rockstrom9_CarmenJaspersenpictureallianceviaGettyImages_tinygreenEUflag Carmen Jaspersen/picture alliance via Getty Images

Plaidoyer pour le climat de l'Union européenne et pour un tsar de la nature

POTSDAM – Alors que l'Europe est en train de battre de nouveaux records de chaleur cet été, il est encourageant de voir que le changement climatique est en train bénéficier de l'attention qu'il mérite de la part d'Ursula von der Leyen, la Présidente nouvellement élue de la Commission européenne. Face à l'urgence climatique, elle doit reconnaître que la hausse des températures mondiales est une menace non seulement envers la santé publique et l'économie, mais surtout - point déterminant - envers la faune.

Dans un premier temps, von der Leyen devrait nommer un vice-président du climat et de la biodiversité pour travailler main dans la main avec des commissaires du secteur privé. L'Union européenne a besoin d'un fonctionnaire dédié à cette tâche, pour s'assurer que toutes les mesures climatiques de l'UE soient également orientées vers la protection de la nature contre le risque existentiel de ces deux points critiques. Sans un tel poste, nous ne pourrons pas gérer correctement la situation d'urgence qui se rapproche de nous.

Depuis la Révolution industrielle, environ la moitié des émissions de combustibles fossiles a été absorbée par les écosystèmes terrestres et par les océans. Sans ces zones tampons naturelles, le monde se serait réchauffé de plus de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels il y a bien longtemps. Ainsi, en préservant et en restaurant les écosystèmes et la faune qui rendent à présent ces écosystèmes viables, nous pouvons faire pression en faveur de la neutralité carbone pour 2050.

Dans le même temps, juguler le changement climatique va aider à sauver le monde naturel dont nous dépendons pour la nourriture, l'air pur et l'eau, les médicaments, les emplois et les moyens de subsistance, entre autres. Nous ne pouvons pas vivre sans biodiversité - et la biodiversité ne peut pas survivre sans notre protection. Assurer la biodiversité n'est pas un fardeau, mais va entraîner d'énormes économies dans les coûts de la santé, les emplois futurs et la compétitivité européenne.

Pour sa part, von der Leyen veut augmenter l'objectif de réduction des émissions de l'Union européenne de 40 % en 2030 à au moins 55 %. Mais les dirigeants européens doivent encore comprendre que la lutte contre le changement climatique implique également la protection de la nature.

Les mesures visant à traiter les deux questions se renforcent l'une l'autre. Quand l'Europe centrale et orientale résistent à des mesures climatiques plus contraignantes, elles citent souvent leurs inquiétudes liées à des pertes d'emplois industriels et à une prospérité perdue. Si seulement elles comprenaient que les mesures climatiques et la protection de l'environnement vont permettre de créer de nouveaux emplois pour une économie de plus en plus faible en carbone et qu'elles vont aider à nous prémunir contre les changements climatiques extrêmes, elles n'auraient peut-être mis leur veto cette année à l'objectif de neutralité carbone 2050.

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Avec un nouveau leadership au sein de l'UE se présente une nouvelle occasion de s'attaquer de manière directe à la crise climatique. En ce qui concerne l'avenir, les prises de décisions vertes à l'échelle de l'UE doivent être traitées non seulement par les sections concernées de la Commission du climat et de l'environnement, mais en outre par tous les organismes, comme le Conseil et le Parlement européens. L'introduction d'un vice-président du climat et de la biodiversité faciliterait ce processus.

Certes le Président sortant de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a tenté de décloisonner les politiques de l'UE en 2014, en nommant des vice-présidents dont le portefeuille s'étendait sur plusieurs secteurs. Mais l'initiative de Juncker comportait deux erreurs fatales : elle considérait le changement climatique comme une politique sectorielle, combinée avec l'énergie, tandis que l'environnement était situé dans un portefeuille distinct - et il n'a pas doté ses vice-présidents de suffisamment de personnel pour mener à bien des initiatives transversales. Sur le fond, les vice-présidents étaient des généraux dépourvus de troupes.

Cinq ans plus tard, l'ampleur de la crise climatique et de la biodiversité est claire et la Commission von der Leyen ne peut ignorer la demande croissante du public en faveur de mesures sérieuses. Des centaines de milliers d'Européens ont manifesté dans les rues depuis l'automne dernier et 740 juridictions dans 16 pays de l'UE - tandis que les parlements nationaux français, britanniques, portugais et irlandais - ont déclaré une urgence climatique. Les électeurs ont également fait entendre leurs revendications en faveur de l'action climatique en mai aux élections au Parlement européen, en accordant aux Verts et aux partis sympathisants avec les verts plus de sièges que jamais.

Les électeurs comprennent que le changement climatique n'est pas un problème isolé. Des mesures visant à réduire les émissions seront également un moteur du développement durable, car elles vont atténuer les effets des sécheresses, des inondations et des vagues de chaleur si extrêmes qu'elles empêchent les gens de travailler. La protection et la restauration des forêts et des océans va de pair avec la sauvegarde de l'approvisionnement en denrées alimentaires et la réduction des maladies associées à la pollution des gaz d'échappement des véhicules.

La science établit ces liens de manière claire. Un rapport des Nations Unies sur la biodiversité publié en mai - l'examen le plus complet à ce jour sur la santé de la planète - avertit qu'un million d'espèces sont menacées d'extinction. L'ensemble des écosystèmes et les chaînes alimentaires qui en dépendent risquent de s'effondrer. Les insectes, les prédateurs ultimes comme les loups et les requins, les microbes du sol et les arbres jouent tous un rôle essentiel dans la régulation des écosystèmes, en filtrant l'eau et en produisant nos aliments.

En outre, en octobre dernier, le Groupe d'experts intergouvernemental des Nations Unies sur le changement climatique a prévenu que le réchauffement dépasserait 2°C si nous ne diminuons pas de moitié les émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030, puis à nouveau en 2040, et une fois encore en 2050. D'autre part, en limitant le réchauffement à 1,5°C, nous pourrions épargner la sécheresse, les inondations, les événements climatiques extrêmes et d'autres scénarios meurtriers à des centaines de millions de personnes.

La santé des forêts, des tourbières et des océans pourrait absorber le dioxyde de carbone et atténuer les dégâts du changement climatique. Pourtant la capacité de la Terre à absorber les gaz à effet de serre est déjà en baisse, ce qui entraîne une concentration plus rapide du CO2 atmosphérique par rapport aux décennies précédentes. En effet, cette concentration s'élève déjà à 415 parties par million et est maintenant en hausse de 3 ppm par an, contre 2 ppm au cours des dernières décennies.La seule explication à une telle augmentation, compte tenu de la trajectoire des émissions de GES, c'est que moins de CO2 est absorbé que par le passé.

La Commission européenne ne peut pas dire qu'on ne l'a pas prévenue. À l'heure de la montée du populisme et du déclin de la confiance en les institutions publiques, l'UE doit utiliser la relève de son personnel comme une occasion de renouer avec le monde réel et les personnes qui manifestent dans les rues. Von der Leyen devrait nommer un vice-président avec un mandat suffisamment large, capable de tenir compte des défis à relever qui nous attendent et qui ont un impact sur l'économie dans son ensemble. La personne qu'elle choisira devra disposer d'une armée de soldats dévoués à cette tâche et capables de la mener à bien.

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