NEW YORK – De nombreux indices montrent que la planète continue de foncer tout droit vers le désastre écologique. Aux Etats-Unis, la National Oceanographic and Atmospheric Administration a publié son « rapport sur l’état du climat » pour la période de janvier à mai. En 2010, ces cinq mois ont enregistrés un nouveau record de chaleur (inédit depuis les années 1880). Mai a d’ailleurs été le mois le plus chaud. La canicule s’abat sur de nombreuses régions du globe. Et pourtant, nous ne faisons rien, toujours rien.
Cette inaction s’explique par diverses raisons que nous devrions analyser afin de nous extirper de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. D’abord, maîtriser le changement climatique anthropique constitue un défi économique très complexe. L’être humain a influencé le climat de deux manières : en émettant des gaz à effet de serre (les GES, dont le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote) et en utilisant des carburants fossiles dans les domaines de l’énergie et de l’agriculture (comme la déforestation pour créer des pâturages ou des terres arables).
Hélas, modifier les divers systèmes agricoles et énergétiques n’est pas un jeu d’enfant. Faire des pieds et des mains et déclarer que le climat est une question urgente ne suffit pas. Il nous faut une stratégie pragmatique pour organiser la refonte de deux secteurs ancrés au cour de l’économie planétaire, impliquant du reste l’ensemble de la population.
Le deuxième grand défi à relever avant de s’attaquer au réchauffement de la planète proprement dit réside dans la complexité de cette discipline scientifique. Les connaissances que nous avons aujourd’hui de la Terre, du climat et des éléments anthropiques qui l’influencent proviennent des résultats de travaux scientifiques complexes impliquant des milliers et des milliers de chercheurs à travers le monde. Cette compréhension scientifique de la Terre est incomplète. De grosses incertitudes demeurent quant à l’ampleur du changement climatique, ses dangers et le cadre temporel de son déroulement.
Le grand public a bien évidemment du mal à assimiler certaines subtilités et le manque de précision, notamment du fait que le climat est appelé à se modifier non pas sur des mois ou des années mais sur des décennies voire des siècles. Qui plus est, comme les variations naturelles d’une année à l’autre ou d’une décennie à l’autre s’ajoutent au changement climatique anthropique, il est encore plus difficile de traquer la véritable cause des dégâts.
Voilà qui a donné naissance à un troisième obstacle au traitement de la question. Issu de la combinaison des implications économiques du sujet en lui-même et des incertitudes qui l’entourent, cet obstacle n’est autre qu’une campagne violente visant à discréditer la branche scientifique concernée menée par des personnes puissantes à l’idéologie et aux intérêts particuliers, créant de fait une atmosphère d’ignorance et de confusion.
Depuis des décennies, le magazine d’affaires américain très en vue The Wall Street Journal mène une campagne éditoriale agressive contre la climatologie. Les individus impliqués dans cette campagne sont non seulement mal informés sur le plan scientifique, mais ne montrent apparemment aucun signe ou volonté de mieux s’informer. Ils ont à plusieurs reprises refusé l’offre lancée par des climatologues de se rencontrer pour discuter sérieusement du sujet.
Plusieurs sociétés pétrolières et grandes entreprises prennent part à ce petit jeu, en finançant des campagnes de relations publiques de mauvais aloi, qui desservent la climatologie. Ces dernières tendent en général à exagérer les incertitudes de cette discipline et à laisser penser que les climatologues complotent pour terroriser le public. Ces chefs d’accusation sont absurdes. Mais bien présentée, bien enrobée, toute condamnation absurde peut trouver grâce aux yeux du public.
Ces trois facteurs combinés – l’énorme défi économique que représente la réduction de GES, la complexité de la climatologie et les campagnes ayant pour clair objectif d’embrouiller l’esprit du public et de discréditer la science – génèrent un quatrième et dernier obstacle crucial : la réticence ou l’inhabileté des responsables politiques américains à élaborer une politique climatique sensée.
Les Etats-Unis sont en grande partie responsables de l’inertie dans laquelle nous nous trouvons, car ce pays a longtemps été le plus gros émetteur mondial d’émissions de GES, (la Chine a pris la première place l’année dernière). Aujourd’hui encore, les émissions américaines per capita sont quatre fois plus élevées que celles de la Chine. Or, nonobstant le grand rôle joué dans ce domaine par sa nation, le Sénat n’a rien fait depuis la ratification du traité des Nations unies sur le réchauffement de la planète il y a seize ans.
Lors de l’élection de Barack Obama, l’espoir prévalait encore. Malheureusement, même s’il est évident qu’il aimerait avancer, tout ce qu’il réussit à faire pour l’instant est de suivre une série de négociations vaines avec des sénateurs et des industries clés en vue de concocter un accord. Toutefois, comme les intérêts précieux de ces groupes prédominent, le président des Etats-Unis ne fait aucun progrès.
L’administration Obama aurait dû s’efforcer – et devrait s’efforcer encore – de trouver une autre solution. Au lieu de négocier certains intérêts dans l’antichambre de la Maison Blanche et du Congrès, Obama devrait proposer un plan d’action cohérent à sa nation. Il devrait soumettre une stratégie appropriée pour les vingt prochaines années, permettant de réduire la dépendance américaine des carburants fossiles, d’assurer une conversion aux véhicules électriques et d’élargir les sources d’énergie sans carbone comme l’énergie solaire ou éolienne. Il pourrait ensuite donner une estimation du prix à payer pour s’adapter graduellement à ces nouveautés et montrer qu’il ne nous en coûtera rien en comparaison des avantages que cela génèrera.
Obama était le candidat du changement. Mais il n’a pas présenté de plan d’action concret visant à un changement réel. Les intérêts particuliers de certains groupes paralysent de plus en plus son administration. Difficile de dire si c’est le résultat voulu, pour qu’Obama et son parti continuent de lever de vastes fonds de campagne, ou le résultat d’une faiblesse décisionnelle, ou les deux.
Nous courons au désastre, c’est évident. La nature n’a que faire de nos machinations politiques. Elle continue de nous montrer que notre modèle économique actuel est dangereux et contreproductif. Si nous ne trouvons pas d’autre manière de gouverner dans les années à venir, elle nous le fera sentir encore davantage.
NEW YORK – De nombreux indices montrent que la planète continue de foncer tout droit vers le désastre écologique. Aux Etats-Unis, la National Oceanographic and Atmospheric Administration a publié son « rapport sur l’état du climat » pour la période de janvier à mai. En 2010, ces cinq mois ont enregistrés un nouveau record de chaleur (inédit depuis les années 1880). Mai a d’ailleurs été le mois le plus chaud. La canicule s’abat sur de nombreuses régions du globe. Et pourtant, nous ne faisons rien, toujours rien.
Cette inaction s’explique par diverses raisons que nous devrions analyser afin de nous extirper de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons. D’abord, maîtriser le changement climatique anthropique constitue un défi économique très complexe. L’être humain a influencé le climat de deux manières : en émettant des gaz à effet de serre (les GES, dont le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d’azote) et en utilisant des carburants fossiles dans les domaines de l’énergie et de l’agriculture (comme la déforestation pour créer des pâturages ou des terres arables).
Hélas, modifier les divers systèmes agricoles et énergétiques n’est pas un jeu d’enfant. Faire des pieds et des mains et déclarer que le climat est une question urgente ne suffit pas. Il nous faut une stratégie pragmatique pour organiser la refonte de deux secteurs ancrés au cour de l’économie planétaire, impliquant du reste l’ensemble de la population.
Le deuxième grand défi à relever avant de s’attaquer au réchauffement de la planète proprement dit réside dans la complexité de cette discipline scientifique. Les connaissances que nous avons aujourd’hui de la Terre, du climat et des éléments anthropiques qui l’influencent proviennent des résultats de travaux scientifiques complexes impliquant des milliers et des milliers de chercheurs à travers le monde. Cette compréhension scientifique de la Terre est incomplète. De grosses incertitudes demeurent quant à l’ampleur du changement climatique, ses dangers et le cadre temporel de son déroulement.
Le grand public a bien évidemment du mal à assimiler certaines subtilités et le manque de précision, notamment du fait que le climat est appelé à se modifier non pas sur des mois ou des années mais sur des décennies voire des siècles. Qui plus est, comme les variations naturelles d’une année à l’autre ou d’une décennie à l’autre s’ajoutent au changement climatique anthropique, il est encore plus difficile de traquer la véritable cause des dégâts.
Voilà qui a donné naissance à un troisième obstacle au traitement de la question. Issu de la combinaison des implications économiques du sujet en lui-même et des incertitudes qui l’entourent, cet obstacle n’est autre qu’une campagne violente visant à discréditer la branche scientifique concernée menée par des personnes puissantes à l’idéologie et aux intérêts particuliers, créant de fait une atmosphère d’ignorance et de confusion.
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Depuis des décennies, le magazine d’affaires américain très en vue The Wall Street Journal mène une campagne éditoriale agressive contre la climatologie. Les individus impliqués dans cette campagne sont non seulement mal informés sur le plan scientifique, mais ne montrent apparemment aucun signe ou volonté de mieux s’informer. Ils ont à plusieurs reprises refusé l’offre lancée par des climatologues de se rencontrer pour discuter sérieusement du sujet.
Plusieurs sociétés pétrolières et grandes entreprises prennent part à ce petit jeu, en finançant des campagnes de relations publiques de mauvais aloi, qui desservent la climatologie. Ces dernières tendent en général à exagérer les incertitudes de cette discipline et à laisser penser que les climatologues complotent pour terroriser le public. Ces chefs d’accusation sont absurdes. Mais bien présentée, bien enrobée, toute condamnation absurde peut trouver grâce aux yeux du public.
Ces trois facteurs combinés – l’énorme défi économique que représente la réduction de GES, la complexité de la climatologie et les campagnes ayant pour clair objectif d’embrouiller l’esprit du public et de discréditer la science – génèrent un quatrième et dernier obstacle crucial : la réticence ou l’inhabileté des responsables politiques américains à élaborer une politique climatique sensée.
Les Etats-Unis sont en grande partie responsables de l’inertie dans laquelle nous nous trouvons, car ce pays a longtemps été le plus gros émetteur mondial d’émissions de GES, (la Chine a pris la première place l’année dernière). Aujourd’hui encore, les émissions américaines per capita sont quatre fois plus élevées que celles de la Chine. Or, nonobstant le grand rôle joué dans ce domaine par sa nation, le Sénat n’a rien fait depuis la ratification du traité des Nations unies sur le réchauffement de la planète il y a seize ans.
Lors de l’élection de Barack Obama, l’espoir prévalait encore. Malheureusement, même s’il est évident qu’il aimerait avancer, tout ce qu’il réussit à faire pour l’instant est de suivre une série de négociations vaines avec des sénateurs et des industries clés en vue de concocter un accord. Toutefois, comme les intérêts précieux de ces groupes prédominent, le président des Etats-Unis ne fait aucun progrès.
L’administration Obama aurait dû s’efforcer – et devrait s’efforcer encore – de trouver une autre solution. Au lieu de négocier certains intérêts dans l’antichambre de la Maison Blanche et du Congrès, Obama devrait proposer un plan d’action cohérent à sa nation. Il devrait soumettre une stratégie appropriée pour les vingt prochaines années, permettant de réduire la dépendance américaine des carburants fossiles, d’assurer une conversion aux véhicules électriques et d’élargir les sources d’énergie sans carbone comme l’énergie solaire ou éolienne. Il pourrait ensuite donner une estimation du prix à payer pour s’adapter graduellement à ces nouveautés et montrer qu’il ne nous en coûtera rien en comparaison des avantages que cela génèrera.
Obama était le candidat du changement. Mais il n’a pas présenté de plan d’action concret visant à un changement réel. Les intérêts particuliers de certains groupes paralysent de plus en plus son administration. Difficile de dire si c’est le résultat voulu, pour qu’Obama et son parti continuent de lever de vastes fonds de campagne, ou le résultat d’une faiblesse décisionnelle, ou les deux.
Nous courons au désastre, c’est évident. La nature n’a que faire de nos machinations politiques. Elle continue de nous montrer que notre modèle économique actuel est dangereux et contreproductif. Si nous ne trouvons pas d’autre manière de gouverner dans les années à venir, elle nous le fera sentir encore davantage.