MUNICH – La lutte contre le COVID-19 est une guerre totale. La Chine semble avoir remporté la première bataille. Hong Kong, Taïwan, Singapour et le Japon enregistrent également des réussites visibles dans l’atténuation de l’épidémie, sans doute forts de leur expérience face à l’épidémie de SRAS en 2003. De leur côté, l’Europe et les États-Unis commencent tout juste à oublier leurs illusions d’invulnérabilité. Résultat, l’épidémie fait actuellement rage en Occident.
Le pays occidental le plus durement frappé est à ce jour l’Italie, qui entretient des liens économiques particulièrement étroits avec la Chine. Le nord de l’Italie est aujourd’hui la nouvelle Wuhan (mégapole chinoise d’apparition du virus). Son système de santé surchargé, le gouvernement italien a freiné des quatre fers, suspendant l’économie de la vente au détail, et plaçant l’ensemble du territoire en quarantaine. Tous les points de vente, à l’exception des pharmacies et des magasins d’alimentation, sont fermés. Les citoyens sont dans l’obligation de rester chez eux, et ne peuvent se rendre dans des lieux publics que pour faire leurs courses et se rendre au travail. De nombreuses obligations de dette privée (de type loyers et versements d’intérêts) ont été suspendues. L’Italie entend ainsi ralentir l’horloge économique jusqu’à ce que le virus soit vaincu.
Dans le même temps, bien que l’Allemagne enregistre pour l’heure relativement peu de décès liés au coronavirus, le nombre d’infections sur son sol explose plus rapidement que partout ailleurs. En réponse à la crise, le gouvernement allemand a mis en place une indemnité de travail de courte durée, ainsi que de généreuses mesures d’aide au crédit, de garantie, ou de report de charges pour les entreprises. Les événements publics sont annulés dans tout le pays. Il est demandé aux écoliers de rester chez eux. L’Autriche a pour sa part fermé depuis déjà un certain temps ses frontières avec l’Italie. Les écoles, universités et la plupart des points de vente sont également fermés. La France a dans un premier temps appliqué une approche plus souple, mais a désormais fermé ses écoles, restaurants et magasins, à l’instar de l’Espagne. Le Danemark, la Pologne et la République tchèque ont par ailleurs fermé leurs frontières avec l’Allemagne.
Le président américain Donald Trump a quant à lui déclaré l’état d’urgence national. Le Congrès a approuvé un programme d’urgence de 8,3 milliards $ pour financer les efforts de lutte contre l’épidémie. Des montants encore plus conséquents sont en cours d’approbation par le Sénat. Le gouvernement fédéral a également fermé l’accès au pays pour les voyageurs étrangers, dans un premier temps en provenance de Chine et d’Iran, puis en provenance d’Europe.
À travers le monde, toutes les réponses à la crise n’ont pas été correctement ciblées. D’autres n’ont pas été suffisamment fortes. Plus inquiétant encore, certains gouvernements sont persuadés de pouvoir se permettre de simplement ralentir la propagation du virus, plutôt que de prendre les mesures nécessaires pour véritablement stopper cette propagation. Le surpeuplement prévisible dans les hôpitaux de nombreuses régions durement frappées révèle d’ores et déjà toute l’inconscience associée cette légèreté.
Sur le plan économique, une grave récession devient désormais inévitable, certains économistes appelant déjà les États à mettre en place des mesures de dynamisation de la demande globale. Ces recommandations apparaissent toutefois inadaptées, dans la mesure où l’économie mondiale souffre d’un choc d’offre sans précédent. Malades ou en quarantaine, les individus ne peuvent plus travailler. Dans une telle situation, relancer la demande n’aboutira qu’à faire augmenter l’inflation, avec un possible risque de stagflation (croissance faible ou décroissance du PIB, accompagnée par une hausse des prix), comme ce fut le cas lors de la crise pétrolière des années 1970, caractérisée par l’offre insuffisante d’un autre facteur de production important.
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Pire encore, les mesures axées sur la demande pourraient se révéler contreproductives, puisqu’en encouragent les interactions personnelles, elles mettraient à mal l’effort de limitation de la transmission du virus. Quel intérêt y aurait-il à faire en sorte que les Italiens aient davantage d’argent pour faire leurs courses, alors même que le gouvernement ferme les magasins et impose à chacun de rester confiné ?
Les mêmes arguments s’appliquent au soutien à la liquidité. Le monde est d’ores et déjà submergé de liquidité, les taux d’intérêt nominaux étant proches de zéro voire négatifs quasiment partout. De nouvelles baisses de taux d’intérêt jusqu’en zone rouge vive pourraient certes aider les marchés boursiers, mais d’un autre côté entraîner une ruée vers le cash.
Le déclin brutal des activités économiques, que les épidémiologistes considèrent comme nécessaire, rend inévitable l’effondrement des marchés boursiers, dans la mesure où la politique des banques centrales, en direction de l’argent bon marché et de l’apurement des dettes, a créé une bulle insoutenable. Ayant épuisé leurs munitions au mauvais moment, les banques centrales portent la responsabilité de cette bulle qui désormais éclate.
La véritable nécessité réside dans des mesures budgétaires destinées à sauver les entreprises et la banques de la faillite, afin qu’elles puissent se rétablir rapidement une fois la pandémie terminée. Il incombe au dirigeant d’envisager diverses formes d’allègement fiscal et de garanties publiques, pour aider les entreprises à emprunter si nécessaire. Mais l’option la plus prometteuse réside dans l’indemnité de travail de courte durée. D’ores et déjà testée en Allemagne, cette approche permet de compenser le sous-emploi de la main-d’œuvre via les mêmes canaux que ceux utilisés pour l’assurance chômage. Mieux encore, elle ne coute presque rien, puisqu’elle prévient les pertes qui découleraient d’une augmentation du chômage réel. Tous les États devraient appliquer cette mesure politique d’inspiration allemande pour empêcher les pertes d’emploi.
Mais plus important encore, tous les gouvernements doivent suivre l’exemple de la Chine, en prenant des mesures directes de lutte contre le COVID-19. Personne sur le champ de bataille ne doit être limité par un manque de fonds. Les unités hospitalières de soins intensifs doivent être développées, des hôpitaux temporaires être mis en place, les respirateurs, équipements de protection et masques être produits en masse, et mis à disposition de tous ceux qui en ont besoin. Au-delà, les autorités de santé publique doivent disposer des ressources et des fonds nécessaires à la désinfection des installations et des espaces publics. L’hygiène constitue le mot d’ordre. Les dépistages à grande échelle sont également particulièrement cruciaux. L’identification de chaque cas peut permettre de sauver de nombreuses vies. La capitulation face à la pandémie n’est tout simplement pas une option.
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Since Plato’s Republic 2,300 years ago, philosophers have understood the process by which demagogues come to power in free and fair elections, only to overthrow democracy and establish tyrannical rule. The process is straightforward, and we have now just watched it play out.
observes that philosophers since Plato have understood how tyrants come to power in free elections.
Despite being a criminal, a charlatan, and an aspiring dictator, Donald Trump has won not only the Electoral College, but also the popular vote – a feat he did not achieve in 2016 or 2020. A nihilistic voter base, profit-hungry business leaders, and craven Republican politicians are to blame.
points the finger at a nihilistic voter base, profit-hungry business leaders, and craven Republican politicians.
MUNICH – La lutte contre le COVID-19 est une guerre totale. La Chine semble avoir remporté la première bataille. Hong Kong, Taïwan, Singapour et le Japon enregistrent également des réussites visibles dans l’atténuation de l’épidémie, sans doute forts de leur expérience face à l’épidémie de SRAS en 2003. De leur côté, l’Europe et les États-Unis commencent tout juste à oublier leurs illusions d’invulnérabilité. Résultat, l’épidémie fait actuellement rage en Occident.
Le pays occidental le plus durement frappé est à ce jour l’Italie, qui entretient des liens économiques particulièrement étroits avec la Chine. Le nord de l’Italie est aujourd’hui la nouvelle Wuhan (mégapole chinoise d’apparition du virus). Son système de santé surchargé, le gouvernement italien a freiné des quatre fers, suspendant l’économie de la vente au détail, et plaçant l’ensemble du territoire en quarantaine. Tous les points de vente, à l’exception des pharmacies et des magasins d’alimentation, sont fermés. Les citoyens sont dans l’obligation de rester chez eux, et ne peuvent se rendre dans des lieux publics que pour faire leurs courses et se rendre au travail. De nombreuses obligations de dette privée (de type loyers et versements d’intérêts) ont été suspendues. L’Italie entend ainsi ralentir l’horloge économique jusqu’à ce que le virus soit vaincu.
Dans le même temps, bien que l’Allemagne enregistre pour l’heure relativement peu de décès liés au coronavirus, le nombre d’infections sur son sol explose plus rapidement que partout ailleurs. En réponse à la crise, le gouvernement allemand a mis en place une indemnité de travail de courte durée, ainsi que de généreuses mesures d’aide au crédit, de garantie, ou de report de charges pour les entreprises. Les événements publics sont annulés dans tout le pays. Il est demandé aux écoliers de rester chez eux. L’Autriche a pour sa part fermé depuis déjà un certain temps ses frontières avec l’Italie. Les écoles, universités et la plupart des points de vente sont également fermés. La France a dans un premier temps appliqué une approche plus souple, mais a désormais fermé ses écoles, restaurants et magasins, à l’instar de l’Espagne. Le Danemark, la Pologne et la République tchèque ont par ailleurs fermé leurs frontières avec l’Allemagne.
Le président américain Donald Trump a quant à lui déclaré l’état d’urgence national. Le Congrès a approuvé un programme d’urgence de 8,3 milliards $ pour financer les efforts de lutte contre l’épidémie. Des montants encore plus conséquents sont en cours d’approbation par le Sénat. Le gouvernement fédéral a également fermé l’accès au pays pour les voyageurs étrangers, dans un premier temps en provenance de Chine et d’Iran, puis en provenance d’Europe.
À travers le monde, toutes les réponses à la crise n’ont pas été correctement ciblées. D’autres n’ont pas été suffisamment fortes. Plus inquiétant encore, certains gouvernements sont persuadés de pouvoir se permettre de simplement ralentir la propagation du virus, plutôt que de prendre les mesures nécessaires pour véritablement stopper cette propagation. Le surpeuplement prévisible dans les hôpitaux de nombreuses régions durement frappées révèle d’ores et déjà toute l’inconscience associée cette légèreté.
Sur le plan économique, une grave récession devient désormais inévitable, certains économistes appelant déjà les États à mettre en place des mesures de dynamisation de la demande globale. Ces recommandations apparaissent toutefois inadaptées, dans la mesure où l’économie mondiale souffre d’un choc d’offre sans précédent. Malades ou en quarantaine, les individus ne peuvent plus travailler. Dans une telle situation, relancer la demande n’aboutira qu’à faire augmenter l’inflation, avec un possible risque de stagflation (croissance faible ou décroissance du PIB, accompagnée par une hausse des prix), comme ce fut le cas lors de la crise pétrolière des années 1970, caractérisée par l’offre insuffisante d’un autre facteur de production important.
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Les mêmes arguments s’appliquent au soutien à la liquidité. Le monde est d’ores et déjà submergé de liquidité, les taux d’intérêt nominaux étant proches de zéro voire négatifs quasiment partout. De nouvelles baisses de taux d’intérêt jusqu’en zone rouge vive pourraient certes aider les marchés boursiers, mais d’un autre côté entraîner une ruée vers le cash.
Le déclin brutal des activités économiques, que les épidémiologistes considèrent comme nécessaire, rend inévitable l’effondrement des marchés boursiers, dans la mesure où la politique des banques centrales, en direction de l’argent bon marché et de l’apurement des dettes, a créé une bulle insoutenable. Ayant épuisé leurs munitions au mauvais moment, les banques centrales portent la responsabilité de cette bulle qui désormais éclate.
La véritable nécessité réside dans des mesures budgétaires destinées à sauver les entreprises et la banques de la faillite, afin qu’elles puissent se rétablir rapidement une fois la pandémie terminée. Il incombe au dirigeant d’envisager diverses formes d’allègement fiscal et de garanties publiques, pour aider les entreprises à emprunter si nécessaire. Mais l’option la plus prometteuse réside dans l’indemnité de travail de courte durée. D’ores et déjà testée en Allemagne, cette approche permet de compenser le sous-emploi de la main-d’œuvre via les mêmes canaux que ceux utilisés pour l’assurance chômage. Mieux encore, elle ne coute presque rien, puisqu’elle prévient les pertes qui découleraient d’une augmentation du chômage réel. Tous les États devraient appliquer cette mesure politique d’inspiration allemande pour empêcher les pertes d’emploi.
Mais plus important encore, tous les gouvernements doivent suivre l’exemple de la Chine, en prenant des mesures directes de lutte contre le COVID-19. Personne sur le champ de bataille ne doit être limité par un manque de fonds. Les unités hospitalières de soins intensifs doivent être développées, des hôpitaux temporaires être mis en place, les respirateurs, équipements de protection et masques être produits en masse, et mis à disposition de tous ceux qui en ont besoin. Au-delà, les autorités de santé publique doivent disposer des ressources et des fonds nécessaires à la désinfection des installations et des espaces publics. L’hygiène constitue le mot d’ordre. Les dépistages à grande échelle sont également particulièrement cruciaux. L’identification de chaque cas peut permettre de sauver de nombreuses vies. La capitulation face à la pandémie n’est tout simplement pas une option.
Traduit de l’anglais par Martin Morel