L’image sur l’écran d’ordinateur est choquante : un homme est étendu sur un lit d’hôpital, la tête bandée, du sang dégoulinant du sommet de son crâne. L’homme, aujourd’hui assis à côté de moi, explique en maniant la litote : “évidement, je dois continuer d’avoir la foi dans le système juridique chinois, même si je dois admettre que cet incident a quelque peu modéré mon enthousiasme.”
L’ “incident” s’est produit en décembre dernier, alors que lui et un autre avocat voyageaient pour préparer le deuxième procès d’un activiste aveugle et autodidacte. Cet activiste avait été piégé par les autorités locales après avoir dénoncé des abus commis par les autorités locales du planning familial. Les deux avocats voyageaient en bus, lorsqu’une bande d’hommes, certains brandissant des tuyaux en métal, est brusquement montée à bord et les a attaqués.
Ses blessures étaient sans gravité, mais l’incident incarne les paradoxes du système juridique chinois : au cours des vingt dernières années, la Chine a voté des centaines de lois et élevé la “gouvernance du pays dans le respect de la loi” à une position éminente tant idéologique que constitutionnelle. La conscience juridique de la société a atteint des sommets sans précédents. La semaine dernière, la Chine a fini par sanctifier la propriété privée en votant la loi tant attendue sur les droits à la propriété, dans ce que le gouvernement a appelé “un progrès significatif pour la promotion de la loi dans le pays.”
Et pourtant, l’accès à la justice reste très limité, les tribunaux sont encore contrôlés par le Parti communiste chinois (PCC), et les avocats impliqués dans des procès contre les autorités locales restent très vulnérables à une vengeance par des acteurs d’État ou non. Les représailles vont de la suspension des licences des avocats par les services judiciaires à l’intimidation physique ou aux agressions criminelles. Quand leurs agresseurs sont partis, les deux avocats ont plusieurs fois reporté l’incident à la police, mais elle n’a rien fait d’autre que noter leur passage. Des plaintes officielles au ministère de la justice et à l’association du barreau national n’ont pas été reconnues, et sont naturellement restées sans réponse.
Depuis que Deng Xiaoping a inauguré l’ère de “réforme et d’ouverture” en 1978, les dirigeants chinois considèrent le système juridique comme un instrument servant à mettre en application les politiques d’État. Mais à mesure que la société chinoise s’émancipait du contrôle direct de l’État, avec la notable exception de secteurs vus par le parti comme cruciaux pour maintenir son monopole du pouvoir, les citoyens faisaient de plus en plus appel à la loi pour se protéger contre les interférences arbitraires de l’administration et pour limiter son pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement encourageait en retour l’idée que les citoyens ordinaires avaient des droits juridiques, afin de garantir la stabilité sociale, contrôler la corruption à petite échelle et canaliser les griefs sociaux par le biais d’un mécanisme contrôlé par le parti.
La nouvelle loi sur la propriété privée offre sans aucun doute une protection plus grande aux citoyens chinois, en particuliers à ceux qui possèdent leur logement, en garantissant l’égalité de la propriété d’État et de la propriété privée. Une plus grande prévisibilité et clarté dans le système de propriété est susceptible d’apporter des bénéfices économiques, de rassurer les investisseurs internationaux et de prouver la détermination des dirigeants à poursuivre d’autres réformes économiques. Plus important encore, peut-être, la loi consolide indirectement, du moins en théorie, le concept d’une sphère privée dans la société chinoise : une zone physique et juridique protégée de l’intervention arbitraire de l’État, qui pourrait potentiellement servir de base à une exigence de plus grande participation politique.
At a time when democracy is under threat, there is an urgent need for incisive, informed analysis of the issues and questions driving the news – just what PS has always provided. Subscribe now and save $50 on a new subscription.
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Mais cette nouvelle loi ne concernera pas les litiges de propriété les plus graves : les saisies de terres et les évictions pour le re-développement urbain. La plupart de ces plaintes viennent d’actes commis par des fonctionnaires locaux, qui étaient déjà clairement illégaux sous les lois chinoises existantes. Le vrai problème est d’obliger les fonctionnaires à respecter la loi. Avec peu de surveillance par le gouvernement central, et pas de système judiciaire indépendant ou de presse libre à qui rendre des comptes, les autorités locales des zones rurales font souvent leur propre loi. Selon le ministère chinois des Ressources en terres, il y a eu plus de 90 000 cas de transfert de terre illégal l’année dernière, mais très peu de poursuites.
Les tribunaux locaux, dont les juges sont nommés et payés par le gouvernement local, refusent souvent tout simplement d’enregistrer les affaires qui mettent en question des décisions officielles. Dans les quelques cas où un tribunal tranche en faveur des plaignants, les jugements ne sont souvent pas appliqués. Quand les avocats et les juristes activistes essaient d’aider des villageois ou des résidents expulsés à se battre dans les méandres du système juridique, ils deviennent souvent victimes de vengeances.
Comme les gens ne peuvent obtenir justice par le biais des tribunaux, l’agitation a atteint des sommets dans tout le pays ces dernières années : les statistiques officielles enregistrent plus de 200 protestations par jour, quatre fois plus qu’il y a dix ans. Les autorités centrales ont reconnu le lien entre les abus, l’agitation et le besoin de développer des services juridiques pour prévenir l’intensification des litiges. Wen Jiabao, Premier Ministre chinois, a reconnu l’année dernière que les protestations des campagnes étaient provoquées par “certaines localités qui occupent illégalement la terre de fermiers” et a promis “des services juridiques efficaces et une aide juridique afin de fournir une aide efficace à ceux qui ont des difficultés à engager des poursuites.”
Mais la réalité ne correspond pas à la rhétorique officielle. L’année dernière, trois éminents avocats et activistes en droit ont été arrêtés. Les restrictions administratives concernant les avocats ont été renforcées pour décourager les actions de classe ou les plaintes collectives – typiquement, des affaires contre des actes gouvernementaux arbitraires ou corrompus – et pour faciliter l’intervention des autorités locales et leur contrôle sur les affaires. Et les médias ont eu l’interdiction d’évoquer des affaires impliquant des litiges sur des terres et des expulsions forcées.
La nouvelle loi sur la propriété ne constituera pas de percée pour la protection des droits, contrairement à ce que prétend le gouvernement, tant qu’elle ne sera pas accompagnée d’un accès plus large à la justice pour les citoyens ordinaires. Le gouvernement a de la chance que mon ami avocat conserve la foi dans le système juridique, mais il doit à présent gagner la confiance des citoyens ordinaires en promulguant des réformes. Supprimer les contraintes qui pèsent sur les avocats et s’assurer qu’ils ne sont pas attaqués impunément constituerait un bon point de départ.
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From a stock- and bond-market crash to a military confrontation with China, there is no shortage of downside risks for 2025. But whatever disasters Donald Trump ushers in during his first year back in the White House, one should not expect his supporters to turn on him.
imagines the economic and geopolitical consequences we might be facing in January 2026.
Donald Trump's return to the White House will almost certainly trigger an unmanaged decoupling of the world’s most important geopolitical relationship, increasing the risk of global economic disruption and crisis. After all, Chinese leaders will be far less conciliatory than they were during his first term.
thinks Xi Jinping's government will be less accommodative of the “Tariff Man's” demands this time around.
L’image sur l’écran d’ordinateur est choquante : un homme est étendu sur un lit d’hôpital, la tête bandée, du sang dégoulinant du sommet de son crâne. L’homme, aujourd’hui assis à côté de moi, explique en maniant la litote : “évidement, je dois continuer d’avoir la foi dans le système juridique chinois, même si je dois admettre que cet incident a quelque peu modéré mon enthousiasme.”
L’ “incident” s’est produit en décembre dernier, alors que lui et un autre avocat voyageaient pour préparer le deuxième procès d’un activiste aveugle et autodidacte. Cet activiste avait été piégé par les autorités locales après avoir dénoncé des abus commis par les autorités locales du planning familial. Les deux avocats voyageaient en bus, lorsqu’une bande d’hommes, certains brandissant des tuyaux en métal, est brusquement montée à bord et les a attaqués.
Ses blessures étaient sans gravité, mais l’incident incarne les paradoxes du système juridique chinois : au cours des vingt dernières années, la Chine a voté des centaines de lois et élevé la “gouvernance du pays dans le respect de la loi” à une position éminente tant idéologique que constitutionnelle. La conscience juridique de la société a atteint des sommets sans précédents. La semaine dernière, la Chine a fini par sanctifier la propriété privée en votant la loi tant attendue sur les droits à la propriété, dans ce que le gouvernement a appelé “un progrès significatif pour la promotion de la loi dans le pays.”
Et pourtant, l’accès à la justice reste très limité, les tribunaux sont encore contrôlés par le Parti communiste chinois (PCC), et les avocats impliqués dans des procès contre les autorités locales restent très vulnérables à une vengeance par des acteurs d’État ou non. Les représailles vont de la suspension des licences des avocats par les services judiciaires à l’intimidation physique ou aux agressions criminelles. Quand leurs agresseurs sont partis, les deux avocats ont plusieurs fois reporté l’incident à la police, mais elle n’a rien fait d’autre que noter leur passage. Des plaintes officielles au ministère de la justice et à l’association du barreau national n’ont pas été reconnues, et sont naturellement restées sans réponse.
Depuis que Deng Xiaoping a inauguré l’ère de “réforme et d’ouverture” en 1978, les dirigeants chinois considèrent le système juridique comme un instrument servant à mettre en application les politiques d’État. Mais à mesure que la société chinoise s’émancipait du contrôle direct de l’État, avec la notable exception de secteurs vus par le parti comme cruciaux pour maintenir son monopole du pouvoir, les citoyens faisaient de plus en plus appel à la loi pour se protéger contre les interférences arbitraires de l’administration et pour limiter son pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement encourageait en retour l’idée que les citoyens ordinaires avaient des droits juridiques, afin de garantir la stabilité sociale, contrôler la corruption à petite échelle et canaliser les griefs sociaux par le biais d’un mécanisme contrôlé par le parti.
La nouvelle loi sur la propriété privée offre sans aucun doute une protection plus grande aux citoyens chinois, en particuliers à ceux qui possèdent leur logement, en garantissant l’égalité de la propriété d’État et de la propriété privée. Une plus grande prévisibilité et clarté dans le système de propriété est susceptible d’apporter des bénéfices économiques, de rassurer les investisseurs internationaux et de prouver la détermination des dirigeants à poursuivre d’autres réformes économiques. Plus important encore, peut-être, la loi consolide indirectement, du moins en théorie, le concept d’une sphère privée dans la société chinoise : une zone physique et juridique protégée de l’intervention arbitraire de l’État, qui pourrait potentiellement servir de base à une exigence de plus grande participation politique.
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Les tribunaux locaux, dont les juges sont nommés et payés par le gouvernement local, refusent souvent tout simplement d’enregistrer les affaires qui mettent en question des décisions officielles. Dans les quelques cas où un tribunal tranche en faveur des plaignants, les jugements ne sont souvent pas appliqués. Quand les avocats et les juristes activistes essaient d’aider des villageois ou des résidents expulsés à se battre dans les méandres du système juridique, ils deviennent souvent victimes de vengeances.
Comme les gens ne peuvent obtenir justice par le biais des tribunaux, l’agitation a atteint des sommets dans tout le pays ces dernières années : les statistiques officielles enregistrent plus de 200 protestations par jour, quatre fois plus qu’il y a dix ans. Les autorités centrales ont reconnu le lien entre les abus, l’agitation et le besoin de développer des services juridiques pour prévenir l’intensification des litiges. Wen Jiabao, Premier Ministre chinois, a reconnu l’année dernière que les protestations des campagnes étaient provoquées par “certaines localités qui occupent illégalement la terre de fermiers” et a promis “des services juridiques efficaces et une aide juridique afin de fournir une aide efficace à ceux qui ont des difficultés à engager des poursuites.”
Mais la réalité ne correspond pas à la rhétorique officielle. L’année dernière, trois éminents avocats et activistes en droit ont été arrêtés. Les restrictions administratives concernant les avocats ont été renforcées pour décourager les actions de classe ou les plaintes collectives – typiquement, des affaires contre des actes gouvernementaux arbitraires ou corrompus – et pour faciliter l’intervention des autorités locales et leur contrôle sur les affaires. Et les médias ont eu l’interdiction d’évoquer des affaires impliquant des litiges sur des terres et des expulsions forcées.
La nouvelle loi sur la propriété ne constituera pas de percée pour la protection des droits, contrairement à ce que prétend le gouvernement, tant qu’elle ne sera pas accompagnée d’un accès plus large à la justice pour les citoyens ordinaires. Le gouvernement a de la chance que mon ami avocat conserve la foi dans le système juridique, mais il doit à présent gagner la confiance des citoyens ordinaires en promulguant des réformes. Supprimer les contraintes qui pèsent sur les avocats et s’assurer qu’ils ne sont pas attaqués impunément constituerait un bon point de départ.