DURHAM, CAROLINE DU NORD – Ma journée commence avec une tasse de café et se termine par un chocolat chaud. Dans l’intervalle, je consomme une variété d’aliments et de médicaments, dont une dose quotidienne de 81 mg d’aspirine. Une orchidée de couleur vive illumine mon bureau, et par la fenêtre, j’entrevois le jardin. En bref, ma vie est – comme celle de tout le monde – enrichie, rendue possible et allongée par un large éventail de plantes et de produits qui en sont dérivés.
Mais la biodiversité dont nous dépendons tous est menacée parce que les forêts et autres habitats riches en plantes sont dévastés par l’activité humaine. La question qui se pose aujourd’hui est celle de la vitesse de destruction des espèces – et ce qui peut être fait pour remédier à cette destruction.
Mais pour mettre au point des stratégies de conservation efficaces, il nous faut connaître les espèces devant être protégées. Jusqu’à présent, les taxonomistes ont identifié environ 297.000 espèces de plantes. Mais combien n’ont pas encore été décrites ? Et où se trouvent-elles ?
On pourrait imaginer, avec la diminution du nombre d’espèces non encore décrites, que le taux de description de nouvelles espèces par les taxonomistes déclinerait. Mais c’est le contraire qui s’est produit, avec une croissance quasi exponentielle d’une années sur l’autre – un phénomène qui s’explique en grande partie par l’augmentation du nombre de taxonomistes. En fait, ce n’est que le ratio entre les nouvelles espèces et les taxonomistes qui les décrivent qui décline.
Sur la base de cette évolution, les modèles mathématiques postulent qu’il existe environ 15 pour cent de plantes inconnues, pour un total de 350.000 espèces – un chiffre qui rejoint celui avancé par les experts. Près de la moitié des espèces non encore décrites ont déjà été collectées et rassemblées dans des herbiers en attendant d’être analysées et identifiées.
Pour trouver les plantes qui ne l’ont pas encore été, les taxonomistes peuvent se référer aux trois critères généraux qui régissent la distribution géographique des espèces :
· La plupart des espèces occupent une aire géographique réduite et sont rares localement
· Le nombre d’espèces trouvées dans un habitat donné varie beaucoup. De vastes étendues de forêts boréales d’Amérique du Nord et d’Eurasie ne comptent que quelques espèces d’arbres, alors que le bassin amazonien pourrait en compter 16.000.
· Les espèces occupant des aires réduites sont souvent concentrées dans les mêmes zones, qui sont en général différentes de celles occupées par une multitude d’espèces.
Sur la base de ces critères, on peut prédire que la majorité des espèces non décrites occupent des aires géographiques réduites et qu’elles sont rares au sein de ces aires – raison pour laquelle elles n’ont pas encore été trouvées. Il est de plus probable qu’elles poussent au sein de concentration connues d’espèces ayant une aire réduite, dans des régions comme l’Amérique centrale, les Caraïbes, les Andes du Nord, les forêts côtières du Brésil, l’Afrique australe, Madagascar, l’Asie du Sud-Est, la Papouasie Nouvelle-Guinée, l’Australie occidentale et plusieurs îles tropicales. Étant donné que la plupart des plantes menacées d’extinction – 20 pour cent des espèces connues, soit probablement 30 pour cent de toutes les espèces – entrent dans cette catégorie, les efforts pour préserver la biodiversité de la flore doivent mettre l’accent sur la concentration des espèces à aire réduite.
Le fait que les espèces de plantes menacées tendent à être géographiquement concentrées augmente les enjeux des efforts de conservation dans ces régions. Mais cette caractéristique pourrait également favoriser un succès en permettant aux décideurs politiques de se concentrer sur des superficies plus ou moins petites au lieu de vastes habitats.
C’est précisément l’objectif suivi par la Convention sur la diversité biologique (CDB), signée par près de 200 pays – et qui incarne le consensus mondial sur la nécessité de protéger la biodiversité. Le Plan stratégique pour la diversité biologique appelle lui à la préservation de 17 pour cent au moins des zones terrestres les plus importantes du point de vue écologique, tandis que La Stratégie mondiale pour la Conservation des Plantes vise à protéger 60 pour cent des espèces de plantes. Étant donné que 67 pour cent des espèces de plantes vivent entièrement au sein des zones sélectionnées et que 14 pour cent de plus vivent en partie dans ces zones, cette approche semble très prometteuse.
De plus, alors que 13 pour cent environ des zones terrestres mondiales sont aujourd’hui protégées, seuls 14 pour cent des 17 pour cent de terres qui contiennent la plus grande quantité d’espèces de plantes se trouvent au sein de zones protégées. Pour améliorer les chances de réussites de la CDB, les pays comprenant des concentrations plus élevées d’espèces uniques doivent bénéficier d’une protection plus résolue. Et compte tenu du fait que ces pays font partie du monde en développement, la communauté internationale se doit de soutenir ces efforts.
La situation est compliquée par le paradoxe de « l’Arche de Noé » : si une superficie totale réduite peut contenir de nombreuses espèces, elle n’est pas forcément à même d’assurer leur survie à long terme. En d’autres termes, même si la surface agrégée de toutes les zones protégées est grande, chaque zone individuelle pourrait ne pas être suffisamment étendue pour permettre la survie de populations viables d’espèces de plantes.
Les questions écologiques qui se posent – quelle superficie les pays doivent-ils protéger, et où – n’ont pas de réponse facile, et il est de plus nécessaire pour y répondre adéquatement de connaître encore mieux les espèces de plantes et leurs habitats. Et enfin, traduire ces réponses en actes nécessite une qualité rare : une volonté politique forte et durable.
Traduit de l’anglais par Julia Gallin
DURHAM, CAROLINE DU NORD – Ma journée commence avec une tasse de café et se termine par un chocolat chaud. Dans l’intervalle, je consomme une variété d’aliments et de médicaments, dont une dose quotidienne de 81 mg d’aspirine. Une orchidée de couleur vive illumine mon bureau, et par la fenêtre, j’entrevois le jardin. En bref, ma vie est – comme celle de tout le monde – enrichie, rendue possible et allongée par un large éventail de plantes et de produits qui en sont dérivés.
Mais la biodiversité dont nous dépendons tous est menacée parce que les forêts et autres habitats riches en plantes sont dévastés par l’activité humaine. La question qui se pose aujourd’hui est celle de la vitesse de destruction des espèces – et ce qui peut être fait pour remédier à cette destruction.
Mais pour mettre au point des stratégies de conservation efficaces, il nous faut connaître les espèces devant être protégées. Jusqu’à présent, les taxonomistes ont identifié environ 297.000 espèces de plantes. Mais combien n’ont pas encore été décrites ? Et où se trouvent-elles ?
On pourrait imaginer, avec la diminution du nombre d’espèces non encore décrites, que le taux de description de nouvelles espèces par les taxonomistes déclinerait. Mais c’est le contraire qui s’est produit, avec une croissance quasi exponentielle d’une années sur l’autre – un phénomène qui s’explique en grande partie par l’augmentation du nombre de taxonomistes. En fait, ce n’est que le ratio entre les nouvelles espèces et les taxonomistes qui les décrivent qui décline.
Sur la base de cette évolution, les modèles mathématiques postulent qu’il existe environ 15 pour cent de plantes inconnues, pour un total de 350.000 espèces – un chiffre qui rejoint celui avancé par les experts. Près de la moitié des espèces non encore décrites ont déjà été collectées et rassemblées dans des herbiers en attendant d’être analysées et identifiées.
Pour trouver les plantes qui ne l’ont pas encore été, les taxonomistes peuvent se référer aux trois critères généraux qui régissent la distribution géographique des espèces :
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· La plupart des espèces occupent une aire géographique réduite et sont rares localement
· Le nombre d’espèces trouvées dans un habitat donné varie beaucoup. De vastes étendues de forêts boréales d’Amérique du Nord et d’Eurasie ne comptent que quelques espèces d’arbres, alors que le bassin amazonien pourrait en compter 16.000.
· Les espèces occupant des aires réduites sont souvent concentrées dans les mêmes zones, qui sont en général différentes de celles occupées par une multitude d’espèces.
Sur la base de ces critères, on peut prédire que la majorité des espèces non décrites occupent des aires géographiques réduites et qu’elles sont rares au sein de ces aires – raison pour laquelle elles n’ont pas encore été trouvées. Il est de plus probable qu’elles poussent au sein de concentration connues d’espèces ayant une aire réduite, dans des régions comme l’Amérique centrale, les Caraïbes, les Andes du Nord, les forêts côtières du Brésil, l’Afrique australe, Madagascar, l’Asie du Sud-Est, la Papouasie Nouvelle-Guinée, l’Australie occidentale et plusieurs îles tropicales. Étant donné que la plupart des plantes menacées d’extinction – 20 pour cent des espèces connues, soit probablement 30 pour cent de toutes les espèces – entrent dans cette catégorie, les efforts pour préserver la biodiversité de la flore doivent mettre l’accent sur la concentration des espèces à aire réduite.
Le fait que les espèces de plantes menacées tendent à être géographiquement concentrées augmente les enjeux des efforts de conservation dans ces régions. Mais cette caractéristique pourrait également favoriser un succès en permettant aux décideurs politiques de se concentrer sur des superficies plus ou moins petites au lieu de vastes habitats.
C’est précisément l’objectif suivi par la Convention sur la diversité biologique (CDB), signée par près de 200 pays – et qui incarne le consensus mondial sur la nécessité de protéger la biodiversité. Le Plan stratégique pour la diversité biologique appelle lui à la préservation de 17 pour cent au moins des zones terrestres les plus importantes du point de vue écologique, tandis que La Stratégie mondiale pour la Conservation des Plantes vise à protéger 60 pour cent des espèces de plantes. Étant donné que 67 pour cent des espèces de plantes vivent entièrement au sein des zones sélectionnées et que 14 pour cent de plus vivent en partie dans ces zones, cette approche semble très prometteuse.
De plus, alors que 13 pour cent environ des zones terrestres mondiales sont aujourd’hui protégées, seuls 14 pour cent des 17 pour cent de terres qui contiennent la plus grande quantité d’espèces de plantes se trouvent au sein de zones protégées. Pour améliorer les chances de réussites de la CDB, les pays comprenant des concentrations plus élevées d’espèces uniques doivent bénéficier d’une protection plus résolue. Et compte tenu du fait que ces pays font partie du monde en développement, la communauté internationale se doit de soutenir ces efforts.
La situation est compliquée par le paradoxe de « l’Arche de Noé » : si une superficie totale réduite peut contenir de nombreuses espèces, elle n’est pas forcément à même d’assurer leur survie à long terme. En d’autres termes, même si la surface agrégée de toutes les zones protégées est grande, chaque zone individuelle pourrait ne pas être suffisamment étendue pour permettre la survie de populations viables d’espèces de plantes.
Les questions écologiques qui se posent – quelle superficie les pays doivent-ils protéger, et où – n’ont pas de réponse facile, et il est de plus nécessaire pour y répondre adéquatement de connaître encore mieux les espèces de plantes et leurs habitats. Et enfin, traduire ces réponses en actes nécessite une qualité rare : une volonté politique forte et durable.
Traduit de l’anglais par Julia Gallin