Indispensable ONU

Le sommet du soixantième anniversaire des Nations-Unies, en septembre, a mis en exergue ses points forts et son importance dans les nombreux domaines exigeant la collaboration des membres de la communauté internationale. Hélas, le sommet a aussi exposé les faiblesses de l'ONU et ses limites.

Fondée à la fin de la seconde Guerre mondiale pour empêcher un autre désastre de cette ampleur, l'ONU a aujourd'hui largement dépassé son rôle de maintien de la paix, sans en occulter l'importance.  Par exemple, les Objectifs de développement du millénaire, adoptés lors du sommet du millénaire de l'ONU il y a cinq ans, ont proclamé la résolution de la communauté internationale de réduire la pauvreté sous toutes ses formes et de poser des objectifs concrets à atteindre d'ici 2015.

Atteindre un consensus politique sur des problèmes aussi complexes n'est jamais facile, étant donné la diversité des intérêts à prendre en compte. Le succès nécessite de la diplomatie et de la patience, et le dernier sommet de l'ONU a poursuivi la démarche de création d'une communauté des nations responsable du bien-être de tous.

Évidemment, la tentative de John Bolton, le nouvel ambassadeur des États-Unis à l'ONU, d'introduire des centaines de modifications de dernière minute à la déclaration finale du sommet a condamné l'accord – peut-être délibérément – à être moins  détaillé et énergique qu'on l'avait espéré. Bolton souhaitait même éliminer toute référence aux Objectifs de développement du millénaire.

Cependant, même les États-Unis ont dû finir par céder à cet impératif moral. La déclaration du sommet énonçait aussi, dans une langue diplomatique raffinée, de nouveaux droits et obligations concernant l'ingérence internationale dans les affaires intérieures d'un pays, comme au Darfour. Nous sommes enfin, semble-t-il, en train de devenir un monde dans lequel chacun de nous est le gardien de son prochain.

Certains ont suggéré que la guerre en Irak a démontré l'inutilité de l'ONU. À l'inverse, je crois que la débâcle de l'Irak souligne la valeur de l'ONU, et le besoin de la consolider davantage. N'oublions pas que, dans les limites de ses pouvoirs, l'ONU a fonctionné. On lui a demandé de juger si la paix du monde était confrontée à une menace imminente demandant une action militaire préventive. Après étude des éléments disponibles, elle a conclu que les preuves ne semblaient pas suffisantes pour entrer en guerre, alors que le risque de troubles, contre lequel de nombreux experts de la région mettaient en garde, a sans doute pesé dans les délibérations.

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Depuis, les preuves se sont accumulées indiquant qu'il n'existait non seulement pas d'armes de destruction massive, mais qu'en outre les gouvernements étasunien et britannique ont fourni des informations trompeuses,  déformées et mensongères. De la même manière, les preuves qu'il n'existait que peu voire aucun lien entre l'Irak et Al-Qaeda, du moins avant la guerre, sont accablantes.

En d'autres termes, la démocratie délibérante ­­– peut-être notre garde-fou le plus solide contre une action impétueuse et imprudente – a fonctionné à l'ONU, mais pas aux États-Unis. Malheureusement, l'ONU n'a pu empêcher les EU et d'autres pays de prendre des mesures qui presque à coup sûr enfreignaient la loi internationale.

L'histoire depuis cette date est bien connue. Lorsque les armes de destruction massive sont restées introuvables, les États-Unis et sa petite (et décroissante) “coalition des volontaires” ont sorti de leur chapeau un nouvel argument : la lutte pour la démocratie. Mais si cet objectif avait été réel, il est clair qu'une longue liste de pays aurait dû être dressée, et il n'est pas sûr que l'Irak aurait figuré en tête de liste. Remplacer les dictatures constituerait en fait un important élargissement du mandat de l'ONU, qui, je le soupçonne, n'aurait pas le soutien des États-unis.

Plus à propos, le rejet des processus démocratiques de l'ONU n'augurait rien de bon pour un soi-disant projet de démocratisation. Les États-unis ont fait clairement savoir qu'ils ne se soumettraient qu'à une seule décision de l'ONU – principe selon lequel aucun corps démocratique ne peut opérer, car insister pour qu'une décision soit en accord avec les vœux d'un seul membre revient à une dictature.  Les événements ultérieurs ont montré à quel point il est difficile, même pour le pays le plus fort du monde, d'imposer un régime démocratique stable.  

L'Irak a ainsi montré à la fois la force et les limites de l'ONU. Inévitablement, la principale source de sa force est la pression morale. Même la majorité des Américains hésitait à entrer en Irak sans la bénédiction de l'ONU. Le processus délibératif et démocratique a fonctionné, et il a donné la réponse juste. Cela devrait accroître la confiance en l'ONU.

Mais l'ONU a besoin d'être consolidée, par exemple en finançant une force permanente de maintien de la paix. Trop souvent, les missions de maintien de la paix de l'ONU requièrent de faire la quête dans les pays industrialisés, leur donnant ainsi un droit de veto virtuel sur la date, le lieu et la façon dont l'ONU intervient.

Dans le même temps, un conseil de sécurité économique et sociale permettrait à l'ONU de mettre en place des débats plus efficaces sur la réforme du système économique et financier mondial. Aujourd'hui, de tels débats sont trop souvent centralisés au FMI, où prévalent les intérêts financiers des pays industrialisés.  

Ces réformes finiront par se réaliser. La mondialisation a signifié une plus grande intégration internationale, qui à son tour a provoqué un plus grand besoin d'action collective. L'ONU est l'institution internationale créée dans ce but, et lorsque le monde change, l'ONU doit changer avec lui. Mais une réforme significative devra sans doute attendre que l'administration américaine  s'implique dans la démocratie mondiale autant en pratique qu'en théorie.

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