LONDRES – Les 17 et 18 juillet, les dirigeants de l'Union européenne se réuniront à Bruxelles pour tenter de parvenir à un accord sur le fonds de relance de 750 milliards d'euros (852 milliards de dollars) proposé par le bloc. Les États membres sont actuellement en désaccord sur plusieurs points, notamment la part des subventions et des prêts dans le montant total ainsi que les conditions, le cas échéant, qui devraient être attachées aux décaissements. Mais, une fois que les dirigeants auront conclu un accord, la question la plus importante sera de savoir comment les États membres devraient dépenser l'argent. La réponse est loin d'être évidente.
Les gouvernements ont deux objectifs potentiellement contradictoires. Premièrement, les économies européennes ont besoin d'une augmentation de la demande pour compenser les restrictions sur les formes de consommation « sociales » (restaurants, bars, salles de concert, etc.) et pour soutenir les dépenses des personnes dont les revenus ont baissé. Dans un récent document de travail, des chercheurs de l'Institut ifo de Munich ont utilisé des enquêtes auprès d'entreprises allemandes pour montrer que la COVID-19 a actuellement un impact déflationniste. Cela suggère que les contraintes sur la demande sont plus importantes que celles sur l'offre.
Deuxièmement, les pays européens doivent saisir plus pleinement les opportunités numériques et progresser plus rapidement vers la neutralité carbone au cours de la prochaine décennie. La Commission européenne a donc proposé que les États membres dépensent une part importante de l'argent du fonds de relance pour financer des investissements et des réformes qui encouragent la croissance à long terme tout en favorisant les transitions vertes et numériques.
Mais les investissements publics – sur des éléments tels que de nouvelles liaisons ferroviaires à grande vitesse, des bornes de recharge pour véhicules électriques ou des réseaux de fibre optique – ne contribueront guère à stimuler les dépenses au cours des prochaines années. De tels projets d'infrastructure ont besoin de temps pour passer par les comités de planification et leur construction prend de nombreuses années. A l’inverse, les chèques consommation ou programmes de primes à la casse augmenteraient rapidement la demande, mais ne feraient pas grand-chose pour accélérer la transition vers une économie numérique durable, même s'ils avaient une teinte verte.
Pourtant, il existe un moyen pour les décideurs politiques de soutenir la demande à court terme tout en accélérant simultanément la transition vers la neutralité carbone : une réforme fiscale verte audacieuse, combinée à une compensation généreuse via le système des taxes et avantages sociaux ainsi qu’un financement bon marché pour aider les entreprises et les ménages à s'adapter.
La justification économique d'un tel plan est simple et largement acceptée. En rendant les émissions nocives de gaz à effet de serre plus coûteuses, les taxes écologiques poussent les consommateurs et les entreprises à se détourner des activités polluantes et rentabilisent les économies d'énergie. De plus, une fiscalité verte prévoyant une trajectoire ascendante prédéterminée établit une référence crédible d’évolution future du coût de la pollution. Cela donne aux entreprises et aux ménages la clarté dont ils ont besoin pour investir dans les innovations et équipements économes en énergie.
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Le système d'échange de droits d'émission de carbone existant en Europe n'a pas fourni ce signal de prix. Le prix du carbone a été trop bas pendant trop longtemps pour induire des changements dans la consommation et trop volatile pour donner aux entreprises des indications crédibles sur le coût futur de la pollution.
Des correctifs récents ont rapproché le système d'une véritable taxe carbone, mais le prix des émissions de CO2 n'est encore que d'environ 20 € la tonne. Selon la Banque mondiale, cela devrait augmenter à environ 50 € par tonne aujourd'hui, et 70 € par tonne d'ici 2030, pour être compatible avec les objectifs de réduction des émissions prévus par l'accord sur le climat de Paris.
De plus, le système d'échange de droits d'émission ne couvre pas trois des secteurs les plus polluants d’Europe : la construction, les transports et l'agriculture. Ces trois secteurs, ainsi que le traitement des déchets et certaines autres activités, représentent 55% des émissions de gaz à effet de serre de l'UE. Ainsi, des réformes audacieuses de fiscalité verte au niveau national sont encore nécessaires.
En outre, les États membres de l'UE devraient réduire de manière permanente les impôts sur le travail et augmenter les avantages sociaux, dès maintenant. Cela donnerait à l'économie une impulsion immédiate à la demande et renforcerait les incitations à travailler.
Les décideurs devraient veiller à ce que les réductions d'impôts et les dépenses supplémentaires compensent largement l'introduction de taxes écologiques, qui elles aussi seraient amener à augmenter fortement au cours de la prochaine décennie. Dans l'intervalle, le financement de l'UE pourrait en partie compenser l'augmentation temporaire inévitable des déficits budgétaires résultant d'un tel mix de politiques.
Certes, les taxes écologiques peuvent être politiquement problématiques, car elles créent des perdants, notamment les travailleurs des industries polluantes et les personnes qui n'ont pas les moyens d'isoler leur maison ou d'acheter une voiture économe en carburant. Mais les nouveaux fonds européens peuvent aider à atténuer ces effets.
Au niveau régional, le nouveau Fonds de transition juste de l'UE qui vient d’être renforcé peut soutenir les économies locales où les secteurs polluants sont de gros employeurs. Les gouvernements devraient compléter cette aide par des programmes nationaux d'investissement pour rendre les taxes écologiques plus politiquement acceptables dans ces régions.
Mais il ne suffit pas de donner aux ménages et aux entreprises des signaux de prix clairs pour réduire leurs émissions. Ils ont également besoin de moyens pour s'adapter. L'UE devrait donc utiliser une partie de ses nouveaux fonds pour fournir des subventions généreuses et un financement bon marché pour les investissements verts. Les bénéficiaires devraient inclure les municipalités, qui sont souvent responsables des projets de transports publics. De tels investissements contribueraient non seulement à obtenir l'acceptation politique des réformes vertes, mais aussi à accroître l'efficacité des nouveaux signaux de prix en aidant les entreprises et les ménages à y réagir.
La crise de la COVID-19 détourne le monde de la menace persistante du changement climatique. Pourtant, il n’y a aucune fatalité à cela : le fonds de relance de l'UE offre aux gouvernements une occasion unique de déplacer la charge fiscale du travail vers la pollution. Ils devraient la saisir.
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At the end of a year of domestic and international upheaval, Project Syndicate commentators share their favorite books from the past 12 months. Covering a wide array of genres and disciplines, this year’s picks provide fresh perspectives on the defining challenges of our time and how to confront them.
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LONDRES – Les 17 et 18 juillet, les dirigeants de l'Union européenne se réuniront à Bruxelles pour tenter de parvenir à un accord sur le fonds de relance de 750 milliards d'euros (852 milliards de dollars) proposé par le bloc. Les États membres sont actuellement en désaccord sur plusieurs points, notamment la part des subventions et des prêts dans le montant total ainsi que les conditions, le cas échéant, qui devraient être attachées aux décaissements. Mais, une fois que les dirigeants auront conclu un accord, la question la plus importante sera de savoir comment les États membres devraient dépenser l'argent. La réponse est loin d'être évidente.
Les gouvernements ont deux objectifs potentiellement contradictoires. Premièrement, les économies européennes ont besoin d'une augmentation de la demande pour compenser les restrictions sur les formes de consommation « sociales » (restaurants, bars, salles de concert, etc.) et pour soutenir les dépenses des personnes dont les revenus ont baissé. Dans un récent document de travail, des chercheurs de l'Institut ifo de Munich ont utilisé des enquêtes auprès d'entreprises allemandes pour montrer que la COVID-19 a actuellement un impact déflationniste. Cela suggère que les contraintes sur la demande sont plus importantes que celles sur l'offre.
Deuxièmement, les pays européens doivent saisir plus pleinement les opportunités numériques et progresser plus rapidement vers la neutralité carbone au cours de la prochaine décennie. La Commission européenne a donc proposé que les États membres dépensent une part importante de l'argent du fonds de relance pour financer des investissements et des réformes qui encouragent la croissance à long terme tout en favorisant les transitions vertes et numériques.
Mais les investissements publics – sur des éléments tels que de nouvelles liaisons ferroviaires à grande vitesse, des bornes de recharge pour véhicules électriques ou des réseaux de fibre optique – ne contribueront guère à stimuler les dépenses au cours des prochaines années. De tels projets d'infrastructure ont besoin de temps pour passer par les comités de planification et leur construction prend de nombreuses années. A l’inverse, les chèques consommation ou programmes de primes à la casse augmenteraient rapidement la demande, mais ne feraient pas grand-chose pour accélérer la transition vers une économie numérique durable, même s'ils avaient une teinte verte.
Pourtant, il existe un moyen pour les décideurs politiques de soutenir la demande à court terme tout en accélérant simultanément la transition vers la neutralité carbone : une réforme fiscale verte audacieuse, combinée à une compensation généreuse via le système des taxes et avantages sociaux ainsi qu’un financement bon marché pour aider les entreprises et les ménages à s'adapter.
La justification économique d'un tel plan est simple et largement acceptée. En rendant les émissions nocives de gaz à effet de serre plus coûteuses, les taxes écologiques poussent les consommateurs et les entreprises à se détourner des activités polluantes et rentabilisent les économies d'énergie. De plus, une fiscalité verte prévoyant une trajectoire ascendante prédéterminée établit une référence crédible d’évolution future du coût de la pollution. Cela donne aux entreprises et aux ménages la clarté dont ils ont besoin pour investir dans les innovations et équipements économes en énergie.
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Le système d'échange de droits d'émission de carbone existant en Europe n'a pas fourni ce signal de prix. Le prix du carbone a été trop bas pendant trop longtemps pour induire des changements dans la consommation et trop volatile pour donner aux entreprises des indications crédibles sur le coût futur de la pollution.
Des correctifs récents ont rapproché le système d'une véritable taxe carbone, mais le prix des émissions de CO2 n'est encore que d'environ 20 € la tonne. Selon la Banque mondiale, cela devrait augmenter à environ 50 € par tonne aujourd'hui, et 70 € par tonne d'ici 2030, pour être compatible avec les objectifs de réduction des émissions prévus par l'accord sur le climat de Paris.
De plus, le système d'échange de droits d'émission ne couvre pas trois des secteurs les plus polluants d’Europe : la construction, les transports et l'agriculture. Ces trois secteurs, ainsi que le traitement des déchets et certaines autres activités, représentent 55% des émissions de gaz à effet de serre de l'UE. Ainsi, des réformes audacieuses de fiscalité verte au niveau national sont encore nécessaires.
En outre, les États membres de l'UE devraient réduire de manière permanente les impôts sur le travail et augmenter les avantages sociaux, dès maintenant. Cela donnerait à l'économie une impulsion immédiate à la demande et renforcerait les incitations à travailler.
Les décideurs devraient veiller à ce que les réductions d'impôts et les dépenses supplémentaires compensent largement l'introduction de taxes écologiques, qui elles aussi seraient amener à augmenter fortement au cours de la prochaine décennie. Dans l'intervalle, le financement de l'UE pourrait en partie compenser l'augmentation temporaire inévitable des déficits budgétaires résultant d'un tel mix de politiques.
Certes, les taxes écologiques peuvent être politiquement problématiques, car elles créent des perdants, notamment les travailleurs des industries polluantes et les personnes qui n'ont pas les moyens d'isoler leur maison ou d'acheter une voiture économe en carburant. Mais les nouveaux fonds européens peuvent aider à atténuer ces effets.
Au niveau régional, le nouveau Fonds de transition juste de l'UE qui vient d’être renforcé peut soutenir les économies locales où les secteurs polluants sont de gros employeurs. Les gouvernements devraient compléter cette aide par des programmes nationaux d'investissement pour rendre les taxes écologiques plus politiquement acceptables dans ces régions.
Mais il ne suffit pas de donner aux ménages et aux entreprises des signaux de prix clairs pour réduire leurs émissions. Ils ont également besoin de moyens pour s'adapter. L'UE devrait donc utiliser une partie de ses nouveaux fonds pour fournir des subventions généreuses et un financement bon marché pour les investissements verts. Les bénéficiaires devraient inclure les municipalités, qui sont souvent responsables des projets de transports publics. De tels investissements contribueraient non seulement à obtenir l'acceptation politique des réformes vertes, mais aussi à accroître l'efficacité des nouveaux signaux de prix en aidant les entreprises et les ménages à y réagir.
La crise de la COVID-19 détourne le monde de la menace persistante du changement climatique. Pourtant, il n’y a aucune fatalité à cela : le fonds de relance de l'UE offre aux gouvernements une occasion unique de déplacer la charge fiscale du travail vers la pollution. Ils devraient la saisir.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont