MOSCOU – Le Vietnam est devenu, le 19 mai, le 35ème Etat partie à la Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation. Cette convention entrera donc en vigueur le 17 août 2014, 90 jours plus tard conformément à ses statuts.
50 ans ont été nécessaires à l’élaboration de son texte et à l’atteinte du nombre d’Etats requis, révélant un réel problème du système multilatéraliste contemporain. Certes la gestion et l’allocation des ressources en eau partagées continuent d’opposer les Etats, et l’on peut comprendre que les gouvernements et les professionnels de l’eau aient longtemps préféré doter leurs cours d’eau d’accords de bassins plutôt que d’instruments juridiques internationaux, mais ce délai de 50 ans ne peut s’expliquer que par un manque de leadership politique. Ainsi, même s’il est légitime de se réjouir de cette entrée en vigueur tant attendue, il convient de ne pas se reposer sur nos lauriers.
Près de 60% de l’eau douce coule dans des fleuves transfrontaliers, or seulement 40% d’entre eux bénéficient d’accords de bassins. Dans un monde souffrant de plus en plus de stress hydrique, les eaux partagées sont un enjeu de pouvoir et font l’objet de compétitions entre les pays, voire entre les différents usagers. Ce combat pour l’eau attise les tensions politiques et exacerbe l’impact sur les écosystèmes.
Mais la véritable mauvaise nouvelle est que la consommation en eau augmente plus vite que la population mondiale – deux fois plus vite au vingtième siècle. Plusieurs agences des Nations unies prédisent que d’ici 2025 1,8 milliard de personnes vivront dans des régions frappées de pénurie absolue en eau, c’est-à-dire, entre d’autres termes, qu’il n’y aura pas d’eau en quantités suffisantes pour l’Homme et pour l’environnement. Deux tiers de la population mondiale seront confrontés à des situations de stress hydrique, c’est-à-dire à une pénurie des ressources en eau renouvelables.
Si rien n’est fait, la demande en eau dépassera de beaucoup la capacité d’adaptation de nos Sociétés. Ce qui pourrait se traduire par des migrations massives, par la stagnation économique et par des conflits, le tout constituant une nouvelle menace pour la sécurité nationale et internationale.
La Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux ne doit pas être de celles qui finissent dans un tiroir. Les enjeux sont trop importants. Dans le contexte actuel de changement climatique, de demande croissante en eau, de croissance démographique, de pollution et de ressources surexploitées, tout doit être fait pour consolider le cadre juridique de la gestion des bassins hydrographiques. Notre sécurité environnementale, notre développement économique et notre stabilité politique en dépendent.
La convention s’appliquera bientôt à tous les cours d’eau transfrontaliers sillonnant les territoires de ses Etats signataires, pas uniquement aux grands bassins. Elle comblera les lacunes et les insuffisances des accords existants et fournira une couverture juridique aux nombreux cours d’eau internationaux de plus en plus surexploités.
Le monde compte 276 bassins transfrontaliers et à peu près autant d’aquifères transfrontaliers. Adossée à des financements appropriés, à une volonté politique et à l’implication des parties prenantes, la convention peut aider à faire face aux défis de l’eau. Mais le pourra-t-elle ?
Un agenda ambitieux devrait être adopté maintenant et le contexte s’y prête puisque la communauté internationale négocie le contenu des Objectifs de développement durable, objectifs voués à prendre la suite des Objectifs du Millénaire pour le développement dont le processus se terminera en 2015. A Green Cross, nous espérons que les nouveaux objectifs, qui devront être atteints d’ici 2030, contiendront un volet dédié aux problématiques de gestion des ressources en eau.
La communauté internationale devra aussi bientôt se mettre d’accord sur la suite à donner au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques. Les changements climatiques impactent directement le cycle de l’eau, ce qui veut dire que tous les efforts engagés pour limiter les émissions de gaz à effet de serre aideront à stabiliser les régimes pluviométriques et à réduire le nombre de phénomènes hydrologiques extrêmes auxquels de plus en plus de régions sont confrontées.
L’entrée en vigueur de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux pose cependant autant de nouvelles questions qu’elle n’en posait avant. Qu’impliquera sa mise en œuvre en pratique ? Comment les pays l’appliqueront-ils sur leurs territoires et en relation avec leurs voisins ? Quelle sera la réponse des continents américains et asiatiques qui ont largement ignoré la convention jusqu’à présent ?
De plus, comment la convention cohabitera t-elle avec la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux déjà en vigueur dans la plupart des pays européens et d’Asie centrale et qui, depuis février 2013, s’est ouverte à la ratification par tous les états membres des Nations unies ? Et quel sera l’impact de la mise en œuvre de la convention sur les accords de bassins existants ?
Les pays ayant ratifié la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux doivent maintenant s’attaquer à sa mise en œuvre et en profiter pour aller plus loin dans leurs efforts de protection et d’utilisation durable des eaux transfrontalières. Quels outils, y compris financiers, la convention leur fournira t-elle ?
Plusieurs instruments juridiques peuvent être mis en œuvre en synergie : la Convention de Ramsar sur les zones humides, la Convention sur la lutte contre la désertification et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques pour n’en citer que quelques unes. L’entrée en vigueur si longtemps reportée de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux devrait être vue par ses signataires comme l’occasion d’encourager ceux qui ne sont pas engagés dans des accords de coopération à vraiment travailler sur ces questions.
Clairement, les politiques et les diplomates, seuls, ne pourront faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Le monde a besoin de leaders politiques ainsi que de l’implication du secteur privé et de la société civile. La mise en œuvre effective de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux ne se fera pas sans eux.
Ces aspects, souvent sous-estimés, sont la condition sine qua non d’une coopération réussie et générant des bénéfices à long-terme. La participation de l’ensemble des parties prenantes (notamment des populations concernées), et le développement des capacités à identifier et partager les bénéfices liés aux ressources en eau partagées devraient faire partie intégrante de toute stratégie visant à promouvoir la coopération entre les Etats.
MOSCOU – Le Vietnam est devenu, le 19 mai, le 35ème Etat partie à la Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation. Cette convention entrera donc en vigueur le 17 août 2014, 90 jours plus tard conformément à ses statuts.
50 ans ont été nécessaires à l’élaboration de son texte et à l’atteinte du nombre d’Etats requis, révélant un réel problème du système multilatéraliste contemporain. Certes la gestion et l’allocation des ressources en eau partagées continuent d’opposer les Etats, et l’on peut comprendre que les gouvernements et les professionnels de l’eau aient longtemps préféré doter leurs cours d’eau d’accords de bassins plutôt que d’instruments juridiques internationaux, mais ce délai de 50 ans ne peut s’expliquer que par un manque de leadership politique. Ainsi, même s’il est légitime de se réjouir de cette entrée en vigueur tant attendue, il convient de ne pas se reposer sur nos lauriers.
Près de 60% de l’eau douce coule dans des fleuves transfrontaliers, or seulement 40% d’entre eux bénéficient d’accords de bassins. Dans un monde souffrant de plus en plus de stress hydrique, les eaux partagées sont un enjeu de pouvoir et font l’objet de compétitions entre les pays, voire entre les différents usagers. Ce combat pour l’eau attise les tensions politiques et exacerbe l’impact sur les écosystèmes.
Mais la véritable mauvaise nouvelle est que la consommation en eau augmente plus vite que la population mondiale – deux fois plus vite au vingtième siècle. Plusieurs agences des Nations unies prédisent que d’ici 2025 1,8 milliard de personnes vivront dans des régions frappées de pénurie absolue en eau, c’est-à-dire, entre d’autres termes, qu’il n’y aura pas d’eau en quantités suffisantes pour l’Homme et pour l’environnement. Deux tiers de la population mondiale seront confrontés à des situations de stress hydrique, c’est-à-dire à une pénurie des ressources en eau renouvelables.
Si rien n’est fait, la demande en eau dépassera de beaucoup la capacité d’adaptation de nos Sociétés. Ce qui pourrait se traduire par des migrations massives, par la stagnation économique et par des conflits, le tout constituant une nouvelle menace pour la sécurité nationale et internationale.
La Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux ne doit pas être de celles qui finissent dans un tiroir. Les enjeux sont trop importants. Dans le contexte actuel de changement climatique, de demande croissante en eau, de croissance démographique, de pollution et de ressources surexploitées, tout doit être fait pour consolider le cadre juridique de la gestion des bassins hydrographiques. Notre sécurité environnementale, notre développement économique et notre stabilité politique en dépendent.
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La convention s’appliquera bientôt à tous les cours d’eau transfrontaliers sillonnant les territoires de ses Etats signataires, pas uniquement aux grands bassins. Elle comblera les lacunes et les insuffisances des accords existants et fournira une couverture juridique aux nombreux cours d’eau internationaux de plus en plus surexploités.
Le monde compte 276 bassins transfrontaliers et à peu près autant d’aquifères transfrontaliers. Adossée à des financements appropriés, à une volonté politique et à l’implication des parties prenantes, la convention peut aider à faire face aux défis de l’eau. Mais le pourra-t-elle ?
Un agenda ambitieux devrait être adopté maintenant et le contexte s’y prête puisque la communauté internationale négocie le contenu des Objectifs de développement durable, objectifs voués à prendre la suite des Objectifs du Millénaire pour le développement dont le processus se terminera en 2015. A Green Cross, nous espérons que les nouveaux objectifs, qui devront être atteints d’ici 2030, contiendront un volet dédié aux problématiques de gestion des ressources en eau.
La communauté internationale devra aussi bientôt se mettre d’accord sur la suite à donner au Protocole de Kyoto sur les changements climatiques. Les changements climatiques impactent directement le cycle de l’eau, ce qui veut dire que tous les efforts engagés pour limiter les émissions de gaz à effet de serre aideront à stabiliser les régimes pluviométriques et à réduire le nombre de phénomènes hydrologiques extrêmes auxquels de plus en plus de régions sont confrontées.
L’entrée en vigueur de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux pose cependant autant de nouvelles questions qu’elle n’en posait avant. Qu’impliquera sa mise en œuvre en pratique ? Comment les pays l’appliqueront-ils sur leurs territoires et en relation avec leurs voisins ? Quelle sera la réponse des continents américains et asiatiques qui ont largement ignoré la convention jusqu’à présent ?
De plus, comment la convention cohabitera t-elle avec la Convention sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux déjà en vigueur dans la plupart des pays européens et d’Asie centrale et qui, depuis février 2013, s’est ouverte à la ratification par tous les états membres des Nations unies ? Et quel sera l’impact de la mise en œuvre de la convention sur les accords de bassins existants ?
Les pays ayant ratifié la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux doivent maintenant s’attaquer à sa mise en œuvre et en profiter pour aller plus loin dans leurs efforts de protection et d’utilisation durable des eaux transfrontalières. Quels outils, y compris financiers, la convention leur fournira t-elle ?
Plusieurs instruments juridiques peuvent être mis en œuvre en synergie : la Convention de Ramsar sur les zones humides, la Convention sur la lutte contre la désertification et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques pour n’en citer que quelques unes. L’entrée en vigueur si longtemps reportée de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux devrait être vue par ses signataires comme l’occasion d’encourager ceux qui ne sont pas engagés dans des accords de coopération à vraiment travailler sur ces questions.
Clairement, les politiques et les diplomates, seuls, ne pourront faire face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Le monde a besoin de leaders politiques ainsi que de l’implication du secteur privé et de la société civile. La mise en œuvre effective de la Convention des Nations unies sur les cours d’eau internationaux ne se fera pas sans eux.
Ces aspects, souvent sous-estimés, sont la condition sine qua non d’une coopération réussie et générant des bénéfices à long-terme. La participation de l’ensemble des parties prenantes (notamment des populations concernées), et le développement des capacités à identifier et partager les bénéfices liés aux ressources en eau partagées devraient faire partie intégrante de toute stratégie visant à promouvoir la coopération entre les Etats.