Jusqu’où les dirigeants mondiaux sont-ils prêts à aller pour trouver des solutions au changement climatique ?

ABIDJAN – Que faut-il pour provoquer une réaction mondiale à une menace mondiale ? La crise financière de 2008 et les menaces d’insurrection et de terrorisme que nous connaissons en 2014 sont considérées comme « des dangers évidents et actuels », non par une personne isolée mais par tout un chacun ; et elles ont provoqué une réaction à l’échelle mondiale.

Pendant ce temps, le changement climatique et les effets dévastateurs des émissions de carbone constituent des menaces plus graves et à plus long terme. Et pourtant, depuis 30 ans, ils ne suscitent qu’une faible réaction mondiale. Le Secrétaire général des Nations Unies a convié les dirigeants du monde entier à participer au premier sommet des dirigeants mondiaux qui se tiendra à New York la semaine prochaine.  L’objectif de la rencontre étant de prendre des mesures pour lutter contre un phénomène planétaire qui nécessite  leur intervention collective.

Le monde se perd en arguties politiques sur le changement climatique depuis assez longtemps. Les impératifs électoraux ou économiques immédiats ne changeront jamais rien au fait que le réchauffement climatique aura des conséquences aussi néfastes pour les pays riches qu’il en a déjà pour les pays pauvres. Il est flagrant que le monde n’a pas donné une suite satisfaisante au Protocole de Kyoto de 2005 : il émet actuellement davantage de gaz à effet de serre que jamais au cours de l’Histoire. Nous discutons de la nécessité de maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 2 degrés Celsius ; mais le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat nous a fait savoir l’année dernière que nous étions en route pour une augmentation des températures moyennes, entre 3,7 °C et 4,8 °C d’ici à la fin du siècle.

Nulle région du monde ne sera épargnée par les conséquences des émissions de CO2. D’après l’Organisation météorologique mondiale, depuis 1970 environ 4 000 catastrophes liées à la météo, au climat et à l’eau ont été enregistrées dans le monde entier, faisant 2 millions de morts et coûtant 2 400 milliards de dollars des États-Unis. Le tiers de ces catastrophes se sont produites en Afrique, où elles ont fait 700 000 morts et provoqué des dommages économiques pour un montant avoisinant les 27 milliards de dollars. Rien qu’en 2012, l’Afrique a connu 99 phénomènes climatiques extrêmes, soit deux fois plus que la moyenne à long terme. En 2050, le changement climatique exposera 20 % d’Africains supplémentaires à un risque de famine.

Le coût du changement climatique est donc élevé, tout comme le coût de l’adaptation nécessaire pour y faire face : 45 à 50 milliards de dollars par an d’ici  2040, et 350 milliards de dollars par an d’ici  2070. Si l’Afrique ne parvient pas à trouver de telles sommes, les dommages totaux pourraient atteindre 7 % du produit intérieur brut du continent d’ici la fin du siècle.

Nous devrons adopter à tout le moins quatre décisions la semaine prochaine à New York.

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Tout d’abord, un engagement mondial à réduire les émissions de gaz à effet de serre, grâce à des politiques et à une réglementation fiscales et économiques intelligentes et efficaces. Celles-ci comprennent entre autres la tarification du carbone, la baisse des subventions aux combustibles fossiles, ainsi que des incitations et  des normes de performance  bonnes à la fois pour le climat et pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Cette exigence concerne pleinement l’Afrique, où certains pays sont malheureusement bien partis pour devenir de très gros émetteurs de carbone alors que, grâce à l’abondance de leurs ressources naturelles, ils peuvent parfaitement se développer de manière durable et avec une faible empreinte carbone.

Deuxièmement, un engagement mondial à convenir, d’une part, d’un mécanisme pour obtenir et apporter une aide financière suffisante et prévisible, et d’autre part, du transfert rapide de la technologie vers les pays en développement, tout particulièrement ceux situés en Afrique. Les niveaux de financement actuels ne suffiront pas. J’ai fait partie du Groupe consultatif de haut niveau des Nations Unies sur le financement de la lutte contre les changements climatiques qui a conclu en 2010 que nous pourrions mobiliser 100 milliards de dollars par an et convenir d’une pénalité par tonne de CO2 émise, si nous en avions la volonté politique. À ce jour, il semble bien que nous ne l’ayons pas.

Troisièmement, un engagement mondial à faire tomber tous les obstacles qui s’opposent à la signature d’un accord juridiquement contraignant en 2015, accord qui doit ensuite être traduit en actes. La détermination d’une pénalité pour le non-respect de cet accord enverra un signal clair quant à notre engagement collectif. Le monde ne peut plus attendre un nouveau Protocole de Kyoto ; et lorsqu’il en aura adopté un, il ne pourra se permettre de l’ignorer. L’avenir de notre environnement est inextricablement lié à l’avenir de notre économie et à notre avenir en tant qu’êtres humains.

Quatrièmement, j’encourage les dirigeants africains à s’engager tout particulièrement à créer un climat approprié pour attirer le soutien du secteur privé à un développement plus vert. Les investisseurs privés les plus clairvoyants sont à la recherche de tout investissement écologique qui offre un rendement raisonnable sur le continent. De bonnes politiques environnementales appliquées de manière cohérente, des feuilles de route nationales « pour une croissance verte », des instruments financiers innovateurs pour minimiser les risques, des coûts de transaction réduits et un dialogue public-privé : voilà le ciment grâce auquel les investissements verts se mettront en place.

La semaine prochaine, les dirigeants mondiaux devront prendre conscience du gigantesque défi face auquel ils se trouveront. Nous ne pouvons en effet nous permettre d’attendre davantage.

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