Pourquoi est-il si difficile de mettre en place la dérégulation dont toute économie a besoin pour devenir plus compétitive ? Pourquoi tant de gouvernements essaient-ils de réaliser cet objectif et pourquoi la plupart d'entre eux n'y parviennent pas ? Tous leurs concitoyens bénéficient de la compétitivité du marché des biens et des services, mais le plus souvent, le large consensus nécessaire au soutien de politiques de compétitivité ne se matérialise pas, le soutien politique n'existe simplement pas. Pourquoi ?
Cette question est importante non seulement pour les économies de transition et les pays aux marchés émergeants, mais pour les pays développés également--en fait, presque partout sauf pour les États-Unis et le Royaume-Uni, qui se sont lancés depuis longtemps dans un processus de libéralisation économique radical et d'une portée considérable. La Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont suivi, et leurs économies se sont fortement développées depuis.
Le manque de compétitivité est habituellement le fait d'une régulation excessive. Les services des taxis des capitales européennes sont chers car le nombre de licence est strictement contrôlé. En bloquant l'accès au marché, les propriétaires de licence ne font face qu'à une faible concurrence pour limiter l'augmentation des prix de leurs services, et les officiels qui accordent ces licences se trouvent bien placés pour récolter des voix ou des pots-de-vin. En bref, la régulation a tendance à dénaturer tout encouragement, stimulant ainsi ce que les économistes appellent un comportement à la recherche de rentes : le chauffeur de taxi et le fonctionnaire qui octroie les licences reçoivent des primes imméritées (rentes) simplement parce qu'ils peuvent exploiter leur position d'initié, et non pas parce qu'ils sont plus productifs.
Les notaires représentent un autre exemple de ce phénomène : dans de nombreux pays, les notaires demandent des honoraires très élevés pour des services quasiment inutiles. Les honoraires sont élevés parce que les notaires contrôlent eux-mêmes l'accès à leur profession. Sans réglementation gouvernementale (y compris des règlements imposant que le public achète ces services inutiles), les notaires ne seraient pas en mesure de réclamer ces rentes.
Les exemples des avantages de la libéralisation sont nombreux. Le marché des taxis en Irlande a été libéralisé, et le prix des courses y est bon marché. Pendant les mois qui suivirent la dérégulation des compagnies aériennes américaines, le coût d'un vol de cinq heures entre New York et Los Angeles coûtait bien moins cher que la demie-heure de vol entre Zurich et Francfort. De tels écarts se retrouvaient entre le coût d'un appel téléphonique d'une côte à l'autre des États-Unis et d'un appel interurbain passé en France.
Tandis que les régulations créent des rentes immérités pour des minorités surprotégées (les chauffeurs de taxi, les notaires, les pilotes de ligne, les salariés des compagnies de téléphone ou d'électricité), la dérégulation réduit ces rentes et les redistribuent dans le public en général. Mais du fait que ces minorités surprotégées jouissent d'accès privilégiés au monde politique, il n'est pas surprenant de constater que la libéralisation incite à tant d'opposition féroce et efficace.
At a time of escalating global turmoil, there is an urgent need for incisive, informed analysis of the issues and questions driving the news – just what PS has always provided.
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Les services publics sont une excellente illustration de ce fait. À chaque fois qu'un gouvernement tente de libéraliser l'industrie de l'électricité, les syndicats et les entreprises s'unissent pour s'y opposer. Salariés et encadrement s'opposent à la dérégulation car s'ouvrir à la concurrence ferait disparaître leurs rentes imméritées. Les salaires des employés de l'électricité sont élevés précisément parce qu'ils se sont appropriés une part de ces rentes crées sur un marché fermé à la concurrence.
Est-il possible d'affaiblir cette opposition ? Que se passerait-il si un gouvernement essayait, au lieu de libéraliser l'industrie de l'électricité uniquement, de créer un big bang économique en essayant de libéraliser la plupart des marchés en même temps ?
Un processus analogue du « tout ou rien » fut mis en place aux États-Unis dans les années 1980 pour la fermeture des bases militaires devenues inutiles. Depuis 1945, il n'y avait eu aucune fermeture de base. Même si le Pentagone souhait lui-même en fermer de nombreuses pour utiliser les fonds ailleurs, aucune mesure ne parvenait à passer le vote du Congrès parce que les bases militaires sont considérées comme « pain béni », les faveurs de leur électorat aidant les hommes politiques à se faire réélire, et selon une vieille et vénérable loi informelle, aucun élu ne vote jamais contre le « pain béni » dans le district d'un collègue. Pourtant, une proposition pour fermer de nombreuses bases fut acceptée avec une majorité écrasante quand les leaders du Congrès se mirent enfin d'accord pour présenter une liste unique de bases à fermer. Cette liste pouvait être acceptée ou rejetée, sans aucune possibilité d'être modifiée. Le bon sens l'a emporté sur le pain béni.
La cause de la libéralisation économique serait grandement avancée si des stratégies similaires étaient adoptées. Par exemple, les électriciens comprendraient qu'en tant que consommateurs ils gagneraient à payer moins cher certains biens de consommation, ce qui compenserait leurs pertes de rentes au sein de leur compagnie. L'approche « big bang » permet d'intéresser les employés à la libéralisation et de ce fait faciliter la mise en place des politiques de dérégulation.
La dérégulation des marchés a d'autres avantages supplémentaires : elle facilite la libéralisation du marché du travail, ainsi que le montrent les études de l'OCDE quant à la forte corrélation positive dans plusieurs pays entre le degré de concurrence sur le marché des biens de consommation et l'importance des régulations du marché de l'emploi dans l'accroissement du pouvoir des salariés dans leurs négociations avec leurs entreprises. Les négociations portent principalement sur la distribution des excédents de rentes entre l'entreprise et ses employés. Dans une industrie concurrentielle où l'excédent de rente n'existe pas, il reste peu à négocier.
Dans certains cas, cependant, la régulation a des effets opposés : elle permet de maintenir artificiellement le prix des services publics à de faibles niveaux plutôt qu'à des niveaux trop élevés. Ceci est vrai pour les chemins de fer du continent européen, puisqu'ils sont financés par les gouvernements. Ici encore, gagner la bataille de la dérégulation nécessite de convaincre les consommateurs qu'ils y trouveront leur compte. Le prix des déplacements en train seront plus chers mais les impôts baisseront puisque seuls ceux qui utilisent vraiment le train payeront les coûts plutôt que les contribuables qui ne voyagent pas en train. La dérégulation des compagnies aériennes et de bus créera également une saine concurrence avec les chemins de fer et permettra d'empêcher la hausse excessive des prix.
Toute dérégulation décousue est condamnée à échouer. Pour parvenir à créer un soutien politique suffisant pour mettre en place certaines réformes pouvant survivre à l'opposition des intérêts privés requiert une tentative de dérégulation globale de l'économie et non pas dans certains secteurs industriels seulement, les uns après les autres. La seule façon d'éliminer les subventions inefficaces et non productives accordées à certaines minorités reste de mettre en place des réductions d'impôts pour tous.
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US President Donald Trump’s import tariffs have triggered a wave of retaliatory measures, setting off a trade war with key partners and raising fears of a global downturn. But while Trump’s protectionism and erratic policy shifts could have far-reaching implications, the greatest victim is likely to be the United States itself.
warns that the new administration’s protectionism resembles the strategy many developing countries once tried.
It took a pandemic and the threat of war to get Germany to dispense with the two taboos – against debt and monetary financing of budgets – that have strangled its governments for decades. Now, it must join the rest of Europe in offering a positive vision of self-sufficiency and an “anti-fascist economic policy.”
welcomes the apparent departure from two policy taboos that have strangled the country's investment.
Pourquoi est-il si difficile de mettre en place la dérégulation dont toute économie a besoin pour devenir plus compétitive ? Pourquoi tant de gouvernements essaient-ils de réaliser cet objectif et pourquoi la plupart d'entre eux n'y parviennent pas ? Tous leurs concitoyens bénéficient de la compétitivité du marché des biens et des services, mais le plus souvent, le large consensus nécessaire au soutien de politiques de compétitivité ne se matérialise pas, le soutien politique n'existe simplement pas. Pourquoi ?
Cette question est importante non seulement pour les économies de transition et les pays aux marchés émergeants, mais pour les pays développés également--en fait, presque partout sauf pour les États-Unis et le Royaume-Uni, qui se sont lancés depuis longtemps dans un processus de libéralisation économique radical et d'une portée considérable. La Nouvelle-Zélande et l'Irlande ont suivi, et leurs économies se sont fortement développées depuis.
Le manque de compétitivité est habituellement le fait d'une régulation excessive. Les services des taxis des capitales européennes sont chers car le nombre de licence est strictement contrôlé. En bloquant l'accès au marché, les propriétaires de licence ne font face qu'à une faible concurrence pour limiter l'augmentation des prix de leurs services, et les officiels qui accordent ces licences se trouvent bien placés pour récolter des voix ou des pots-de-vin. En bref, la régulation a tendance à dénaturer tout encouragement, stimulant ainsi ce que les économistes appellent un comportement à la recherche de rentes : le chauffeur de taxi et le fonctionnaire qui octroie les licences reçoivent des primes imméritées (rentes) simplement parce qu'ils peuvent exploiter leur position d'initié, et non pas parce qu'ils sont plus productifs.
Les notaires représentent un autre exemple de ce phénomène : dans de nombreux pays, les notaires demandent des honoraires très élevés pour des services quasiment inutiles. Les honoraires sont élevés parce que les notaires contrôlent eux-mêmes l'accès à leur profession. Sans réglementation gouvernementale (y compris des règlements imposant que le public achète ces services inutiles), les notaires ne seraient pas en mesure de réclamer ces rentes.
Les exemples des avantages de la libéralisation sont nombreux. Le marché des taxis en Irlande a été libéralisé, et le prix des courses y est bon marché. Pendant les mois qui suivirent la dérégulation des compagnies aériennes américaines, le coût d'un vol de cinq heures entre New York et Los Angeles coûtait bien moins cher que la demie-heure de vol entre Zurich et Francfort. De tels écarts se retrouvaient entre le coût d'un appel téléphonique d'une côte à l'autre des États-Unis et d'un appel interurbain passé en France.
Tandis que les régulations créent des rentes immérités pour des minorités surprotégées (les chauffeurs de taxi, les notaires, les pilotes de ligne, les salariés des compagnies de téléphone ou d'électricité), la dérégulation réduit ces rentes et les redistribuent dans le public en général. Mais du fait que ces minorités surprotégées jouissent d'accès privilégiés au monde politique, il n'est pas surprenant de constater que la libéralisation incite à tant d'opposition féroce et efficace.
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Est-il possible d'affaiblir cette opposition ? Que se passerait-il si un gouvernement essayait, au lieu de libéraliser l'industrie de l'électricité uniquement, de créer un big bang économique en essayant de libéraliser la plupart des marchés en même temps ?
Un processus analogue du « tout ou rien » fut mis en place aux États-Unis dans les années 1980 pour la fermeture des bases militaires devenues inutiles. Depuis 1945, il n'y avait eu aucune fermeture de base. Même si le Pentagone souhait lui-même en fermer de nombreuses pour utiliser les fonds ailleurs, aucune mesure ne parvenait à passer le vote du Congrès parce que les bases militaires sont considérées comme « pain béni », les faveurs de leur électorat aidant les hommes politiques à se faire réélire, et selon une vieille et vénérable loi informelle, aucun élu ne vote jamais contre le « pain béni » dans le district d'un collègue. Pourtant, une proposition pour fermer de nombreuses bases fut acceptée avec une majorité écrasante quand les leaders du Congrès se mirent enfin d'accord pour présenter une liste unique de bases à fermer. Cette liste pouvait être acceptée ou rejetée, sans aucune possibilité d'être modifiée. Le bon sens l'a emporté sur le pain béni.
La cause de la libéralisation économique serait grandement avancée si des stratégies similaires étaient adoptées. Par exemple, les électriciens comprendraient qu'en tant que consommateurs ils gagneraient à payer moins cher certains biens de consommation, ce qui compenserait leurs pertes de rentes au sein de leur compagnie. L'approche « big bang » permet d'intéresser les employés à la libéralisation et de ce fait faciliter la mise en place des politiques de dérégulation.
La dérégulation des marchés a d'autres avantages supplémentaires : elle facilite la libéralisation du marché du travail, ainsi que le montrent les études de l'OCDE quant à la forte corrélation positive dans plusieurs pays entre le degré de concurrence sur le marché des biens de consommation et l'importance des régulations du marché de l'emploi dans l'accroissement du pouvoir des salariés dans leurs négociations avec leurs entreprises. Les négociations portent principalement sur la distribution des excédents de rentes entre l'entreprise et ses employés. Dans une industrie concurrentielle où l'excédent de rente n'existe pas, il reste peu à négocier.
Dans certains cas, cependant, la régulation a des effets opposés : elle permet de maintenir artificiellement le prix des services publics à de faibles niveaux plutôt qu'à des niveaux trop élevés. Ceci est vrai pour les chemins de fer du continent européen, puisqu'ils sont financés par les gouvernements. Ici encore, gagner la bataille de la dérégulation nécessite de convaincre les consommateurs qu'ils y trouveront leur compte. Le prix des déplacements en train seront plus chers mais les impôts baisseront puisque seuls ceux qui utilisent vraiment le train payeront les coûts plutôt que les contribuables qui ne voyagent pas en train. La dérégulation des compagnies aériennes et de bus créera également une saine concurrence avec les chemins de fer et permettra d'empêcher la hausse excessive des prix.
Toute dérégulation décousue est condamnée à échouer. Pour parvenir à créer un soutien politique suffisant pour mettre en place certaines réformes pouvant survivre à l'opposition des intérêts privés requiert une tentative de dérégulation globale de l'économie et non pas dans certains secteurs industriels seulement, les uns après les autres. La seule façon d'éliminer les subventions inefficaces et non productives accordées à certaines minorités reste de mettre en place des réductions d'impôts pour tous.