LONDRES – Partout dans le monde, les effets secondaires indésirables des médicaments font bien souvent les gros titres de la presse. En effet, quoi de plus facile que de répandre nombre d’histoires effrayantes sur le sujet de « médicaments tueurs. » Mais bien que les effets néfastes de certains médicaments soient une cause légitime de préoccupation, ils ne constituent pas nécessairement une problématique sérieuse de santé publique, dès lors que les bienfaits qu’ils confèrent aux patients leur sont supérieurs.
Les médicaments présentant un profil d’innocuité sérieusement défavorable sont utilisés lorsqu’il s’agit de traiter des maladies potentiellement mortelles – dont diverses formes de cancer, l’arthrite inflammatoire, et le VIH – dans la mesure où ils font en fin de compte plus de bien qu’ils ne font de mal. Plutôt que d’évaluer l’innocuité d’un médicament de manière isolée, il est nécessaire de considérer ses effets indésirables par rapport à son efficacité. Autrement dit, il s’agit de déterminer le juste équilibre bénéfice-risque.
La transmission de ce message auprès de l’opinion publique s’avère pourtant difficile. La réussite des traitements médicamenteux et de la prévention des maladies a bien souvent du mal à capturer l’attention des lecteurs ou des électeurs. De plus, l’innocuité des médicaments est un facteur majeur dans la détermination de la manière dont ils doivent être régulés.
En 1961, quatre ans après son introduction, il a été déterminé que la thalidomide, médicament hypnotique utilisé pour le traitement des nausées chez la femme enceinte, avait provoqué de graves malformations congénitales chez plus de 10 000 enfants issus de 46 pays. Aux lendemains de la tragédie, les processus de développement du médicament furent ajustés afin d’améliorer son profil d’innocuité. C’est ainsi que beaucoup des médicaments les plus communément prescrits aujourd’hui ont été par le passé soumis à un long processus d’expérimentation préclinique, suivi d’études cliniques ayant duré plusieurs années et coûté des millions de dollars, avant d’être approuvés par les régulateurs.
Un tel modèle de développement n’est cependant plus viable. Non seulement s’agit-il d’un modèle coûteux et lent, mais il s’avère également improductif. Depuis 2001-2002, le secteur pharmaceutique a dépensé quelque 1 100 milliards $ en recherche et développement, les 12 plus grandes sociétés de ce secteur n’ayant pourtant obtenu l’approbation réglementaire que de 139 nouveaux composés moléculaires.
Les choses évoluent néanmoins. Médecins et patients sont aujourd’hui désireux de bénéficier d’un accès précoce aux médicaments biopharmaceutiques – une nouvelle variété de médicaments injectables, parmi lesquels des protéines, des acides nucléiques et des vaccins produits en recourant à la biotechnologie. Ces médicaments offrent le potentiel réaliste de traiter des formes de cancer et de maladies auto-immunes plutôt que de se contenter de traiter les symptômes de la maladie. C’est pourquoi l’accès à ceux-ci est requis plus tôt que les régulateurs ne le permettent habituellement dans le cadre des processus de licence. Ceci pose ainsi un dilemme, dans la mesure où les régulateurs s’inquiètent du manque d’informations sur ces nouveaux médicaments en termes de sécurité.
Seulement, il se pourrait bien que cette inquiétude s’avère aussi inutile qu’inhibante. De nouveaux modèles de ce que l’on appelle les licences adaptive licensing, à savoir des approbations conditionnelles, sont aujourd’hui utilisées pour répondre aux besoins des patients tout en satisfaisant la prudence des régulateurs. C’est-à-dire que certains patients atteints de maladies graves ont la possibilité de bénéficier d’un accès précoce à des médicaments prometteurs avant que ceux-ci n’aient fait l’objet d'une licence complète. En retour, ces patients font l’objet d’examens rigoureux destinés à évaluer l’innocuité du médicament ainsi que son efficacité dans la perspective d’une utilisation généralisée.
Ce modèle de licence très particulier projette ainsi de nouveau le processus des licences de médicaments dans une dynamique plus fluide, sur la base du rapport bénéfice-risque. Plutôt que de se contenter de déterminer si un médicament est efficace ou s’il présente des effets secondaires indésirables, ce modèle vise à évaluer les avantages et les risques en fonction des besoins spécifiques d’un patient.
Le prix des médicaments est devenu de plus en plus élevé à mesure qu’ont grimpé les coûts de développement de nouveaux médicaments tels que les biopharmaceutiques. Au Royaume-Uni, la facture annuelle des médicaments biologiques d’un patient atteint en moyenne 9 500 £ (15 200 $), contre 450 £ pour un traitement médicamenteux habituel. Compte tenu de l’importance de cet écart, les malades les moins aisés sont contraints de déterminer si la nouvelle génération de médicaments présente un rapport qualité-prix satisfaisant. Ainsi, les développeurs de médicaments sont de plus en plus conscients qu’il ne suffit plus seulement de franchir l’obstacle réglementaire ; il leur faut également satisfaire le malade, qui est en effet devenu un nouveau garant de l’accès précoce des patients aux nouveaux médicaments.
Surgit en parallèle la question de ce que l’on appelle la médecine personnalisée. L’enrichissement des connaissances en matière de génétique engendre aujourd’hui une nouvelle génération de médicaments spécifiquement adaptés à chaque patient, soulevant d’ores et déjà un nouveau défi pour l’industrie, les régulateurs, et les malades.
En bref, les innovations en matière de recherche médicale exigent l’existence d’un processus de développement des médicaments qui soit mis à jour, et dans lequel le patient soit un acteur central. Si nous recourions à une analyse appropriée du rapport bénéfice-risque, plutôt que de faire appel à un processus rigide d’approbation par étapes, nous serions en mesure d’offrir aux patients qui en ont le plus besoin un meilleur accès à un certain nombre de médicaments susceptibles de sauver des vies.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
LONDRES – Partout dans le monde, les effets secondaires indésirables des médicaments font bien souvent les gros titres de la presse. En effet, quoi de plus facile que de répandre nombre d’histoires effrayantes sur le sujet de « médicaments tueurs. » Mais bien que les effets néfastes de certains médicaments soient une cause légitime de préoccupation, ils ne constituent pas nécessairement une problématique sérieuse de santé publique, dès lors que les bienfaits qu’ils confèrent aux patients leur sont supérieurs.
Les médicaments présentant un profil d’innocuité sérieusement défavorable sont utilisés lorsqu’il s’agit de traiter des maladies potentiellement mortelles – dont diverses formes de cancer, l’arthrite inflammatoire, et le VIH – dans la mesure où ils font en fin de compte plus de bien qu’ils ne font de mal. Plutôt que d’évaluer l’innocuité d’un médicament de manière isolée, il est nécessaire de considérer ses effets indésirables par rapport à son efficacité. Autrement dit, il s’agit de déterminer le juste équilibre bénéfice-risque.
La transmission de ce message auprès de l’opinion publique s’avère pourtant difficile. La réussite des traitements médicamenteux et de la prévention des maladies a bien souvent du mal à capturer l’attention des lecteurs ou des électeurs. De plus, l’innocuité des médicaments est un facteur majeur dans la détermination de la manière dont ils doivent être régulés.
En 1961, quatre ans après son introduction, il a été déterminé que la thalidomide, médicament hypnotique utilisé pour le traitement des nausées chez la femme enceinte, avait provoqué de graves malformations congénitales chez plus de 10 000 enfants issus de 46 pays. Aux lendemains de la tragédie, les processus de développement du médicament furent ajustés afin d’améliorer son profil d’innocuité. C’est ainsi que beaucoup des médicaments les plus communément prescrits aujourd’hui ont été par le passé soumis à un long processus d’expérimentation préclinique, suivi d’études cliniques ayant duré plusieurs années et coûté des millions de dollars, avant d’être approuvés par les régulateurs.
Un tel modèle de développement n’est cependant plus viable. Non seulement s’agit-il d’un modèle coûteux et lent, mais il s’avère également improductif. Depuis 2001-2002, le secteur pharmaceutique a dépensé quelque 1 100 milliards $ en recherche et développement, les 12 plus grandes sociétés de ce secteur n’ayant pourtant obtenu l’approbation réglementaire que de 139 nouveaux composés moléculaires.
Les choses évoluent néanmoins. Médecins et patients sont aujourd’hui désireux de bénéficier d’un accès précoce aux médicaments biopharmaceutiques – une nouvelle variété de médicaments injectables, parmi lesquels des protéines, des acides nucléiques et des vaccins produits en recourant à la biotechnologie. Ces médicaments offrent le potentiel réaliste de traiter des formes de cancer et de maladies auto-immunes plutôt que de se contenter de traiter les symptômes de la maladie. C’est pourquoi l’accès à ceux-ci est requis plus tôt que les régulateurs ne le permettent habituellement dans le cadre des processus de licence. Ceci pose ainsi un dilemme, dans la mesure où les régulateurs s’inquiètent du manque d’informations sur ces nouveaux médicaments en termes de sécurité.
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Seulement, il se pourrait bien que cette inquiétude s’avère aussi inutile qu’inhibante. De nouveaux modèles de ce que l’on appelle les licences adaptive licensing, à savoir des approbations conditionnelles, sont aujourd’hui utilisées pour répondre aux besoins des patients tout en satisfaisant la prudence des régulateurs. C’est-à-dire que certains patients atteints de maladies graves ont la possibilité de bénéficier d’un accès précoce à des médicaments prometteurs avant que ceux-ci n’aient fait l’objet d'une licence complète. En retour, ces patients font l’objet d’examens rigoureux destinés à évaluer l’innocuité du médicament ainsi que son efficacité dans la perspective d’une utilisation généralisée.
Ce modèle de licence très particulier projette ainsi de nouveau le processus des licences de médicaments dans une dynamique plus fluide, sur la base du rapport bénéfice-risque. Plutôt que de se contenter de déterminer si un médicament est efficace ou s’il présente des effets secondaires indésirables, ce modèle vise à évaluer les avantages et les risques en fonction des besoins spécifiques d’un patient.
Le prix des médicaments est devenu de plus en plus élevé à mesure qu’ont grimpé les coûts de développement de nouveaux médicaments tels que les biopharmaceutiques. Au Royaume-Uni, la facture annuelle des médicaments biologiques d’un patient atteint en moyenne 9 500 £ (15 200 $), contre 450 £ pour un traitement médicamenteux habituel. Compte tenu de l’importance de cet écart, les malades les moins aisés sont contraints de déterminer si la nouvelle génération de médicaments présente un rapport qualité-prix satisfaisant. Ainsi, les développeurs de médicaments sont de plus en plus conscients qu’il ne suffit plus seulement de franchir l’obstacle réglementaire ; il leur faut également satisfaire le malade, qui est en effet devenu un nouveau garant de l’accès précoce des patients aux nouveaux médicaments.
Surgit en parallèle la question de ce que l’on appelle la médecine personnalisée. L’enrichissement des connaissances en matière de génétique engendre aujourd’hui une nouvelle génération de médicaments spécifiquement adaptés à chaque patient, soulevant d’ores et déjà un nouveau défi pour l’industrie, les régulateurs, et les malades.
En bref, les innovations en matière de recherche médicale exigent l’existence d’un processus de développement des médicaments qui soit mis à jour, et dans lequel le patient soit un acteur central. Si nous recourions à une analyse appropriée du rapport bénéfice-risque, plutôt que de faire appel à un processus rigide d’approbation par étapes, nous serions en mesure d’offrir aux patients qui en ont le plus besoin un meilleur accès à un certain nombre de médicaments susceptibles de sauver des vies.
Traduit de l’anglais par Martin Morel