LONDRES – Au mois de février, 14 éminents climatologues, économistes et experts se sont réunis pour discuter d’une nouvelle orientation de la politique climatique. Leurs conclusions, publiées cette semaine par la London School of Economics (LSE) et l’université d’Oxford, méritent toute notre attention.
Cette réunion a été organisée par Gwyn Prins, un expert reconnu dans le domaine des relations internationales et de la politique de sécurité et qui dirige le Programme Mackinder de la LES, qui a pour vocation d'analyser la dynamique profonde des événements. Parmi les participants figuraient notamment le climatologue Mike Hulme de l’université de East Anglia, l’expert en politique climatique Roger Pielke Jr. de l’université du Colorado et l’économiste Christopher Green de l’université McGill.
Le rapport du groupe, la « Communication de Hartwell », définit de nouvelles perspectives pour la politique climatique, à la lumière de l’échec des négociations pour un accord mondial sur le climat à Copenhague fin 2009. Les auteurs du rapport notent qu’après 18 ans, la politique climatique adoptée par de nombreux gouvernements dans la logique du protocole de Kyoto n'est pas parvenue à réduire de façon significative les émissions de gaz à effet de serre.
Ce qui caractérise le Protocole de Kyoto est bien sûr l’accent mis de manière réductrice sur la limitation des émissions de CO2. La « Communication de Hartwell » estime que l’approche du protocole de Kyoto, basée sur des expériences précédentes concernant des problèmes environnementaux relativement simples comme les pluies acides, était vouée à l’échec.
Pour le groupe d’experts, comparer le changement climatique à d’autres problèmes environnementaux, rencontrés et résolus par le passé, ne fait aucun sens. Le climat est un système ouvert extrêmement complexe ayant de nombreuses répercussions encore mal comprises. Contrairement aux pluies acides et au smog par exemple, il n’est pas un « problème environnemental conventionnel ». Il est tout autant « un problème d'énergie, que de développement économique ou d'aménagement du territoire ».
Les économistes climatiques conviennent en général du fait que quatre leviers politiques seulement peuvent être utilisés par réduire les émissions de carbone et contrôler le changement climatique : limiter la population mondiale, réduire l’activité économique mondiale, améliorer l’efficacité de la consommation énergétique et réduire l’intensité carbone (soit créer moins de carbone pour chaque unité d’énergie produite).
Limiter la population mondiale est peu plausible et réduire délibérément l’activité économique mondiale signifierait de nouvelles épreuves pour des milliards de personnes. La « Communication de Hartwell » s’attache donc à définir une stratégie basée sur les différentes manières dont les leviers de la consommation énergétique et de l’intensité carbone peuvent être utilisés.
Le groupe de Hartwell propose d’adopter trois objectifs fondamentaux pour lutter contre le changement climatique : garantir un approvisionnement énergétique sûr et accessible pour tous (ce qui signifie développer des alternatives aux énergies fossiles) ; garantir un développement économique dans le respect de l'environnement (ce qui signifie non seulement réduire les émissions de CO2, mais également d’éliminer les émissions de carbone-suie à l’intérieur des bâtiments liées à une combustion incomplète de la biomasse, de réduire l’ozone troposphérique et de protéger les forêts tropicales) ; et de garantir que les sociétés peuvent s’adapter au changement climatique, qu’il soit d’origine humaine ou naturelle (ce qui signifie reconnaître enfin l’importance de l’adaptation au changement climatique).
Atteindre ces objectifs ne se fera de toute évidence pas sans mal. Le groupe de Hartwell note fort justement que toute stratégie alternative de politique climatique devra, pour réussir, offrir des avantages manifestes (des « contreparties rapides et tangibles »), être séduisante pour le plus grand nombre et produire des avancées mesurables, une approche dont ne tient pas compte le protocole de Kyoto.
Au lieu d’essayer à tout prix d’obliger les gens à se passer de carburants producteurs de carbone, le groupe de Hartwell propose de se fixer d’autres objectifs, tout aussi dignes d’intérêt, que ce soit l’adaptation, la reforestation, la protection de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de l’air – autant de points importants qui peuvent chacun contribuer à réduire les émissions de carbone. Comme le précise le rapport, « la logique ‘tout compris’ du Protocole de Kyoto doit aujourd’hui être dissociée en des objectifs multiples, pour ce qu'ils sont, et en accord avec leur propre logique ».
Le groupe reconnaît dans le même temps qu’aucun progrès notable ne pourra être enregistré dans la réduction des gaz à effet de serre sans donner aux économies en développement des alternatives viables aux combustibles fossiles dont elles dépendent actuellement. « En bref », note le rapport, « nous devons procéder à une véritable révolution technologique » dans le domaine de l’énergie.
Le groupe de Hartwell estime que des améliorations sont nécessaires dans une multitude de domaines, avec le soutien déterminé des gouvernements. Il suggère que la recherche et le développement soient partiellement financés par « une taxe carbone augmentant graduellement mais initialement peu élevée qui présente l'avantage d'enrayer les effets de croissance négative ».
Si l’un de ces points, ou tous, semblent familiers, c’est peut-être parce que j’ai défendu des arguments similaires au cours des dernières années. S’il faut se fier à mon expérience, les membres du groupe de Hartwell seront sans doute taxés d’hérésie pour avoir remis en cause l’orthodoxie du Protocole de Kyoto. Mais ce n’est qu’un petit prix à payer. Comme le veut l’adage, « la folie consiste à faire encore et toujours la même chose et à s’attendre à un résultat différent ». En ce qui concerne le réchauffement climatique, il est grand temps de revenir à la raison.
LONDRES – Au mois de février, 14 éminents climatologues, économistes et experts se sont réunis pour discuter d’une nouvelle orientation de la politique climatique. Leurs conclusions, publiées cette semaine par la London School of Economics (LSE) et l’université d’Oxford, méritent toute notre attention.
Cette réunion a été organisée par Gwyn Prins, un expert reconnu dans le domaine des relations internationales et de la politique de sécurité et qui dirige le Programme Mackinder de la LES, qui a pour vocation d'analyser la dynamique profonde des événements. Parmi les participants figuraient notamment le climatologue Mike Hulme de l’université de East Anglia, l’expert en politique climatique Roger Pielke Jr. de l’université du Colorado et l’économiste Christopher Green de l’université McGill.
Le rapport du groupe, la « Communication de Hartwell », définit de nouvelles perspectives pour la politique climatique, à la lumière de l’échec des négociations pour un accord mondial sur le climat à Copenhague fin 2009. Les auteurs du rapport notent qu’après 18 ans, la politique climatique adoptée par de nombreux gouvernements dans la logique du protocole de Kyoto n'est pas parvenue à réduire de façon significative les émissions de gaz à effet de serre.
Ce qui caractérise le Protocole de Kyoto est bien sûr l’accent mis de manière réductrice sur la limitation des émissions de CO2. La « Communication de Hartwell » estime que l’approche du protocole de Kyoto, basée sur des expériences précédentes concernant des problèmes environnementaux relativement simples comme les pluies acides, était vouée à l’échec.
Pour le groupe d’experts, comparer le changement climatique à d’autres problèmes environnementaux, rencontrés et résolus par le passé, ne fait aucun sens. Le climat est un système ouvert extrêmement complexe ayant de nombreuses répercussions encore mal comprises. Contrairement aux pluies acides et au smog par exemple, il n’est pas un « problème environnemental conventionnel ». Il est tout autant « un problème d'énergie, que de développement économique ou d'aménagement du territoire ».
Les économistes climatiques conviennent en général du fait que quatre leviers politiques seulement peuvent être utilisés par réduire les émissions de carbone et contrôler le changement climatique : limiter la population mondiale, réduire l’activité économique mondiale, améliorer l’efficacité de la consommation énergétique et réduire l’intensité carbone (soit créer moins de carbone pour chaque unité d’énergie produite).
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Limiter la population mondiale est peu plausible et réduire délibérément l’activité économique mondiale signifierait de nouvelles épreuves pour des milliards de personnes. La « Communication de Hartwell » s’attache donc à définir une stratégie basée sur les différentes manières dont les leviers de la consommation énergétique et de l’intensité carbone peuvent être utilisés.
Le groupe de Hartwell propose d’adopter trois objectifs fondamentaux pour lutter contre le changement climatique : garantir un approvisionnement énergétique sûr et accessible pour tous (ce qui signifie développer des alternatives aux énergies fossiles) ; garantir un développement économique dans le respect de l'environnement (ce qui signifie non seulement réduire les émissions de CO2, mais également d’éliminer les émissions de carbone-suie à l’intérieur des bâtiments liées à une combustion incomplète de la biomasse, de réduire l’ozone troposphérique et de protéger les forêts tropicales) ; et de garantir que les sociétés peuvent s’adapter au changement climatique, qu’il soit d’origine humaine ou naturelle (ce qui signifie reconnaître enfin l’importance de l’adaptation au changement climatique).
Atteindre ces objectifs ne se fera de toute évidence pas sans mal. Le groupe de Hartwell note fort justement que toute stratégie alternative de politique climatique devra, pour réussir, offrir des avantages manifestes (des « contreparties rapides et tangibles »), être séduisante pour le plus grand nombre et produire des avancées mesurables, une approche dont ne tient pas compte le protocole de Kyoto.
Au lieu d’essayer à tout prix d’obliger les gens à se passer de carburants producteurs de carbone, le groupe de Hartwell propose de se fixer d’autres objectifs, tout aussi dignes d’intérêt, que ce soit l’adaptation, la reforestation, la protection de la biodiversité et l’amélioration de la qualité de l’air – autant de points importants qui peuvent chacun contribuer à réduire les émissions de carbone. Comme le précise le rapport, « la logique ‘tout compris’ du Protocole de Kyoto doit aujourd’hui être dissociée en des objectifs multiples, pour ce qu'ils sont, et en accord avec leur propre logique ».
Le groupe reconnaît dans le même temps qu’aucun progrès notable ne pourra être enregistré dans la réduction des gaz à effet de serre sans donner aux économies en développement des alternatives viables aux combustibles fossiles dont elles dépendent actuellement. « En bref », note le rapport, « nous devons procéder à une véritable révolution technologique » dans le domaine de l’énergie.
Le groupe de Hartwell estime que des améliorations sont nécessaires dans une multitude de domaines, avec le soutien déterminé des gouvernements. Il suggère que la recherche et le développement soient partiellement financés par « une taxe carbone augmentant graduellement mais initialement peu élevée qui présente l'avantage d'enrayer les effets de croissance négative ».
Si l’un de ces points, ou tous, semblent familiers, c’est peut-être parce que j’ai défendu des arguments similaires au cours des dernières années. S’il faut se fier à mon expérience, les membres du groupe de Hartwell seront sans doute taxés d’hérésie pour avoir remis en cause l’orthodoxie du Protocole de Kyoto. Mais ce n’est qu’un petit prix à payer. Comme le veut l’adage, « la folie consiste à faire encore et toujours la même chose et à s’attendre à un résultat différent ». En ce qui concerne le réchauffement climatique, il est grand temps de revenir à la raison.