LONDRES – Au cours de ces dernières années, des températures dépassant tous les records et des événements météorologiques extrêmes ont fait apparaître les conséquences immenses des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le climat de la planète. Ainsi cinq des pires catastrophes naturelles de l’histoire des États-Unis se sont produites après 2005, causant des dégâts qui se montent, en corrigeant les chiffres de l’inflation, à 523 milliards de dollars. Et au cours de la seule année 2020, l’Amérique a souffert 22 catastrophes naturelles de grande ampleur.
Le problème que rencontrent les entrepreneurs et les investisseurs est de traduire les modèles du changement climatique en conséquences pratiques potentielles et d’évaluer les répercussions financières des accidents climatiques. L’engouement croissant pour les données issues des modèles a nourri des inquiétudes quant à leurs éventuelles utilisations abusives pour ce qui touche aux décisions financières et à la communication, ou qui pourraient favoriser des inexactitudes dans les comptes et le « greenwashing ». Ces risques posent un problème particulièrement aigu aux investissements à long terme dans les infrastructures publiques, dont le cycle de vie est souvent de plusieurs décennies.
Les acteurs des marchés financiers ont en matière d’information climatique des besoins variables tant pour ce qui concerne le niveau de détail des estimations (concernant tel actif ou telle classe d’actifs, telle région, tel secteur, etc.) qu’en fonction de l’horizon temporel. Mais il est difficile d’estimer les mesures prises ou à prendre pour limiter l’exposition aux risques induits par le changement climatique en l’absence de données spécifiques sur les performances passées des organisations concernées. Celles-ci peuvent comprendre les conséquences qu’ont eues sur les entreprises les événements précédents, par exemple les inondations, la durée et l’étendue géographique des accidents, leurs conséquences, et l’efficacité de la réaction-adaptation.
S’il n’existe pas de solution préétablie pour évaluer les coûts des risques liés au climat et les opportunités qui s’en dégagent, certains mécanismes doivent être priorisés. Ainsi la standardisation peut-elle contribuer à éviter l’impréparation au changement climatique en garantissant l’application cohérente d’ensembles de données et de taxinomies et en réduisant la dépendance aux résultats des modèles climatiques ou de leurs émanations. Des standards d’information et de communication, en fonction de la géographie, concernant les risques de crédit permettraient également de procéder à des estimations comparables des risques et des opportunités liées au changement climatique – ainsi que de leurs conséquences potentielles.
Une autre approche, qui consiste à améliorer l’analyse du risque climatique proprement dit, requiert qu’on puisse compléter les résultats produits par les modèles climatiques en y adjoignant des données spécifiques à l’entité concernée, pour ce qui concerne, notamment, les actifs et les informations financières. Une compréhension précise des actifs dont dispose une entité facilite grandement celle des possibles conséquences financières des effets physiques du changement climatique. Ce type d’analyse peut aussi faciliter le dialogue avec les équipes dirigeantes et permettre une meilleure connaissance de leur stratégie pour faire face aux risques climatiques aigus ou chroniques, de la façon dont elles les gèrent, les contrôlent et les atténuent.
Enfin, l’utilisation d’un certain nombre de scénarios climatiques permet aux dirigeants d’imaginer un éventail plus large de solutions possibles. Cela les aide à construire leur résilience organisationnelle et à identifier, avant qu’ils ne surviennent, les risques et les opportunités, ce qui rend les débats concernant les interventions nécessaires plus pertinents et productifs.
Si l’examen détaillé du risque climatique, le dialogue avec les entités et le jugement des experts peuvent tous améliorer l’analyse, la prochaine génération de modèles climatiques devra être plus élaborée, afin de mieux rendre compte des complexités du réchauffement climatique mondial. Les accidents climatiques ne surviennent pas isolément, et ne respectent pas plus les frontières sectorielles ou géographiques. L’évolution du changement climatique peut en outre donner naissance à des interdépendances et à des interactions nouvelles et complexes, que les données actuelles, étant donné le compartimentage des modèles existants, ne permettent pas de résoudre.
Les modèles de non-équilibre, qui font l’hypothèse de relations plus complexes entre les variables climatiques, peuvent constituer une solution de substitution viable. De même, les modèles d’évaluation intégrée (MEI) offrent la possibilité de regrouper un certain nombre d’autres modèles afin de comprendre les chaînes de conséquences qui relient les systèmes climatiques, environnemental et socio-économique. Les MEI peuvent aussi évaluer les effets des efforts d’atténuation des GES et des actions d’adaptation sur le système climatique pour, ensuite, mesurer l’efficacité des stratégies associées.
Mais les modèles de non-équilibre et les MEI ne sont pas la panacée. Les MEI ne peuvent, par exemple, mesurer les ravages économiques causés par certains événements, comme les fortes tempêtes, ni calculer les coûts associés de l’adaptation.
Par ailleurs, ces modèles sont généralement définis selon l’évolution de la température moyenne mondiale, ce qui limite leur portée lors d’événements extrêmes comme les tempêtes ou les crues soudaines, qui sont un important motif d’inquiétude pour de nombreux acteurs des marchés financiers, notamment les assureurs. On peut ajouter que les MEI sont par nature complexes, qu’ils produisent des résultats en nombre et qu’ils sont chers à mettre en œuvre, ce qui signifie qu’une part non négligeable des problèmes auxquels est confrontée l’actuelle génération des modèles climatiques se poseront également à la prochaine génération.
Nous ne disposons pas actuellement d’une solution qui soit parfaitement satisfaisante pour évaluer les effets financiers du changement climatique physique, mais cela ne doit pas servir d’excuse à l’inaction. Une meilleure détermination des risques climatiques peut fournir une idée plus claire des dangers – ou des coûts – du réchauffement mondial pour les entreprises. Celles-ci évalueront d’autant mieux le risque climatique que le développement technologique sera rapide, mais de bonnes capacités d’analyses sont plus que jamais nécessaires pour interpréter les résultats fournis par les modèles et informer correctement la prise de décision. Dans un domaine qui évolue aussi rapidement que l’examen des risques climatiques, le passé ne peut fournir de l’avenir qu’une perspective étroite et de court terme.
Une approche raisonnée permettra aussi d’éviter que les acteurs des marchés financiers ne dévoient ou ne détournent les résultats obtenus par les modèles climatiques. Et il apparaît de plus en plus nécessaire que ces acteurs rendent public leur degré d’exposition aux risques climatiques. Entreprises et investisseurs pourront alors se préparer mieux à un large spectre de conséquences.
Traduit de l’anglais par François Boisivon
LONDRES – Au cours de ces dernières années, des températures dépassant tous les records et des événements météorologiques extrêmes ont fait apparaître les conséquences immenses des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le climat de la planète. Ainsi cinq des pires catastrophes naturelles de l’histoire des États-Unis se sont produites après 2005, causant des dégâts qui se montent, en corrigeant les chiffres de l’inflation, à 523 milliards de dollars. Et au cours de la seule année 2020, l’Amérique a souffert 22 catastrophes naturelles de grande ampleur.
Le problème que rencontrent les entrepreneurs et les investisseurs est de traduire les modèles du changement climatique en conséquences pratiques potentielles et d’évaluer les répercussions financières des accidents climatiques. L’engouement croissant pour les données issues des modèles a nourri des inquiétudes quant à leurs éventuelles utilisations abusives pour ce qui touche aux décisions financières et à la communication, ou qui pourraient favoriser des inexactitudes dans les comptes et le « greenwashing ». Ces risques posent un problème particulièrement aigu aux investissements à long terme dans les infrastructures publiques, dont le cycle de vie est souvent de plusieurs décennies.
Les acteurs des marchés financiers ont en matière d’information climatique des besoins variables tant pour ce qui concerne le niveau de détail des estimations (concernant tel actif ou telle classe d’actifs, telle région, tel secteur, etc.) qu’en fonction de l’horizon temporel. Mais il est difficile d’estimer les mesures prises ou à prendre pour limiter l’exposition aux risques induits par le changement climatique en l’absence de données spécifiques sur les performances passées des organisations concernées. Celles-ci peuvent comprendre les conséquences qu’ont eues sur les entreprises les événements précédents, par exemple les inondations, la durée et l’étendue géographique des accidents, leurs conséquences, et l’efficacité de la réaction-adaptation.
S’il n’existe pas de solution préétablie pour évaluer les coûts des risques liés au climat et les opportunités qui s’en dégagent, certains mécanismes doivent être priorisés. Ainsi la standardisation peut-elle contribuer à éviter l’impréparation au changement climatique en garantissant l’application cohérente d’ensembles de données et de taxinomies et en réduisant la dépendance aux résultats des modèles climatiques ou de leurs émanations. Des standards d’information et de communication, en fonction de la géographie, concernant les risques de crédit permettraient également de procéder à des estimations comparables des risques et des opportunités liées au changement climatique – ainsi que de leurs conséquences potentielles.
Une autre approche, qui consiste à améliorer l’analyse du risque climatique proprement dit, requiert qu’on puisse compléter les résultats produits par les modèles climatiques en y adjoignant des données spécifiques à l’entité concernée, pour ce qui concerne, notamment, les actifs et les informations financières. Une compréhension précise des actifs dont dispose une entité facilite grandement celle des possibles conséquences financières des effets physiques du changement climatique. Ce type d’analyse peut aussi faciliter le dialogue avec les équipes dirigeantes et permettre une meilleure connaissance de leur stratégie pour faire face aux risques climatiques aigus ou chroniques, de la façon dont elles les gèrent, les contrôlent et les atténuent.
Enfin, l’utilisation d’un certain nombre de scénarios climatiques permet aux dirigeants d’imaginer un éventail plus large de solutions possibles. Cela les aide à construire leur résilience organisationnelle et à identifier, avant qu’ils ne surviennent, les risques et les opportunités, ce qui rend les débats concernant les interventions nécessaires plus pertinents et productifs.
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Si l’examen détaillé du risque climatique, le dialogue avec les entités et le jugement des experts peuvent tous améliorer l’analyse, la prochaine génération de modèles climatiques devra être plus élaborée, afin de mieux rendre compte des complexités du réchauffement climatique mondial. Les accidents climatiques ne surviennent pas isolément, et ne respectent pas plus les frontières sectorielles ou géographiques. L’évolution du changement climatique peut en outre donner naissance à des interdépendances et à des interactions nouvelles et complexes, que les données actuelles, étant donné le compartimentage des modèles existants, ne permettent pas de résoudre.
Les modèles de non-équilibre, qui font l’hypothèse de relations plus complexes entre les variables climatiques, peuvent constituer une solution de substitution viable. De même, les modèles d’évaluation intégrée (MEI) offrent la possibilité de regrouper un certain nombre d’autres modèles afin de comprendre les chaînes de conséquences qui relient les systèmes climatiques, environnemental et socio-économique. Les MEI peuvent aussi évaluer les effets des efforts d’atténuation des GES et des actions d’adaptation sur le système climatique pour, ensuite, mesurer l’efficacité des stratégies associées.
Mais les modèles de non-équilibre et les MEI ne sont pas la panacée. Les MEI ne peuvent, par exemple, mesurer les ravages économiques causés par certains événements, comme les fortes tempêtes, ni calculer les coûts associés de l’adaptation.
Par ailleurs, ces modèles sont généralement définis selon l’évolution de la température moyenne mondiale, ce qui limite leur portée lors d’événements extrêmes comme les tempêtes ou les crues soudaines, qui sont un important motif d’inquiétude pour de nombreux acteurs des marchés financiers, notamment les assureurs. On peut ajouter que les MEI sont par nature complexes, qu’ils produisent des résultats en nombre et qu’ils sont chers à mettre en œuvre, ce qui signifie qu’une part non négligeable des problèmes auxquels est confrontée l’actuelle génération des modèles climatiques se poseront également à la prochaine génération.
Nous ne disposons pas actuellement d’une solution qui soit parfaitement satisfaisante pour évaluer les effets financiers du changement climatique physique, mais cela ne doit pas servir d’excuse à l’inaction. Une meilleure détermination des risques climatiques peut fournir une idée plus claire des dangers – ou des coûts – du réchauffement mondial pour les entreprises. Celles-ci évalueront d’autant mieux le risque climatique que le développement technologique sera rapide, mais de bonnes capacités d’analyses sont plus que jamais nécessaires pour interpréter les résultats fournis par les modèles et informer correctement la prise de décision. Dans un domaine qui évolue aussi rapidement que l’examen des risques climatiques, le passé ne peut fournir de l’avenir qu’une perspective étroite et de court terme.
Une approche raisonnée permettra aussi d’éviter que les acteurs des marchés financiers ne dévoient ou ne détournent les résultats obtenus par les modèles climatiques. Et il apparaît de plus en plus nécessaire que ces acteurs rendent public leur degré d’exposition aux risques climatiques. Entreprises et investisseurs pourront alors se préparer mieux à un large spectre de conséquences.
Traduit de l’anglais par François Boisivon