GENÈVE – La dernière édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique (GBO-5), publiées par la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB), est d’une lecture peu réjouissante. Comme le note le rapport, la biodiversité est essentielle à la lutte contre le changement climatique, à la sécurité alimentaire de long terme et à la prévention des pandémies. Le monde n’atteint pourtant aucune des cibles établies pour la protéger. Pour que cela change, les entreprises doivent entrer dans la partie.
Des industries de l’énergie à l’agriculture industrielle, un certain nombre des succès financiers du secteur privé se sont construits aux dépens de l’environnement. Et tandis que la destruction de ce dernier progresse, les catastrophes naturelles surviennent de plus en plus souvent – et sont de plus en plus dévastatrices. Cette situation fait courir aux entreprises, à leurs employés, à leurs chaînes d’approvisionnement et à leurs bénéfices des risques matériels et existentiels de plus en plus élevés.
Pour ne considérer que cette année, la pandémie de Covid-19 – qui s’est déjà soldée par plus d’un million de morts – a bouleversé les chaînes d’approvisionnement, fait chuter la demande mondiale et plongé l’économie mondiale dans la récession. Dans le même temps, les entreprises ont été confrontées aux États-Unis à d’immenses feux de forêts et à un déferlement de pannes d’électricité au beau milieu de vagues de chaleur intenses ; la plus vaste zone humide de la planète, le Pantanal, au Brésil, est elle aussi en feu ; la Chine et l’Afrique ont été frappées par de graves inondations. Il est évidemment dans l’intérêt des entreprises qu’elles évitent la multiplication et l’aggravation de ces catastrophes.
Il n’est donc pas surprenant qu’un nombre croissant d’entreprises prennent des mesures pour protéger et reconstituer les ressources naturelles dont elles dépendent. Au moins 530 sociétés se sont engagées dans des actions de réversion écologique, et 1 200 au moins adoptent déjà une démarche de conservation des forêts ou de conversion à des pratiques agricoles régénératrices.
Ces approches sont celles, par exemple, du géant brésilien des cosmétiques Natura, qui affirme vouloir parvenir à annuler ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) et s’engage à court terme pour une déforestation nulle en Amazonie. Danone, l’entreprise multinationale européenne de produits alimentaires, est devenue la première entreprise cotée à adopter le cadre juridique de l’entreprise à mission, introduite par la loi française [Pacte de 2019], et qui s’est donc dotée d’une « raison d’être », ainsi que d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux associés, inscrits dans ses statuts.
At a time when democracy is under threat, there is an urgent need for incisive, informed analysis of the issues and questions driving the news – just what PS has always provided. Subscribe now and save $50 on a new subscription.
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En outre l’entreprise de traitement des eaux SUEZ a remporté un contrat pour la gestion des eaux du parc industriel chimique de Shanghai, le plus important de ce type en Asie, qui comprend la réhabilitation et l’extension d’une zone de rejet végétalisée. Dénommée Libellule, cette zone humide utilise les capacités de traitement des eaux dans l’environnement naturel, contribuant ainsi à rétablir la biodiversité et à améliorer la qualité des eaux rejetées.
Aussi prometteurs que soient ces projets, quelque chose y manque : un cadre qui garantirait que les mesures prises soient suffisantes pour protéger et réhabiliter la nature, et qui relierait entre elles ces initiatives afin de leur donner un maximum d’impact. C’est ce que vise à fournir de réseau Science Based Target (SBTN).
S’appuyant sur le travail réalisé en amont par l’initiative Science Based Target, qui s’est assuré la coopération de plus d’un millier d’entreprises pour définir scientifiquement des cibles de réduction d’émission, le SBTN fournit des conseils pour la mise en place des cibles aux entreprises soucieuses de protéger la nature. Les conseils émanent de scientifiques, mais aussi de représentants de groupes de sauvegarde de l’environnement, d’entreprises et de consultants. Ils se déclinent en cinq étapes permettant la protection et la réhabilitation des communs mondiaux – le sol, l’eau douce, les océans, la biodiversité et le climat, dont nous avons tous besoin pour survivre – tout en maintenant la compétitivité.
Les entreprises doivent tout d’abord produire, à partir des données dont elles disposent, une estimation fondée des effets de l’ensemble de leur chaîne de valeur sur la nature et de leurs dépendances à la nature, puis établir une liste des problèmes potentiels et de leurs localisations, afin de définir les cibles.
Dans un deuxième temps, les entreprises doivent fixer des priorités. Sont à prendre en considération, par exemple, les écosystèmes les plus précieux – les zones où les habitants ont le plus besoin de la nature pour se maintenir en vie et garantir leur subsistance – mais aussi les zones où les activités de la chaîne d’approvisionnement ont le plus d’impact.
Lorsque l’entreprise a ciblé les problèmes clés et localisé ses actions, elle doit rassembler les données initiales concernant les zones envisagées et les utiliser pour définir des objectifs – qui doivent être rendus publics – prenant en compte les limites de la planète tout comme les nécessités sociales.
La quatrième étape est le passage à l’action. Dans la poursuite de leurs cibles, les entreprises doivent être guidées par une hiérarchie des objectifs : éviter d’avoir sur la nature un impact négatif, réduire les impacts inévitables, régénérer et réhabiliter les écosystèmes en danger. Dans la poursuite de ces objectifs, elles doivent considérer ce qui peut être transformé au sein de leur organisation, dans leurs chaînes d’approvisionnement, et au-delà.
La sensibilisation aux mesures en faveur de la nature offre un exemple d’action qui peut faire bouger les lignes, et certaines entreprises s’y sont déjà illustrées. Plus de 600 sociétés – dont les bénéfices combinés sont supérieurs à 4 000 milliards de dollars par an – ont signé un Appel à l’action, « La nature est l’affaire de tous », demandant aux pouvoirs publics d’adopter dès maintenant des mesures qui permettraient d’ici 2030 d’inverser la destruction de la nature et des écosystèmes. C’est la première fois qu’un si grand nombre de sociétés s’unissent en une tentative incontestablement destinée à influencer les discussions sur le cadre de la biodiversité mondiale au-delà de 2020.
L’étape finale du cadre institué par le SBTN consiste pour les entreprises à enregistrer leurs progrès et à en rendre compte publiquement. Le SBTN a pour ambition de travailler avec les entreprises afin d’y intégrer ses conseils de la façon la plus complète possible.
Mais l’adoption par les entreprises volontaires de cibles définies par la science permettant de protéger la nature n’est qu’un début. Les initiatives doivent s’amplifier rapidement, et cela nécessitera un niveau sans précédent de coopération, que facilitera le cadre d’action commun du SBTN – ainsi que la divulgation des cibles et des résultats.
Nous vivons l’une des époques les plus perturbées et les plus incertaines de l’histoire. Pour éviter la destruction, les entreprises doivent compenser la déviation de leur compas et aider le monde à se fixer un nouveau cap vers une économie équitable, sans émissions nettes de gaz à effet de serre et favorable à la nature.
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At the end of a year of domestic and international upheaval, Project Syndicate commentators share their favorite books from the past 12 months. Covering a wide array of genres and disciplines, this year’s picks provide fresh perspectives on the defining challenges of our time and how to confront them.
ask Project Syndicate contributors to select the books that resonated with them the most over the past year.
GENÈVE – La dernière édition des Perspectives mondiales de la diversité biologique (GBO-5), publiées par la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB), est d’une lecture peu réjouissante. Comme le note le rapport, la biodiversité est essentielle à la lutte contre le changement climatique, à la sécurité alimentaire de long terme et à la prévention des pandémies. Le monde n’atteint pourtant aucune des cibles établies pour la protéger. Pour que cela change, les entreprises doivent entrer dans la partie.
Des industries de l’énergie à l’agriculture industrielle, un certain nombre des succès financiers du secteur privé se sont construits aux dépens de l’environnement. Et tandis que la destruction de ce dernier progresse, les catastrophes naturelles surviennent de plus en plus souvent – et sont de plus en plus dévastatrices. Cette situation fait courir aux entreprises, à leurs employés, à leurs chaînes d’approvisionnement et à leurs bénéfices des risques matériels et existentiels de plus en plus élevés.
Pour ne considérer que cette année, la pandémie de Covid-19 – qui s’est déjà soldée par plus d’un million de morts – a bouleversé les chaînes d’approvisionnement, fait chuter la demande mondiale et plongé l’économie mondiale dans la récession. Dans le même temps, les entreprises ont été confrontées aux États-Unis à d’immenses feux de forêts et à un déferlement de pannes d’électricité au beau milieu de vagues de chaleur intenses ; la plus vaste zone humide de la planète, le Pantanal, au Brésil, est elle aussi en feu ; la Chine et l’Afrique ont été frappées par de graves inondations. Il est évidemment dans l’intérêt des entreprises qu’elles évitent la multiplication et l’aggravation de ces catastrophes.
Dès aujourd’hui les entreprises t intérêt à placer la durabilité au centre de leurs processus de décision. Depuis le début de la crise du Covid-19, les investissements durables donnent de meilleurs résultats que le reste du marché et la croissance des investissements dans des sociétés bien classées du point de vue des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) continue d’accélérer. Les entreprises désireuses d’attirer les investisseurs incorporent de plus en plus à leur stratégie une action ESG.
Il n’est donc pas surprenant qu’un nombre croissant d’entreprises prennent des mesures pour protéger et reconstituer les ressources naturelles dont elles dépendent. Au moins 530 sociétés se sont engagées dans des actions de réversion écologique, et 1 200 au moins adoptent déjà une démarche de conservation des forêts ou de conversion à des pratiques agricoles régénératrices.
Ces approches sont celles, par exemple, du géant brésilien des cosmétiques Natura, qui affirme vouloir parvenir à annuler ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) et s’engage à court terme pour une déforestation nulle en Amazonie. Danone, l’entreprise multinationale européenne de produits alimentaires, est devenue la première entreprise cotée à adopter le cadre juridique de l’entreprise à mission, introduite par la loi française [Pacte de 2019], et qui s’est donc dotée d’une « raison d’être », ainsi que d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux associés, inscrits dans ses statuts.
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Aussi prometteurs que soient ces projets, quelque chose y manque : un cadre qui garantirait que les mesures prises soient suffisantes pour protéger et réhabiliter la nature, et qui relierait entre elles ces initiatives afin de leur donner un maximum d’impact. C’est ce que vise à fournir de réseau Science Based Target (SBTN).
S’appuyant sur le travail réalisé en amont par l’initiative Science Based Target, qui s’est assuré la coopération de plus d’un millier d’entreprises pour définir scientifiquement des cibles de réduction d’émission, le SBTN fournit des conseils pour la mise en place des cibles aux entreprises soucieuses de protéger la nature. Les conseils émanent de scientifiques, mais aussi de représentants de groupes de sauvegarde de l’environnement, d’entreprises et de consultants. Ils se déclinent en cinq étapes permettant la protection et la réhabilitation des communs mondiaux – le sol, l’eau douce, les océans, la biodiversité et le climat, dont nous avons tous besoin pour survivre – tout en maintenant la compétitivité.
Les entreprises doivent tout d’abord produire, à partir des données dont elles disposent, une estimation fondée des effets de l’ensemble de leur chaîne de valeur sur la nature et de leurs dépendances à la nature, puis établir une liste des problèmes potentiels et de leurs localisations, afin de définir les cibles.
Dans un deuxième temps, les entreprises doivent fixer des priorités. Sont à prendre en considération, par exemple, les écosystèmes les plus précieux – les zones où les habitants ont le plus besoin de la nature pour se maintenir en vie et garantir leur subsistance – mais aussi les zones où les activités de la chaîne d’approvisionnement ont le plus d’impact.
Lorsque l’entreprise a ciblé les problèmes clés et localisé ses actions, elle doit rassembler les données initiales concernant les zones envisagées et les utiliser pour définir des objectifs – qui doivent être rendus publics – prenant en compte les limites de la planète tout comme les nécessités sociales.
La quatrième étape est le passage à l’action. Dans la poursuite de leurs cibles, les entreprises doivent être guidées par une hiérarchie des objectifs : éviter d’avoir sur la nature un impact négatif, réduire les impacts inévitables, régénérer et réhabiliter les écosystèmes en danger. Dans la poursuite de ces objectifs, elles doivent considérer ce qui peut être transformé au sein de leur organisation, dans leurs chaînes d’approvisionnement, et au-delà.
La sensibilisation aux mesures en faveur de la nature offre un exemple d’action qui peut faire bouger les lignes, et certaines entreprises s’y sont déjà illustrées. Plus de 600 sociétés – dont les bénéfices combinés sont supérieurs à 4 000 milliards de dollars par an – ont signé un Appel à l’action, « La nature est l’affaire de tous », demandant aux pouvoirs publics d’adopter dès maintenant des mesures qui permettraient d’ici 2030 d’inverser la destruction de la nature et des écosystèmes. C’est la première fois qu’un si grand nombre de sociétés s’unissent en une tentative incontestablement destinée à influencer les discussions sur le cadre de la biodiversité mondiale au-delà de 2020.
L’étape finale du cadre institué par le SBTN consiste pour les entreprises à enregistrer leurs progrès et à en rendre compte publiquement. Le SBTN a pour ambition de travailler avec les entreprises afin d’y intégrer ses conseils de la façon la plus complète possible.
Mais l’adoption par les entreprises volontaires de cibles définies par la science permettant de protéger la nature n’est qu’un début. Les initiatives doivent s’amplifier rapidement, et cela nécessitera un niveau sans précédent de coopération, que facilitera le cadre d’action commun du SBTN – ainsi que la divulgation des cibles et des résultats.
Nous vivons l’une des époques les plus perturbées et les plus incertaines de l’histoire. Pour éviter la destruction, les entreprises doivent compenser la déviation de leur compas et aider le monde à se fixer un nouveau cap vers une économie équitable, sans émissions nettes de gaz à effet de serre et favorable à la nature.
Traduit de l’anglais par François Boisivon