jmehta1_JEAN AURELIO PRUDENCEL'Express MauriceAFP via Getty Images_oil spill JEAN AURELIO PRUDENCEL'Express MauriceAFP via Getty Images

Poursuivre l'écocide en justice

LOS ANGELES – Les inondations, les incendies de forêt, les températures records et les zoonoses n'ont échappé à personne. À ce titre, il est impossible d'ignorer la crise climatique et écologique et l'humanité se résigne peut-être à accepter que les graves dégâts que notre environnement naturel endure ne sont pas seulement une simple question de principes. Tout cela équivaut peut-être à un crime international.

La dernière introduction d'un nouveau crime pénal international remonte au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Les Chartes de Nuremberg et de Tokyo ont ajouté les crimes contre l'humanité aux crimes de guerre et aux crimes contre la paix existants (« agression »), en consacrant l'idée que certains actes sont si flagrants que, quelle que soit la victime immédiate, ils nous concernent tous. Peu après, en 1948, un crime particulier contre l'humanité – le génocide – a été entériné dans un nouveau traité.

Nous assistons peut-être à un moment du même ordre dans notre relation à l'environnement. Le mois dernier, un groupe indépendant de juristes internationaux a publié un projet de texte définissant le crime « d'écocide », qui doit être proposé à son inscription dans le Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Les parallèles sont clairs : l'adoption de l'écocide comme crime international reconnaît que les graves dégâts subis par notre environnement sont un crime contre nous tous et que nous ne pouvons plus laisser des États individuels juger de tels délits par leur seule juridiction.

Le groupe d'experts, réuni par Stop Ecocide Foundation (par laquelle nous avons été employés), a défini le crime selon les termes suivants : Actes illégaux ou injustifiés commis en connaissance de cause qu'il existe une probabilité substantielle de dégâts graves, généralisés ou à long terme sur l'environnement causés par ces actes.

Deux seuils doivent être atteints pour que des actes constituent ce type de crime. Tout d'abord, il doit y avoir une probabilité substantielle qu'ils causent des dégâts graves, généralisés ou à long terme à l'environnement. La rigueur est nécessaire en toutes circonstances et les dégâts probables doivent être soit étendus (s'étendre au-delà d'une zone limitée, au-delà des frontières de l'État, ou toucher tout un écosystème ou un grand nombre de personnes), soit à long terme (irréversibles ou irrémédiables par le rétablissement naturel dans un délai raisonnable). Cela engloberait des situations telles que la pollution toxique d'un centre de population – un grand nombre de personnes, mais une zone géographique relativement limitée – ou la destruction d'un écosystème marin, qui peut être limité en taille mais définitivement perdu.

Pour atteindre le deuxième seuil, les dommages doivent être « soit illégaux, soit injustifiés. » Idéalement, l'environnement doit être protégé de manière adéquate par les lois nationales et les violations extrêmes doivent être des crimes internationaux. Le terme « illégal » se rapporte à des situations de ce type. Mais la législation nationale varie et le droit international de l'environnement comporte peu d'interdictions. Et certains actes légalement autorisés qui nuisent à l'environnement sont socialement souhaitables : songez à des projets de logement, de transports ou d'infrastructure désespérément nécessaires. Dans de tels cas, le droit international de l'environnement énonce des principes – avant tout le principe du développement durable – que les États doivent respecter. Le terme « injustifiés » dans la définition de l'écocide vise un objectif similaire, qui traite des actes légalement autorisés qui sont irresponsables, en raison du niveau disproportionné de préjudice probable.

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Pour être reconnu comme un crime international du même ordre que le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et d'agression, le crime d'écocide aura besoin du soutien d'au moins deux tiers des États membres de la CPI (actuellement 123 États au total). Il entrera alors en vigueur pour tout État qui le ratifiera. Les personnes occupant des postes à responsabilité dont les actions répondent à la définition seront passibles de poursuites par la CPI ou par tout tribunal national compétent et condamnées à des peines de prison éventuelles. Il s'agit d'un changement majeur par rapport au statu quo, où les sanctions pénales font défaut, au niveau international et souvent au niveau national également, pour nombre des pires cas de destruction massive de l'environnement. Dans la plupart des juridictions, les particuliers ou les sociétés ne sont passibles que de sanctions financières.

La criminalisation de l'écocide pourrait avoir un effet dissuasif plus fort que la perspective d'un génocide ou de crimes de guerre, parce qu'il s'agit en grande partie d'un délit d'entreprise. Parce que la valeur d'une entreprise dépend en grande partie de sa réputation et de la confiance des investisseurs, les dirigeants auraient beaucoup à perdre en se trouvant sur le même banc des accusés qu'un criminel de guerre (la CPI intente des poursuites contre des délinquants individuels plutôt que contre des entreprises). Même le risque de paraître avoir commis un crime international pourrait conduire les décideurs d'entreprises à recourir à des méthodes de fonctionnement plus sûres et plus durables. Il nous est permis d'espérer que la dissuasion prendra effet bien avant que la loi n'entre en vigueur, lorsque la perspective d'une loi deviendra tangible.

Il y a bien sûr des défis à relever pour aller de l'avant. La CPI avance déjà sur un terrain difficile et il est clair, d'après les développements en France, que la législation nationale sur les écocides peut être problématique (le Climate and Resilience Act de 2021 récemment promulgué contient une reformulation à la baisse très critiquée de la compréhension de ce terme).

Mais un large soutien international en faveur du crime d'écocide peut et doit être obtenu. Des gouvernements – notamment ceux de Vanuatu, des Maldives, de la France, de la Belgique, de la Finlande, de l'Espagne, du Canada et du Luxembourg – sont déjà intéressés. Et des motions ou projets de loi parlementaires ont été soumis dans un certain nombre de pays, dont la Belgique, le Portugal, le Brésil, la France, la Bolivie, le Bangladesh, le Royaume-Uni et le Chili. Les pays ne doivent pas attendre la catastrophe pour mettre fin au crime international de notre temps.

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