NEW YORK – La ploutocratie américaine a déclaré la guerre au développement durable. Des milliardaires comme les frères Koch (énergies fossiles), Robert Mercer (finance) et Sheldon Adelson (casinos) interviennent dans la sphère politique pour leur avantage pécuniaire personnel. Ils financent des politiciens républicains qui promettent de réduire leurs impôts, de déréglementer leurs industries et qui ignorent les mises en garde des sciences de l’environnement, de la climatologie en particulier.
En mesurant les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durables (ODD) dans le cadre d’un classement d’un Indice des ODD que j’ai supervisé, les États-Unis se sont placés 42e sur les 157 pays étudiés, bien en-dessous de la plupart des pays à haut revenu. L’auteur danois Bjørn Lomborg s’interroge dans un article : comment un pays aussi riche peut-il avoir un score aussi faible ? Il en déduit que « dénigrer les États-Unis est en vogue et facile ».
Ce n’est pourtant pas de ça qu’il s’agit. L’Indice des ODD est établi en fonction de données comparables au plan international pour les 17 Objectifs de développement durables auxquels ont souscrits 157 pays. La véritable question est la suivante : le développement durable n’est pas seulement une question de richesse, mais également d’inclusion sociale et de viabilité environnementale. Les États-Unis se placent loin derrière d’autres pays à hauts revenus parce que la ploutocratie américaine a depuis de longues années dédaigné la justice sociale et la viabilité environnementale.
Les États-Unis sont certes un pays riche, mais le célèbre aphorisme de Lord Acton s’applique aussi bien aux nations qu’aux individus : « Le pouvoir tend à corrompre ; le pouvoir absolu corrompt absolument » La ploutocratie américaine a exercé un tel pouvoir pendant si longtemps qu’elle agit en toute impunité par rapport aux plus faibles et à l’environnement naturel.
Quatre lobbies puissants exercent depuis longtemps une influence considérable : les grandes compagnies pétrolières, les assurances médicales privées, le complexe militaro-industriel et Wall Street. L’influence de ces groupes d’intérêts particuliers a été démultipliée par l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump, composée en grande partie de lobbyistes des grandes entreprises, sans parler des milliardaires conservateurs de son cabinet.
Alors que les ODD 7 et 13 appellent à atténuer le changement climatique en réduisant la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, les grandes compagnies pétrolières américaines freinent des quatre fers. Sous l’emprise de ces grands producteurs de pétrole et de charbon, Trump a annoncé une sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat.
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Les émissions annuelles de CO2 des États-Unis, par personne, s’élèvent à 16,4 tonnes, l’un des taux le plus élevé au monde pour une grande économie. Un chiffre comparable est par exemple de 9,2 tonnes pour l’Allemagne. L’Agence américaine de protection de l’environnement, aujourd’hui dirigée par des lobbyistes de l’industrie des énergies fossiles, abroge chaque semaine des réglementations de protection de l’environnement (bien que de nombreuses décisions de cette agence soient contestées devant les tribunaux).
L’ODD 10 appelle de son côté à réduire les inégalités. Au cours des 30 dernières années, l’inégalité des revenus des Américains a augmenté en flèche et avec un coefficient de Gini de 41.1, le pays se situe à la deuxième place des économies à hauts revenus, juste après Israël (42,8). Les propositions de réductions d’impôts avancées par les républicains ne feraient que creuser ces inégalités. Le taux de pauvreté relative des États-Unis (soit les foyers disposant d’un revenu inférieur au revenu médian) est aussi, à 17,5 pour cent, le deuxième le plus élevé des pays de l’OCDE (à nouveau, juste après Israël).
De même, alors que l’ODD 8 vise l’accès de tous à un emploi décent, les travailleurs américains sont à peu près les seuls de tous les pays de l’OCDE à ne pas bénéficier de congés maladie et parental et de congés payés annuels. De plus en plus d’Américains travaillent en conséquence dans des conditions déplorables et sans protection de l’emploi. Près de neuf millions de travailleurs américains vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les États-Unis souffrent également d’une épidémie de malnutrition causée par la puissante industrie de la restauration rapide qui a effectivement empoisonné les gens avec des régimes alimentaires riches en acides gras saturés et en sucre et avec des processus de fabrication et des additifs chimiques toxiques. Le résultat est un taux d’obésité de 33,7 pour cent de la population, de très loin le plus important des pays de l’OCDE, avec d’énormes conséquences négatives au plan des maladies non transmissibles. L’espérance de vie en bonne santé des Américains n’est que de 69,1 années, comparée à 73,1 en Suisse et 74,9 ans au Japon.
Alors que l’ODD 16, Justice et Paix, appelle entre autres points à réduire nettement toutes les formes de violence dans le monde, le complexe militaro-industriel américain mène des guerres, sans fin en vue, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen et en Libye (pour n’en nommer que quelques-unes) et effectue des ventes d’armes à grande échelle. Lors d’une récente visite en Arabie saoudite, Trump a signé un accord portant sur des ventes d’armement à hauteur de 100 milliards de dollars, se vantant de créer « des emplois, des emplois, des emplois » pour le secteur américain de la Défense.
La ploutocratie américaine contribue également à la violence au niveau national. Le taux d’homicide volontaire, 3,9 pour 100.000 habitants par an, est le plus élevé de l’OCDE et nettement plus que celui de l’Europe (le taux de l’Allemagne s’établit à 0,9 pour 100.000 par exemple). Chaque mois, des fusillades meurtrières se produisent aux États-Unis, comme le récent massacre à Las Vegas. Et pourtant le poids politique du lobby des armes à feu, qui s’oppose même à des restrictions sur les ventes des fusils d’assaut, bloque régulièrement l’adoption de mesures qui pourraient accroître la sécurité des citoyens.
Une autre forme de violence est l’énorme population carcérale. Avec quelques 716 détenus pour 100.000 habitants, les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé au monde, près de 10 fois celui de la Norvège (71 pour 100.000). Il est intéressant de noter que le gouvernement a en partie privatisé les prisons, créant ainsi une industrie qui a tout intérêt à faire en sorte que le nombre de détenus soit le plus important possible. L’ancien président Barack Obama avait signé un décret visant à éliminer progressivement les prisons fédérales privées, mais celui-ci a été abrogé par l’administration Trump.
Lomborg se demande également pourquoi les États-Unis obtiennent un score aussi faible dans le cas des « Partenariats pour la réalisation des Objectifs », alors qu’ils ont alloué près de 33, 6 milliards de dollars à l’aide publique au développement en 2016. La réponse est simple : par rapport au revenu national brut (RNB), près de 19.000 milliards de dollars, la part de l’aide publique au développement n’est que de 0,18 pour cent du RNB – soit en gros, le quart seulement de la cible mondiale de 0,7 pour cent du PNB.
Le mauvais classement des États-Unis dans l’Indice ODD n’est pas un dénigrement des États-Unis. Il est plutôt un reflet troublant et attristant de la richesse et du pouvoir des lobbies par rapport aux citoyens ordinaires dans la sphère politique américaine. J’ai récemment contribué à lancer une initiative qui vise à recentrer la politique au niveau des États américains autour du développement durable, au moyen d’une série d’Objectifs des États-Unis que des candidats à des postes au niveau des États commencent à adopter. Je suis convaincu qu’une Amérique post-Trump saura s’engager à nouveau en faveur des valeurs propices au bien commun, à la fois au plan national et en tant que partenaire mondial d’un développement durable.
Today’s global development agenda is trying to be all things to all people. The Millennium Development Goals worked because they were few in number and sharply focused. By contrast, the MDGs' successor, the Sustainable Development Goals, comprise an eye-popping 169 targets, which means there is no focus at all.
criticizes a new report ranking countries' progress toward meeting the Sustainable Development Goals
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At the end of a year of domestic and international upheaval, Project Syndicate commentators share their favorite books from the past 12 months. Covering a wide array of genres and disciplines, this year’s picks provide fresh perspectives on the defining challenges of our time and how to confront them.
ask Project Syndicate contributors to select the books that resonated with them the most over the past year.
NEW YORK – La ploutocratie américaine a déclaré la guerre au développement durable. Des milliardaires comme les frères Koch (énergies fossiles), Robert Mercer (finance) et Sheldon Adelson (casinos) interviennent dans la sphère politique pour leur avantage pécuniaire personnel. Ils financent des politiciens républicains qui promettent de réduire leurs impôts, de déréglementer leurs industries et qui ignorent les mises en garde des sciences de l’environnement, de la climatologie en particulier.
En mesurant les progrès vers la réalisation des objectifs de développement durables (ODD) dans le cadre d’un classement d’un Indice des ODD que j’ai supervisé, les États-Unis se sont placés 42e sur les 157 pays étudiés, bien en-dessous de la plupart des pays à haut revenu. L’auteur danois Bjørn Lomborg s’interroge dans un article : comment un pays aussi riche peut-il avoir un score aussi faible ? Il en déduit que « dénigrer les États-Unis est en vogue et facile ».
Ce n’est pourtant pas de ça qu’il s’agit. L’Indice des ODD est établi en fonction de données comparables au plan international pour les 17 Objectifs de développement durables auxquels ont souscrits 157 pays. La véritable question est la suivante : le développement durable n’est pas seulement une question de richesse, mais également d’inclusion sociale et de viabilité environnementale. Les États-Unis se placent loin derrière d’autres pays à hauts revenus parce que la ploutocratie américaine a depuis de longues années dédaigné la justice sociale et la viabilité environnementale.
Les États-Unis sont certes un pays riche, mais le célèbre aphorisme de Lord Acton s’applique aussi bien aux nations qu’aux individus : « Le pouvoir tend à corrompre ; le pouvoir absolu corrompt absolument » La ploutocratie américaine a exercé un tel pouvoir pendant si longtemps qu’elle agit en toute impunité par rapport aux plus faibles et à l’environnement naturel.
Quatre lobbies puissants exercent depuis longtemps une influence considérable : les grandes compagnies pétrolières, les assurances médicales privées, le complexe militaro-industriel et Wall Street. L’influence de ces groupes d’intérêts particuliers a été démultipliée par l’arrivée au pouvoir de l’administration Trump, composée en grande partie de lobbyistes des grandes entreprises, sans parler des milliardaires conservateurs de son cabinet.
Alors que les ODD 7 et 13 appellent à atténuer le changement climatique en réduisant la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, les grandes compagnies pétrolières américaines freinent des quatre fers. Sous l’emprise de ces grands producteurs de pétrole et de charbon, Trump a annoncé une sortie des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat.
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L’ODD 10 appelle de son côté à réduire les inégalités. Au cours des 30 dernières années, l’inégalité des revenus des Américains a augmenté en flèche et avec un coefficient de Gini de 41.1, le pays se situe à la deuxième place des économies à hauts revenus, juste après Israël (42,8). Les propositions de réductions d’impôts avancées par les républicains ne feraient que creuser ces inégalités. Le taux de pauvreté relative des États-Unis (soit les foyers disposant d’un revenu inférieur au revenu médian) est aussi, à 17,5 pour cent, le deuxième le plus élevé des pays de l’OCDE (à nouveau, juste après Israël).
De même, alors que l’ODD 8 vise l’accès de tous à un emploi décent, les travailleurs américains sont à peu près les seuls de tous les pays de l’OCDE à ne pas bénéficier de congés maladie et parental et de congés payés annuels. De plus en plus d’Américains travaillent en conséquence dans des conditions déplorables et sans protection de l’emploi. Près de neuf millions de travailleurs américains vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Les États-Unis souffrent également d’une épidémie de malnutrition causée par la puissante industrie de la restauration rapide qui a effectivement empoisonné les gens avec des régimes alimentaires riches en acides gras saturés et en sucre et avec des processus de fabrication et des additifs chimiques toxiques. Le résultat est un taux d’obésité de 33,7 pour cent de la population, de très loin le plus important des pays de l’OCDE, avec d’énormes conséquences négatives au plan des maladies non transmissibles. L’espérance de vie en bonne santé des Américains n’est que de 69,1 années, comparée à 73,1 en Suisse et 74,9 ans au Japon.
Alors que l’ODD 16, Justice et Paix, appelle entre autres points à réduire nettement toutes les formes de violence dans le monde, le complexe militaro-industriel américain mène des guerres, sans fin en vue, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen et en Libye (pour n’en nommer que quelques-unes) et effectue des ventes d’armes à grande échelle. Lors d’une récente visite en Arabie saoudite, Trump a signé un accord portant sur des ventes d’armement à hauteur de 100 milliards de dollars, se vantant de créer « des emplois, des emplois, des emplois » pour le secteur américain de la Défense.
La ploutocratie américaine contribue également à la violence au niveau national. Le taux d’homicide volontaire, 3,9 pour 100.000 habitants par an, est le plus élevé de l’OCDE et nettement plus que celui de l’Europe (le taux de l’Allemagne s’établit à 0,9 pour 100.000 par exemple). Chaque mois, des fusillades meurtrières se produisent aux États-Unis, comme le récent massacre à Las Vegas. Et pourtant le poids politique du lobby des armes à feu, qui s’oppose même à des restrictions sur les ventes des fusils d’assaut, bloque régulièrement l’adoption de mesures qui pourraient accroître la sécurité des citoyens.
Une autre forme de violence est l’énorme population carcérale. Avec quelques 716 détenus pour 100.000 habitants, les États-Unis ont le taux d’incarcération le plus élevé au monde, près de 10 fois celui de la Norvège (71 pour 100.000). Il est intéressant de noter que le gouvernement a en partie privatisé les prisons, créant ainsi une industrie qui a tout intérêt à faire en sorte que le nombre de détenus soit le plus important possible. L’ancien président Barack Obama avait signé un décret visant à éliminer progressivement les prisons fédérales privées, mais celui-ci a été abrogé par l’administration Trump.
Lomborg se demande également pourquoi les États-Unis obtiennent un score aussi faible dans le cas des « Partenariats pour la réalisation des Objectifs », alors qu’ils ont alloué près de 33, 6 milliards de dollars à l’aide publique au développement en 2016. La réponse est simple : par rapport au revenu national brut (RNB), près de 19.000 milliards de dollars, la part de l’aide publique au développement n’est que de 0,18 pour cent du RNB – soit en gros, le quart seulement de la cible mondiale de 0,7 pour cent du PNB.
Le mauvais classement des États-Unis dans l’Indice ODD n’est pas un dénigrement des États-Unis. Il est plutôt un reflet troublant et attristant de la richesse et du pouvoir des lobbies par rapport aux citoyens ordinaires dans la sphère politique américaine. J’ai récemment contribué à lancer une initiative qui vise à recentrer la politique au niveau des États américains autour du développement durable, au moyen d’une série d’Objectifs des États-Unis que des candidats à des postes au niveau des États commencent à adopter. Je suis convaincu qu’une Amérique post-Trump saura s’engager à nouveau en faveur des valeurs propices au bien commun, à la fois au plan national et en tant que partenaire mondial d’un développement durable.