others. Overhauling the EU's sclerotic, Kafkaesque startup ecosystem has never been more urgent.
explain what is wrong with the EU technology startup system, and what to do about it.
CAMBRIDGE – L’adoption d’un marché international de permis d’émissions en vue de limiter les émissions de dioxyde de carbone risque réellement d’entraîner une série de mesures protectionnistes. Destinées à réduire les effets environnementaux à long terme, ces politiques de droits d’émissions pourraient avoir des conséquences économiques à court terme dont les effets pourraient perdurer.
Des preuves scientifiques semblent indiquer que l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère provenant de la combustion d’énergies fossiles (principalement du charbon, du pétrole et du gaz naturel) – surtout par la production d’électricité, les transports et différents processus industriels – contribue au réchauffement climatique, avec des effets défavorables à long terme les conditions de vie sur la planète. C’est dans ce contexte que doivent se réunir à Copenhague en décembre prochain des représentants de plus de 150 pays afin de discuter des moyens à mettre en oeuvre pour réduire les émissions de CO2.
Il est envisagé de mettre en place une taxe sur les émissions de CO2, qui serait prélevée aux entreprises dont l’activité entraîne des émissions de CO2 , ou qui vendent des produits tels que l’essence dont l’utilisation provoque des rejets de CO2. Une telle taxe inciterait les compagnies d’électricité et les industriels à adopter des techniques qui contribueraient à réduire leurs rejets de CO2, à condition que le coût engendré par ces nouvelles techniques soit inférieur aux taxes auxquelles elles seraient assujetties.
L’augmentation des coûts de production induits par les moyens mis en oeuvre pour réduire les émissions – ainsi que des taxes ‘pollueur-payeur’ restant dues – seraient naturellement répercutées sur le consommateur. En retour, les consommateurs répondraient à ces hausses de prix en diminuant leur consommation de biens et de services surtaxés en faveur de biens et de services générant moins de rejets de CO2.
Une taxe carbone a pour conséquence de faire réagir chaque entreprise et chaque foyer à ce surcoût de rejets de CO2 dans l’atmosphère. Ce surcoût individuel uniforme permet de réduire l’ensemble du CO2 à un coût total inférieur à celui qui serait obtenu par le biais de diverses mesures administratives comme imposer des standards de kilométrage des automobiles ou des standards de technologie de production (par exemple imposer une norme d’utilisation minimum du pétrole dans la production de l’électricité), etc.
Et pourtant la taxe carbone n’est toujours pas adoptée. Alors que les gouvernements taxent l’essence, ils sont moins enclins à émettre une taxe carbone car toute forme d’imposition supplémentaire est généralement mal acceptée. Les gouvernements ont donc préféré se concentrer sur un système de droit d’émission pour augmenter le coût des produits dont la fabrication ou l’utilisation provoquent le plus de rejets de carbone sans imposer une taxe à proprement parlé.
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Un système de droit d’émissions peut provoquer de sérieuses incidences sur les marchés internationaux. Car même si chaque pays adopte ce système et que tous aspirent à une relative réduction des rejets de CO2 au niveau national, le prix des permis sera différent d’un pays à l’autre puisque chaque pays a de fait un niveau initial de CO2 différent et des caractéristiques de production nationales différentes. Le prix des permis d’émissions de CO2 dans un pays se reflétant dans les prix de ses produits, le système de droit d’émissions affecte sa compétitivité internationale.
Lorsque les prix des permis seront suffisamment élevés pour avoir un réel effet sur les émissions de CO2 , des pressions politiques en faveur d’une augmentation des droits de douanes sur les importations se feront entendre, réduisant ainsi les avantages des pays dont le prix du permis d’émissions sera plus faible. Ces droits de douane devront être différents selon les produits (plus élevés sur les produits dont la fabrication génère plus de rejets de CO2) et selon les pays (plus élevés pour les pays dont le prix du permis sera moindre). La complexité d’un tel système de tarifs douaniers différenciés correspond exactement au genre de protectionnisme que les gouvernements ont cherché à éviter avec la mise en place du GATT il y a plus de 50 ans.
Pire encore, les systèmes de permis d’émissions et la répartition de ces permis ne reposent pas uniquement dans la pratique sur les enchères. L’idée qui fait actuellement son chemin au Congrès américain (le projet de loi Waxman-Markey) accorderait initialement 85% des permis, imposerait un ensemble complexe de politiques réglementaires et autoriserait les entreprises à acheter des compensations de CO2 (par exemple en finançant la plantation d’arbres) plutôt que de réduire leurs émissions ou d’acheter des permis. Au regard de telles complexités, il est impossible de comparer l’impact des politiques de CO2 des différents pays, ce qui aurait pour conséquence d’inciter ceux qui veulent protéger leurs emplois nationaux à augmenter leurs droits de douane.
La solution à ce problème n’est pas simple. Mais avant de s’appuyer sur une augmentation des droits de douane, il est important de se rappeler que le système de permis d’émission ne serait pas la seule cause de déséquilibres en terme de compétitivité. De meilleures routes, de meilleurs ports, et même de meilleures écoles contribuent aussi à la compétitivité d’un pays. On ne peut utiliser les droits de douane comme argument pour maintenir la compétitivité d’un pays mise à mal par son propre gouvernement et il ne faudrait pas qu’un système de permis d’émission le permette.
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