PARIS - Le sauvetage du système financier fut un moment singulier de notre histoire économique, où ceux qui tirèrent grand profit de l’exubérance irrationnelle des marchés, disons les grands de la finance, en appelèrent à la solidarité de ceux qui en restèrent à l’écart. Pourtant, hier, avant la crise, la redistribution et les prélèvements obligatoires qui la permettent étaient considérés comme les pires des obstacles à l’efficacité. C’est que les valeurs de la solidarité avaient fait progressivement place à celles du « mérite » individuel, mesuré à l’aune de l’argent. Paradoxalement une part de cette évolution pourrait être mise au crédit de deux dynamiques éminemment positives : le lent travail de la démocratie qui en libérant l’individu le rend en même temps plus solitaire; la mise en œuvre d’un système de protection sociale, qui en mutualisant les risques rend l’individu plus autonome par rapport à son groupe d’appartenance. Cette solitude et cette autonomie font que les personnes ont de plus en plus tendance à croire, pour le meilleur où pour le pire, qu’elles sont seules responsables de leur propre destin. C’est évidemment là où se produit le contresens. L’individu n’est libre et autonome qu’en raison des décisions collectives prises au terme du débat démocratique, et notamment de celles assurant à chacun un accès aux biens publics : éducation, santé etc. La solidarité demeure, mais elle devient si abstraite que ceux pour qui les dés de la destinée sont tombés en leur faveur ne s’en sentent plus débiteurs. C’est leur mérite seul qui a fait ce qu’ils sont, et non la part de décisions collectives qui leur a permis de réaliser leur potentialité : les écoles et les universités de la République, par exemple, n’y sont pour rien !
PARIS - Le sauvetage du système financier fut un moment singulier de notre histoire économique, où ceux qui tirèrent grand profit de l’exubérance irrationnelle des marchés, disons les grands de la finance, en appelèrent à la solidarité de ceux qui en restèrent à l’écart. Pourtant, hier, avant la crise, la redistribution et les prélèvements obligatoires qui la permettent étaient considérés comme les pires des obstacles à l’efficacité. C’est que les valeurs de la solidarité avaient fait progressivement place à celles du « mérite » individuel, mesuré à l’aune de l’argent. Paradoxalement une part de cette évolution pourrait être mise au crédit de deux dynamiques éminemment positives : le lent travail de la démocratie qui en libérant l’individu le rend en même temps plus solitaire; la mise en œuvre d’un système de protection sociale, qui en mutualisant les risques rend l’individu plus autonome par rapport à son groupe d’appartenance. Cette solitude et cette autonomie font que les personnes ont de plus en plus tendance à croire, pour le meilleur où pour le pire, qu’elles sont seules responsables de leur propre destin. C’est évidemment là où se produit le contresens. L’individu n’est libre et autonome qu’en raison des décisions collectives prises au terme du débat démocratique, et notamment de celles assurant à chacun un accès aux biens publics : éducation, santé etc. La solidarité demeure, mais elle devient si abstraite que ceux pour qui les dés de la destinée sont tombés en leur faveur ne s’en sentent plus débiteurs. C’est leur mérite seul qui a fait ce qu’ils sont, et non la part de décisions collectives qui leur a permis de réaliser leur potentialité : les écoles et les universités de la République, par exemple, n’y sont pour rien !