LONDRES – La politique que l’Union européenne applique envers ses voisins de l’est est mise à mal, malgré le lancement d’un nouveau partenariat oriental. La société civile européenne se replie de plus en plus sur elle-même et verse de temps à autre dans le protectionnisme. Mais que faire de la « zone grise » – ces six pays situés entre l’UE et la Russie ? L’inaction est inacceptable. La région, touchée par la crise économique, souffre d’autant plus en raison d’agitation politique interne et de graves problèmes de sécurité.
Le « Partenariat oriental » provient d’une idée suédo-polonaise émise l’été dernier. Son élaboration a été expédiée très rapidement par rapport aux habituelles procédures de l’UE. Seule la zone à l’est de l’Union – Ukraine, Moldova, Bélarus, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan – est concernée par cette nouvelle initiative. Elle vise à compléter la politique européenne de voisinage et se limite à quelques ressources novatrices assorties d’un budget consacré à des projets techniques (600 millions d’euros sur quatre ans pour les six pays). Ce partenariat a pour but de donner un signe positif à ces pays, d’améliorer le climat pesant à leur propos au sein de l'UE et d’amener doucement mais sûrement ces pays dans l’orbite de l’UE.
Même si cette proposition contrarie la Russie, elle n'est pas sans problèmes pour l’UE. En effet, persuader les dirigeants de participer au sommet de Prague ce jeudi ne s’est pas fait sans mal. Et ceux qui ont accepté ne font pas la meilleure publicité de la région.
Après avoir mené l’Ukraine de crise en crise depuis la « révolution orange » de 2004, la popularité du président Viktor Iouchtchenko est inférieure à 5 %. En raison des mésaventures militaires survenues en août 2008, la Géorgie exprime son mécontentement à Mikheil Saakachvili. Depuis l'élection controversée de Serge Sargsian en février 2008, qui a coûté la vie à dix personnes, l’Arménie aussi est en proie au mécontentement. En mars 2009, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a organisé un référendum sur la constitution, lui accordant la présidence à vie. La palme de la controverse revient au « dernier dictateur européen », le président bélarusse Alexandre Loukachenko dont le pays ne faisait même pas partie de la Politique européenne de voisinage auparavant.
Cinq ans après le « big bang » qui a permis à l’Europe de s’élargir à l’est en accueillant huit pays de l’ex-URSS, l'Union risque de perdre l’appréciation et l’approbation de ses voisins orientaux à cause de son approche verbeuse et de son optimisme béat par temps de crise. Ces voisins orientaux ne ressemblent pas aux Etats de l’Europe centrale qui ont négocié leur adhésion dans les années 1990. Contrairement à la Pologne, la Slovaquie et les Etats Baltes où de réformes ont, difficilement certes, été mises en œuvre, ces états, au statut et à la gouvernance très faibles, ne bénéficient pas d’un consensus leur accordant une destinée européenne.
Le hasard de l'échéancier bureaucratique fait que beaucoup voient ce partenariat oriental comme une simple réponse européenne à la crise économique mondiale et non comme une stratégie élaborée sur mesure pour la région. Par exemple, le président moldave Vladimir Voronine l’a qualifiée de « petite douceur ».
At a time when democracy is under threat, there is an urgent need for incisive, informed analysis of the issues and questions driving the news – just what PS has always provided. Subscribe now and save $50 on a new subscription.
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Certes, l’accent technocrate que l’UE a mis sur les réformes structurelles a des répercussions dans la région. Les six états, à l'exception du Bélarus, concluent désormais plus de marchés avec l’UE qu’avec la Russie. Mais l’aspect politique de cette nouvelle donne économique est proche de zéro. La région a plutôt évolué dans la mauvaise direction, pour cause d'insécurité et de tensions accrues, et même de guerre (en Géorgie l'été dernier). Les élections truquées sont vite devenues une norme et les six états n’ont ni le temps ni l’envie d’absorber la bureaucratie européenne d’un seul coup.
La Russie, qui s’est brûlé les doigts en intervenant si grossièrement en Ukraine en 2004, a réussi à revisiter sa manière d’agir dans la région. Elle fait désormais usage de toute une palette d’outils de pouvoir dur et doux, incomparables à ceux de l’UE, comme les bases militaires qu’elle a réussi à s’assurer dans chacun des six pays. En outre, la Russie agit mieux que l’UE dans un certain nombre de domaines, un exemple probant étant son marché du travail plus ouvert (jusqu’à il y a peu). La Russie utilise moins de bâtons et plus de carottes en offrant un soutien économique, des garanties de sécurité et une idéologie de « démocratie souveraine », concept très attirant aux yeux d'une grande partie de l’élite post-soviétique.
Sur le long terme, ce partenariat oriental est un instrument technocrate type. L’UE promet de mettre en place des « institutions publiques de type occidental » et de transformer l'économie orientale par le biais d'accords de marché libre très complets.
C’est bien, mais l’UE doit agir plus vite. Elle doit prouver que sa mission est de renforcer de faibles états, de les aider à surmonter des crises à court terme et qu’elle souhaite encourager la démocratie plutôt que de traiter ces pays comme des vaisseaux vides servant à exporter les politiques européennes. Le sommet sur le partenariat oriental doit être le début d’une série de rencontres d’un niveau moindre au cours desquelles les ministres de l’intérieur pourront discuter de migrations, de visas et de contre-terrorisme. L’UE devrait également songer à intégrer l’Ukraine et la Moldova dans le marché énergétique européen.
Toute autre attitude débouchera sur un mur d’instabilité dans ce qui est, après tout, le voisinage de l’Europe. Tout comme le cas Etats-Unis/Mexique, les conséquences de la disparité croissante entre niveau de vie, bonne gouvernance et état de droit dépasseront des frontières. La politique orientale de l’UE ne devrait pas être considérée comme un acte philanthropique, mais comme une promotion stratégique de centres d’intérêts paneuropéens bien définis.
Andrew Wilson et Nicu Popescu, chercheurs associés, sont experts en Affaires étrangères au Conseil européen.
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South Korea's latest political crisis is further evidence that the 1987 constitution has outlived its usefulness. To facilitate better governance and bolster policy stability, the country must establish a new political framework that includes stronger checks on the president and fosters genuine power-sharing.
argues that breaking the cycle of political crises will require some fundamental reforms.
Among the major issues that will dominate attention in the next 12 months are the future of multilateralism, the ongoing wars in Ukraine and the Middle East, and the threats to global stability posed by geopolitical rivalries and Donald Trump’s second presidency. Advances in artificial intelligence, if regulated effectively, offer a glimmer of hope.
asked PS contributors to identify the national and global trends to look out for in the coming year.
LONDRES – La politique que l’Union européenne applique envers ses voisins de l’est est mise à mal, malgré le lancement d’un nouveau partenariat oriental. La société civile européenne se replie de plus en plus sur elle-même et verse de temps à autre dans le protectionnisme. Mais que faire de la « zone grise » – ces six pays situés entre l’UE et la Russie ? L’inaction est inacceptable. La région, touchée par la crise économique, souffre d’autant plus en raison d’agitation politique interne et de graves problèmes de sécurité.
Le « Partenariat oriental » provient d’une idée suédo-polonaise émise l’été dernier. Son élaboration a été expédiée très rapidement par rapport aux habituelles procédures de l’UE. Seule la zone à l’est de l’Union – Ukraine, Moldova, Bélarus, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan – est concernée par cette nouvelle initiative. Elle vise à compléter la politique européenne de voisinage et se limite à quelques ressources novatrices assorties d’un budget consacré à des projets techniques (600 millions d’euros sur quatre ans pour les six pays). Ce partenariat a pour but de donner un signe positif à ces pays, d’améliorer le climat pesant à leur propos au sein de l'UE et d’amener doucement mais sûrement ces pays dans l’orbite de l’UE.
Même si cette proposition contrarie la Russie, elle n'est pas sans problèmes pour l’UE. En effet, persuader les dirigeants de participer au sommet de Prague ce jeudi ne s’est pas fait sans mal. Et ceux qui ont accepté ne font pas la meilleure publicité de la région.
Après avoir mené l’Ukraine de crise en crise depuis la « révolution orange » de 2004, la popularité du président Viktor Iouchtchenko est inférieure à 5 %. En raison des mésaventures militaires survenues en août 2008, la Géorgie exprime son mécontentement à Mikheil Saakachvili. Depuis l'élection controversée de Serge Sargsian en février 2008, qui a coûté la vie à dix personnes, l’Arménie aussi est en proie au mécontentement. En mars 2009, le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a organisé un référendum sur la constitution, lui accordant la présidence à vie. La palme de la controverse revient au « dernier dictateur européen », le président bélarusse Alexandre Loukachenko dont le pays ne faisait même pas partie de la Politique européenne de voisinage auparavant.
Cinq ans après le « big bang » qui a permis à l’Europe de s’élargir à l’est en accueillant huit pays de l’ex-URSS, l'Union risque de perdre l’appréciation et l’approbation de ses voisins orientaux à cause de son approche verbeuse et de son optimisme béat par temps de crise. Ces voisins orientaux ne ressemblent pas aux Etats de l’Europe centrale qui ont négocié leur adhésion dans les années 1990. Contrairement à la Pologne, la Slovaquie et les Etats Baltes où de réformes ont, difficilement certes, été mises en œuvre, ces états, au statut et à la gouvernance très faibles, ne bénéficient pas d’un consensus leur accordant une destinée européenne.
Le hasard de l'échéancier bureaucratique fait que beaucoup voient ce partenariat oriental comme une simple réponse européenne à la crise économique mondiale et non comme une stratégie élaborée sur mesure pour la région. Par exemple, le président moldave Vladimir Voronine l’a qualifiée de « petite douceur ».
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Sur le long terme, ce partenariat oriental est un instrument technocrate type. L’UE promet de mettre en place des « institutions publiques de type occidental » et de transformer l'économie orientale par le biais d'accords de marché libre très complets.
C’est bien, mais l’UE doit agir plus vite. Elle doit prouver que sa mission est de renforcer de faibles états, de les aider à surmonter des crises à court terme et qu’elle souhaite encourager la démocratie plutôt que de traiter ces pays comme des vaisseaux vides servant à exporter les politiques européennes. Le sommet sur le partenariat oriental doit être le début d’une série de rencontres d’un niveau moindre au cours desquelles les ministres de l’intérieur pourront discuter de migrations, de visas et de contre-terrorisme. L’UE devrait également songer à intégrer l’Ukraine et la Moldova dans le marché énergétique européen.
Toute autre attitude débouchera sur un mur d’instabilité dans ce qui est, après tout, le voisinage de l’Europe. Tout comme le cas Etats-Unis/Mexique, les conséquences de la disparité croissante entre niveau de vie, bonne gouvernance et état de droit dépasseront des frontières. La politique orientale de l’UE ne devrait pas être considérée comme un acte philanthropique, mais comme une promotion stratégique de centres d’intérêts paneuropéens bien définis.
Andrew Wilson et Nicu Popescu, chercheurs associés, sont experts en Affaires étrangères au Conseil européen.