trump fuel efficiency Alex Wong/Getty Images

Les militants écologistes s’indignent mais se trompent de cible

BOSTON – En août, lorsque le président des États-Unis Donald Trump a proposé de geler les normes imposées aux voitures et aux poids-lourds sur la consommation de carburant, les défenseurs de l’environnement et leurs soutiens se sont scandalisés. Le débat, depuis, s’est encore enflammé, à la suite du rapport spécial publié par le Groupe d’experts international sur l’évolution du climat (GIEC), qui souligne le besoin urgent de prendre des mesures drastiques pour diminuer les émissions de dioxyde de carbone.

Si les efforts des défenseurs de l’environnement pour combattre le changement climatique sont louables, leurs réactions aux événements sont inappropriées. Les stratégies qu’ils préconisent pour réduire les émissions ne feront pratiquement pas bouger les choses et dans nombre de cas sont même contreproductives, fournissant aux gouvernements et aux entreprises de quoi jeter un voile pudique sur leur inaction. Il nous faut une stratégie réaliste pour endiguer le changement climatique et mobiliser les ressources technologiques mondiales sans imposer à la croissance économique d’exorbitantes restrictions.

L’indignation soulevée par la proposition de l’administration Trump d’un assouplissement des normes d’émissions imposées aux véhicules automobiles s’est essentiellement focalisée sur deux passages du rapport de 500 pages dont elle s’est inspirée. En premier lieu, cette administration reconnaît que les émissions de gaz à effet de serre (GES) augmenteront, mais pour assurer aussitôt que cette augmentation n’aura que peu de conséquences. En second lieu, cette administration évalue l’augmentation moyenne des températures dans le monde à 3,5 degrés Celsius d’ici 2100 si aucune mesure n’est prise. Ces prévisions ont déclenché une salve de protestations. Ainsi le Boston Globetitrait-il : « L’administration Trump se contente de s’asseoir sur le siège arrière et de regarder la planète se réchauffer. »

Dix jours plus tard, le rapport du GIEC rallumait le débat, montrant qu’une limitation du réchauffement global de 1,5° C au-dessous des niveaux pré-industriels – objectif fixé par l’accord de Paris en 2015 – allait nécessiter des mesures draconiennes, comme l’arrêt de l’utilisation des moteurs à explosion et l’exploitation des sources d’énergie renouvelable pour fournir 75 % des besoins en électricité de la planète.

Ces mesures élimineront, selon le GIEC, les émissions de CO2, mais pourraient se révéler insuffisantes. On admet aujourd’hui qu’une augmentation de 1,5° C des températures globales est inévitable, et le réchauffement atteindra probablement les 2° C à la fin du siècle.

Un certain nombre de raisons viennent étayer ces prévisions pessimistes. Si de nombreux consommateurs affirment, dans les pays développés, être gagnés à la cause du développement durable, il ne veulent généralement pas en payer eux-mêmes le prix ou en supporter les inconvénients. Les habitants des pays en développement désirent quant à eux un meilleur niveau de vie, quel qu’en soit l’impact sur les températures mondiales. Les entreprises répondent à ces signaux ambigus en prenant, pour réduire les émissions, des mesures symboliques et peu contraignantes, qui n’affectent pas leurs résultats. Les gouvernements et les responsables politiques esquivent les initiatives qui pourraient nuire à l’emploi ou à la création d’emplois.

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En conséquence de quoi les consommateurs sont encouragés à témoigner de leur bonne volonté en prenant part à des actions de pure bonne conscience. Ainsi le tri des ordures ménagères et l’usage de sacs en papier dans les magasins n’ont-ils que des conséquences infimes :  aux États-Unis, les ordures ménagères ne comptent que pour 3 % de la totalité des déchets produits.

Les entreprises suivent les tendances des consommateurs. En témoigne l’interdiction (inefficace) des pailles dans les restaurants McDonald’s, qui continuent de servir de la viande de bœuf, à savoir l’un des principaux agents du réchauffement climatique, si l’on prend en compte le méthane dégagé par le bétail – dont l’effet de serre est vingt-huit fois plus puissant que celui du CO2.

Force est de constater que les gouvernements sont une partie du problème, et non de sa solution. Le gouvernement des États-Unis s’est retiré de l’accord de Paris sur le climat et le gouvernement australien a revu à la baisse ses engagements. Le gouvernement allemand s’est rendu complice du scandale de la fraude aux émissions qui s’est répandu dans l’industrie automobile du pays, et les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas diminué en Allemagne au cours des dix dernières années. À la vérité, la République fédérale n’atteindra probablement pas ses objectifs pour 2020 voire 2030, alors même qu’elle incite les autres pays à remplir les leurs.

Si l’on examine froidement l’état des choses, on s’apercevra que la bataille, dans l’immédiat, est déjà perdue, ce qui nous ramène à la politique controversée de l’administration Trump en matière d’émissions. Le rapport sur lequel s’appuie cette politique montre évidemment que le roi est nu. Les modestes mesures progressives en faveur de la durabilité sont inappropriées et donc vaines, contrariant sans nécessité la croissance et la création d’emplois, et permettant aux pays développés de réclamer de la part des pays en développement des concessions qu’ils n’ont aucun droit d’exiger. Vu sous cet angle, le rapport de l’administration sur les économies d’énergie n’est pas aussi fou qu’il a pu en avoir l’air.

Nous ne disposons, je le crois, que de deux solutions pour éviter ce que la plupart des scientifiques considèrent comme la catastrophe d’un réchauffement climatique global.

La première serait de mettre un terme à la croissance économique, car l’idée d’une « croissance verte » soutenue par des défenseurs de l’environnement qui semblent prendre leurs vœux pour des réalités est fallacieuse. Un choix aussi drastique demanderait au monde de réinventer la façon dont l’activité économique est mesurée. Et il aurait des conséquences politiques gênantes d’un point de vue éthique, car il s’assortirait de mesures de contrôle des populations. 

La seconde serait le lancement par le monde riche d’un « Projet Manhattan » pour concevoir et développer à grande échelle les technologies propres à débarrasser la planète de son surplus de gaz à effet de serre. L’initiative pourrait se déployer dans les domaines de la captation du carbone et de la géo-ingénierie, mais aussi des nourritures végétales, des matériaux susceptibles de remplacer le béton et de la production d’électricité par fusion nucléaire.

Le seconde formule offre l’avantage d’une solution réaliste à la crise du réchauffement climatique et évite les dilemmes moraux liés à la première (qui condamnerait en outre des milliards de personnes à la pauvreté). Nous ne pourrons combattre le réchauffement climatique qu’en mobilisant notre plus grande ressource naturelle : l’ingéniosité humaine.

Traduit de l’anglais par François Boisivon

https://prosyn.org/YnkJWesfr