CAMBRIDGE – Dans un commentaire récent, j'ai montré que l'augmentation de la pression sur un marché des actions plus rapide incitait les chefs d'entreprise à être encore plus préoccupés par leurs résultats trimestriels, ce qui les empêchait de gérer leurs entreprises à long terme. Mais j'ai remarqué aussi que les pressions des gouvernements et des changements technologiques rapides ont potentiellement tout autant d'influence que les marchés boursiers. Comment peut-on planifier avec soin à long terme, disons la zone euro, si la monnaie elle-même est en danger ? Et quelles sont les perspectives d'avenir du commerce de détail à l'heure où le secteur de la distribution migre sur Internet ?
On fait régulièrement valoir (au point que cela est devenu une croyance populaire) qu'une reconfiguration de portefeuille pas chère et facile, des stratégies technique de trading et des déplacements d'investisseurs d'un secteur à un autre, obligent les chefs d'entreprises à accorder trop d'attention aux résultats financiers immédiats. Et à mesure que les échanges s'accélèrent, les pressions augmentent. Mais même si les chefs d'entreprises et les conseils d'administration des sociétés cotées en bourse se concentrent trop sur leurs résultats trimestriels, et même si des périodes médianes de détention d'actions ont considérablement diminué durant ces dernières décennies, il est difficile de savoir si le marché boursier s'est accéléré d'une manière qui pousse les chefs d'entreprise à être encore plus attentifs à leurs résultats trimestriels.
Nous devons faire quelques distinctions très basiques, mais insuffisamment reconnues, sur les médianes. Une façon de mesurer la période moyenne de détention d'actions et son évolution au cours du dernier quart de siècle, consiste à additionner toutes les périodes de détention de tous les investisseurs à la fin de l'année et à diviser le total par la moyenne pondérée des actionnaires. Le résultat – la moyenne – est la durée moyenne de détention.
Nous pourrions aussi classer tous les détenteurs du plus petit au plus grand et vérifier comment la période de détention de celui du milieu a changé – la médiane. Souvent ces deux façons de mesurer une moyenne auront le même résultat et donneront la même dérivée. Mais quand elles diffèrent, la différence doit affecter notre réflexion sur le phénomène. Pour les marchés boursiers, la différence peut être importante.
Considérez quelque chose qui n'implique pas le commerce. Imaginez une banlieue de Seattle avec une population de 10 000 habitants et un revenu annuel moyen par habitant de 50 000 dollars en 1970. En 1980, la moyenne s'élève à 100 000 dollars. Quelle a été l'origine de cette augmentation spectaculaire ? Était-ce la qualité des études supérieures, un bon maintien de l'ordre, le développement des infrastructures, ou autre chose ? Les décisionnaires peuvent-ils étudier ailleurs ce que cette banlieue a réussi et l'imiter ?
Considérez maintenant que la richesse moyenne a doublé à Redmond, dans l'Etat de Washington, en raison de la réussite Bill Gates. En 1980, ses maigres recettes de 50 000 dollars de 1970 ont augmenté à environ 50 millions de dollars. Est-il pertinent de dire que le revenu moyen de Redmond a doublé dans la décennie, si le revenu est inchangé pour tous les autres habitants ? La médiane, inchangée au cours de la décennie, décrit mieux le revenu moyen de la banlieue. Le fait que la richesse moyenne de Redmond a augmenté dépend de votre perspective.
Pour des marchés boursiers, considérez cette possibilité : 100 actionnaires détiennent chacun 100 actions de la société XYZ pendant trois ans. Ils vendent leurs actions, après les avoir détenues pendant trois ans, à d'autres investisseurs, qui à leur tour détiennent leurs actions pendant trois ans, puis les revendent. La durée moyenne de détention pour chacun des actionnaires est de trois ans.
Ensuite, 90 actionnaires font ce qu'ils ont toujours fait : ils détiennent les leurs trois ans durant. Mais les 10 autres vendent leurs actions tous les quatre mois à un nouvel ensemble d'actionnaires. On pourrait être tenté de dire que la durée moyenne de détention des actions de la société XYZ était seulement de 20 mois, alors que dans le bon vieux temps elle était de 36 mois. En d'autres termes, la durée de détention a presque été réduite de moitié. Et si nous pensons que les chefs d'entreprises accordent plus d'attention que jamais à leurs résultats trimestriels, nous pouvons penser avoir trouvé le coupable.
Mais quelle est la meilleure façon d'interpréter le changement dans la durée de détention à des fins d'élaboration de mesures politiques ? Pour 90% des actionnaires, rien n'a changé et leur période de détention n'a pas raccourci.
Ce problème analytique est loin d'être spécifique aux politiques à court terme. Lorsqu'une distribution est biaisée et non symétrique autour d'une valeur médiane, la moyenne peut ne pas décrire correctement la population et son évolution au fil du temps. De nouvelles preuves suggèrent que cela pourrait bien être le cas pour le marché boursier.
Une équipe d'économistes financiers (Martijn Cremers, Ankur Pareek, et Zacharias Sautner) a récemment collecté des données relatives à une question connexe. Ils trouvent que les durées de détention des deux principaux actionnaires des Etats-Unis, Fidelity et Vanguard, n'ont pas bougé d'un poil depuis 1985. D'un point de vue plus général, la durée de détention par les fonds communs de placement et par les fonds de pension (le cœur de l'actionnariat américain) a augmenté au cours du quart de siècle de 1985 à 2010. En 1985, la durée de détention des actions aux Etats-Unis était de 1,2 année. En 2010, elle est passée à 1,5 année. Une poignée de traders rapides pourrait bien avoir considérablement réduit la durée moyenne de détention d'actions. Mais pour la majorité des actionnaires américains traditionnels, la durée n'a pas changé.
Ces résultats concordent mal avec l'argument typique selon lequel le court-termisme a augmenté au cours des dernières décennies. Peut-être que la base de l'actionnariat était trop axée sur le court terme il y a un quart de siècle – peut-être que la période de détention moyenne originale de 1,2 année était trop courte. Mais si les chefs d'entreprise américains sont devenus plus court-termistes lors du quart de siècle suivant, et encore plus préoccupés par les résultats financiers trimestriels, la raison ne semble pas être due à un raccourcissement de la période de détention par le cœur de l'actionnariat. Les médias, les décisionnaires du secteur privé et les législateurs ne semblent pas envisager correctement le problème, ni la manière de le mesurer.
Traduit de l'anglais par Stéphan Garnier.
CAMBRIDGE – Dans un commentaire récent, j'ai montré que l'augmentation de la pression sur un marché des actions plus rapide incitait les chefs d'entreprise à être encore plus préoccupés par leurs résultats trimestriels, ce qui les empêchait de gérer leurs entreprises à long terme. Mais j'ai remarqué aussi que les pressions des gouvernements et des changements technologiques rapides ont potentiellement tout autant d'influence que les marchés boursiers. Comment peut-on planifier avec soin à long terme, disons la zone euro, si la monnaie elle-même est en danger ? Et quelles sont les perspectives d'avenir du commerce de détail à l'heure où le secteur de la distribution migre sur Internet ?
On fait régulièrement valoir (au point que cela est devenu une croyance populaire) qu'une reconfiguration de portefeuille pas chère et facile, des stratégies technique de trading et des déplacements d'investisseurs d'un secteur à un autre, obligent les chefs d'entreprises à accorder trop d'attention aux résultats financiers immédiats. Et à mesure que les échanges s'accélèrent, les pressions augmentent. Mais même si les chefs d'entreprises et les conseils d'administration des sociétés cotées en bourse se concentrent trop sur leurs résultats trimestriels, et même si des périodes médianes de détention d'actions ont considérablement diminué durant ces dernières décennies, il est difficile de savoir si le marché boursier s'est accéléré d'une manière qui pousse les chefs d'entreprise à être encore plus attentifs à leurs résultats trimestriels.
Nous devons faire quelques distinctions très basiques, mais insuffisamment reconnues, sur les médianes. Une façon de mesurer la période moyenne de détention d'actions et son évolution au cours du dernier quart de siècle, consiste à additionner toutes les périodes de détention de tous les investisseurs à la fin de l'année et à diviser le total par la moyenne pondérée des actionnaires. Le résultat – la moyenne – est la durée moyenne de détention.
Nous pourrions aussi classer tous les détenteurs du plus petit au plus grand et vérifier comment la période de détention de celui du milieu a changé – la médiane. Souvent ces deux façons de mesurer une moyenne auront le même résultat et donneront la même dérivée. Mais quand elles diffèrent, la différence doit affecter notre réflexion sur le phénomène. Pour les marchés boursiers, la différence peut être importante.
Considérez quelque chose qui n'implique pas le commerce. Imaginez une banlieue de Seattle avec une population de 10 000 habitants et un revenu annuel moyen par habitant de 50 000 dollars en 1970. En 1980, la moyenne s'élève à 100 000 dollars. Quelle a été l'origine de cette augmentation spectaculaire ? Était-ce la qualité des études supérieures, un bon maintien de l'ordre, le développement des infrastructures, ou autre chose ? Les décisionnaires peuvent-ils étudier ailleurs ce que cette banlieue a réussi et l'imiter ?
Considérez maintenant que la richesse moyenne a doublé à Redmond, dans l'Etat de Washington, en raison de la réussite Bill Gates. En 1980, ses maigres recettes de 50 000 dollars de 1970 ont augmenté à environ 50 millions de dollars. Est-il pertinent de dire que le revenu moyen de Redmond a doublé dans la décennie, si le revenu est inchangé pour tous les autres habitants ? La médiane, inchangée au cours de la décennie, décrit mieux le revenu moyen de la banlieue. Le fait que la richesse moyenne de Redmond a augmenté dépend de votre perspective.
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Pour des marchés boursiers, considérez cette possibilité : 100 actionnaires détiennent chacun 100 actions de la société XYZ pendant trois ans. Ils vendent leurs actions, après les avoir détenues pendant trois ans, à d'autres investisseurs, qui à leur tour détiennent leurs actions pendant trois ans, puis les revendent. La durée moyenne de détention pour chacun des actionnaires est de trois ans.
Ensuite, 90 actionnaires font ce qu'ils ont toujours fait : ils détiennent les leurs trois ans durant. Mais les 10 autres vendent leurs actions tous les quatre mois à un nouvel ensemble d'actionnaires. On pourrait être tenté de dire que la durée moyenne de détention des actions de la société XYZ était seulement de 20 mois, alors que dans le bon vieux temps elle était de 36 mois. En d'autres termes, la durée de détention a presque été réduite de moitié. Et si nous pensons que les chefs d'entreprises accordent plus d'attention que jamais à leurs résultats trimestriels, nous pouvons penser avoir trouvé le coupable.
Mais quelle est la meilleure façon d'interpréter le changement dans la durée de détention à des fins d'élaboration de mesures politiques ? Pour 90% des actionnaires, rien n'a changé et leur période de détention n'a pas raccourci.
Ce problème analytique est loin d'être spécifique aux politiques à court terme. Lorsqu'une distribution est biaisée et non symétrique autour d'une valeur médiane, la moyenne peut ne pas décrire correctement la population et son évolution au fil du temps. De nouvelles preuves suggèrent que cela pourrait bien être le cas pour le marché boursier.
Une équipe d'économistes financiers (Martijn Cremers, Ankur Pareek, et Zacharias Sautner) a récemment collecté des données relatives à une question connexe. Ils trouvent que les durées de détention des deux principaux actionnaires des Etats-Unis, Fidelity et Vanguard, n'ont pas bougé d'un poil depuis 1985. D'un point de vue plus général, la durée de détention par les fonds communs de placement et par les fonds de pension (le cœur de l'actionnariat américain) a augmenté au cours du quart de siècle de 1985 à 2010. En 1985, la durée de détention des actions aux Etats-Unis était de 1,2 année. En 2010, elle est passée à 1,5 année. Une poignée de traders rapides pourrait bien avoir considérablement réduit la durée moyenne de détention d'actions. Mais pour la majorité des actionnaires américains traditionnels, la durée n'a pas changé.
Ces résultats concordent mal avec l'argument typique selon lequel le court-termisme a augmenté au cours des dernières décennies. Peut-être que la base de l'actionnariat était trop axée sur le court terme il y a un quart de siècle – peut-être que la période de détention moyenne originale de 1,2 année était trop courte. Mais si les chefs d'entreprise américains sont devenus plus court-termistes lors du quart de siècle suivant, et encore plus préoccupés par les résultats financiers trimestriels, la raison ne semble pas être due à un raccourcissement de la période de détention par le cœur de l'actionnariat. Les médias, les décisionnaires du secteur privé et les législateurs ne semblent pas envisager correctement le problème, ni la manière de le mesurer.
Traduit de l'anglais par Stéphan Garnier.