bergamaschi2_ ALBERTO PIZZOLIAFP via Getty Images_heatwave italu ALBERTO PIZZOLI/AFP via Getty Images

Le prochain gouvernement italien devra agir pour la sécurité climatique

ROME – Lorsque les Italiens se rendront aux urnes le 25 septembre, ils voteront dans un contexte de crise énergétique et climatique sans précédent. L’hiver approche à grands pas, et le prochain gouvernement sera confronté à une tâche difficile, consistant à protéger les citoyens et les entreprises tout en inscrivant l’Italie sur une trajectoire de renforcement de sa résilience climatique, et en honorant sa juste part de réduction des émissions.

Le climat extrême de cet été ne constitue qu’un aperçu des difficultés climatiques qui nous attendent. Températures anormales, sécheresse et inondations catastrophiques ont fait plusieurs morts dernièrement, et entraîné des pertes économiques et des dégâts considérables. Les Italiens doivent garder en tête qu’ils peuplent un territoire qualifié de « point chaud » du changement climatique par les scientifiques. Avec une augmentation des températures 20 % plus rapide que la moyenne mondiale, la Méditerranée compte parmi les régions de la planète les plus impactées par le changement climatique.

L’Italie elle-même enregistre d’ores et déjà un réchauffement de 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, et les coûts humains et économiques de ses émissions passées ainsi que de ses choix infrastructurels de court terme ne cessent d’augmenter. Entre 1980 et 2020, l’Italie a déploré 21 000 décès causés par des événements météorologiques extrêmes – derrière seulement l’Allemagne et la France au niveau européen. De même, au cours des 50 dernières années, les glissements de terrain et les inondations ont contraint plus de 320 000 personnes à évacuer leur domicile, et érodé pas moins de 40 millions de mètres carrés de littoral. Aujourd’hui, 91 % des villes et 12 000 biens culturels d’Italie sont exposés à un risque de glissements de terrain et d’inondations.

L’avenir s’annonce menaçant. Entre aujourd’hui et 2100, les températures estivales en Italie pourraient gagner jusqu’à 6°C, et les précipitations en été diminuer de 40 %. Sans une action urgente, le nombre de jours de canicule chaque année pourrait être multiplié par 400 % d’ici 2050, et par 1 100 % d’ici 2080. Pour une ville telle que Rome, cela pourrait signifier jusqu’à 28 jours de chaleur extrême chaque année.

Les coûts économiques sont voués à s’alourdir à mesure que la températures augmenteront, et à impacter principalement les catégories de population les plus fragiles. D’après certaines estimations, le changement climatique risque de réduire de 8 % le PIB par habitant de l’Italie d’ici 2100. Du côté des infrastructures, les pertes pourraient dépasser les 15 milliards €, les coûts liés à la montée du niveau des mers et aux inondations côtières atteindre près de 6 milliards €, la chute de la valeur des terres agricoles représenter plus de 160 milliards €, et la contraction de la demande dans le secteur du tourisme coûter 52 milliards € (notamment parce que seules 18 % des stations touristiques dans les Alpes italiennes bénéficieront encore d’une couverture neigeuse naturelle suffisante pour la saison hivernale).

Les récentes tragédies telles que l’effondrement du glacier de la Marmolada et les inondations extrêmes dans la région des Marches sont emblématiques du nouveau risque environnemental. Elles révèlent combien les conséquences socioéconomiques et politiques du changement climatique sont susceptibles d’entraîner des migrations de masse ainsi que des tensions nouvelles autour des ressources hydriques, alimentaires et énergétiques.

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De toute évidence, le changement climatique constitue une menace majeure pour la sécurité nationale de l’Italie. Les acteurs politiques italiens ne sont pourtant pas ceux qui en parlent le plus. Alors que les électeurs italiens deviennent de plus en plus conscients du problème, et qu’ils exigent des actes, rares sont les candidats politiques qui abordent la question. Depuis plusieurs décennies, les gouvernements et partis politiques d’Italie négligent largement la menace que représente le changement climatique pour la sécurité et la prospérité du pays.

L’échec dans la formulation de plans crédibles sur la voie de la transition énergétique reflète plus largement le refus même de reconnaître les implications climatiques qui accompagnent les sources énergétiques actuelles de l’Italie. Dans un pays dominé de longue date par le secteur du gaz naturel, l’establishment politique et les médias mainstream demeurent peu enclins à évoquer la question des sociétés gazières étatiques. Résultat, seuls un tiers des Italiens ont conscience de la pollution engendrée par le gaz naturel, alors même qu’il s’agit de la plus importante source d’émissions du pays.

Nouveau gouvernement peut signifier nouveau cap. La fenêtre d’opportunité se referme toutefois rapidement. Pour éviter une trajectoire de réchauffement vouée à rendre inadaptées à l’habitat ou au tourisme des régions entières d’Italie, le prochain gouvernement devra comprendre qu’il ne peut exister de sécurité climatique sans l’Union européenne.

Plus les grandes économies mondiales se décarboneront rapidement, mieux ce sera pour l’Italie. Le prochain gouvernement devra soutenir l’agenda climatique de l’UE, et apporter sa contribution pour en faire un succès. Il lui faudra également soutenir les investissements dans la résilience climatique à travers le monde, en particulier en Afrique et dans la région méditerranéenne, où les évolutions liées au climat sont vouées à devenir une cause majeure de migrations de masse.

L’Italie a également besoin de nouveaux investissements publics massifs dans la décarbonation. Dans la mesure où il lui faut toutefois également respecter les principes de viabilité de sa dette, le pays devra mettre en œuvre d’innovantes politiques de mobilisation du secteur privé en appui de l’action climatique.

Dans le même temps, le prochain gouvernement devra comprendre qu’une tentative en direction de la sécurité climatique via de simples correctifs technologiques, ou au moyen d’une approche verticale dirigiste, ne pourra qu’entraîner un retour de flamme politique. La démocratie prospère sur sa capacité d’innovation, de comptes rendus, de transparence et d’inclusion. Les dirigeants politiques italiens ne peuvent plus se permettre d’abandonner la stratégie énergétique du pays aux mains d’une poignée de sociétés, même contrôlées par l’État.

Enfin, le prochain gouvernement devra prendre conscience de la multitude des interdépendances qui existent entre l’économie et l’environnement. Il ne peut exister d’économie sûre sans climat sûr, de même qu’aucune stabilité climatique n’est possible sans une économie solide et juste. En fin de compte, il ne peut y avoir de choix entre les objectifs économiques et les objectifs environnementaux.

La trajectoire que prendra le prochain gouvernement demeure inconnue. Bien que les sondages d’opinion annoncent une victoire des partis d’extrême droite, les Italiens de toutes convictions politiques ne peuvent qu’être favorables à un programme visant à préserver la sécurité et la prospérité de l’Italie dans un monde en réchauffement.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

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