BONN – L’an dernier, après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les rumeurs allaient bon train sur la fin proche de l’accord de Paris sur le climat. Pourtant, comme l’ont montré les derniers pourparlers sur le climat mondial de Bonn en Allemagne, les dirigeants politiques de tous les pays sont plus que jamais acquis à l’accord. Ce sont là des nouvelles encourageantes, mais il n’en demeure pas moins que les engagements des pays ne suffisent pas encore à inverser la tendance — et une occasion unique de contrer avec succès sur les changements climatiques est en train de nous échapper.
La décision de Trump de retirer les États-Unis — le plus gros émetteur de dioxyde de carbone de l’histoire mondiale — de l’accord de Paris lui a asséné un coup de massue. Beaucoup des alliés les plus proches des États-Unis — y compris nos deux pays, les Îles Marshall et l’Australie — ont été profondément déçus de cette décision de courte vue, tant pour l’Amérique que pour le monde.
Il est néanmoins difficile de ne pas se réjouir de la nouvelle vague de résolutions mondiales qui a déferlé après la décision de Trump, tant à l’internationale qu’aux États-Unis. La majorité des États, des villes et des États aux États-Unis se sont maintenant engagés à faire plus pour que le pays dans son ensemble puisse remplir les engagements, malgré l’opposition de l’administration de Trump.
Le fait que l’action climatique est maintenant le marché mondial potentiel le plus prometteur a certainement aidé. Selon la propre analyse de l’administration Trump, les Américains œuvrant dans le secteur solaire sont deux fois plus nombreux que dans le charbon, le pétrole, et le gaz combiné. Et plus tôt cette année, l’OCDE a laissé entendre que ce secteur d’avenir gonflerait la croissance mondiale de 5 % par an d’ici 2050, tout simplement en faisant le lien entre les objectifs de lutte aux changements climatiques et la croissance.
Il n’y a pas de temps à perdre ; les changements sont déjà à l’œuvre. La sécheresse record cette année dans les Îles Marshall, les tempêtes apocalyptiques dans les Caraïbes et les inondations dévastatrices au Bangladesh et aux États-Unis sont là pour le démontrer.
Comme nous l’a récemment rappelé le programme des Nations unies pour l’environnement, même si tous les pays atteignent leurs objectifs actuels de réduction des émissions pour 2030, il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus du niveau préindustriel — ce seuil, reconnu dans l’accord de Paris, au-delà duquel les répercussions des changements climatiques deviendront beaucoup plus graves. Nos chances de demeurer dans une fourchette moins ambitieuse — et plus périlleuse — une limite de 2 °C seront également minces.
Ignorer cette réalité est un pari qui met en danger l’existence de plusieurs pays insulaires, sans compter la prospérité de l’économie mondiale. Si nous ne relevons pas drastiquement les objectifs mondiaux pour les réductions des émissions d’ici 2020, nous serons incapables de sauver les pays les plus vulnérables du monde. Et si les changements climatiques se mettent à s’emballer, aucun pays ne sera à l’abri de ses effets.
Malheureusement, les choses iront au plus mal avant qu’elles ne s’améliorent. C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts pour rehausser notre capacité d’adaptation aux effets climatiques que nous ne serons pas en mesure d’éviter afin de contrer les conséquences liées à la sécurité.
Il est également urgent de prendre des engagements climatiques plus ambitieux. Heureusement, plusieurs événements à venir offriront l’occasion de faire justement cela. Nous devons la saisir à pleines mains.
Le mois prochain, le président français Emmanuel Macron organisera une conférence pour le deuxième anniversaire de l’accord de Paris. Et en septembre de l’année suivante, le gouverneur de la Californie, Jerry Brown tiendra son propre sommet pour galvaniser des initiatives de plus grande envergure par les villes, les entreprises et d’autres intervenants non gouvernementaux. Le meilleur moment viendra cependant en 2019, lorsque le secrétaire général de l’ONU António Guterres convoquera les dirigeants mondiaux à New York au plus important congrès sur le climat depuis les pourparlers de Paris.
Il nous faut créer des ponts entre ces différents événements pour pouvoir, selon les termes de notre ami Tony de Brum, le feu ministre des Affaires étrangères des îles Marshall et un militant infatigable de la lutte aux changements climatiques à la Conférence de Paris, assurer la survie des plus vulnérables.
Certains joueurs importants dépassent déjà leurs engagements. Certains autres, dont les îles Marshall, sont sur le point de présenter de nouvelles cibles d’ici 2020, qui prolongeront les objectifs actuels aussi loin que 2025. D’autres — notamment la France, l’Inde et la Nouvelle-Zélande — ont déclaré non officiellement souhaiter faire plus.
En vérité la plupart des pays ont la capacité de faire plus, surtout lorsqu’ils peuvent se faire assister et que les possibilités d’amélioration ont été recensées. Il est maintenant impératif de créer les conditions politiques adéquates pour inciter et faciliter les interventions. À mesure qu’augmente le nombre de pays qui démontrent leur capacité à relever la barre de leurs engagements, les autres suivront.
Il faut aussi s’assurer que tous les secteurs, ainsi que tous les pays, contribuent à leur juste part. Ainsi, on retrouve parmi ceux-ci, le transport maritime, un secteur qui, s’il était un pays, serait le sixième plus important émetteur mondial.
Le « dialogue de Talanoa » — qui se tiendra l’an prochain à Fiji, devenu la semaine dernière le premier État insulaire à présider les pourparlers climatiques de l’ONU — aidera les pays à définir exactement comment atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Le dialogue, que les pays devraient aborder en toute bonne foi, doit servir de tremplin pour d’autres mesures. Pour ce faire, le rapport récent du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui établit des pistes de réflexion pour maintenir la hausse de la température en dessous du seuil de 1,5 °C sera une étape décisive, car la science demeure un moyen incontournable d’y parvenir.
Les pourparlers de Paris ont démontré qu’il est possible de faire avancer ce dossier sur le plan politique, lorsque les dirigeants sont dotés de la bonne plateforme, que la société civile y souscrit et que les pays du monde entier agissent de concert. Pour suivre la route jusqu’au bout vers la pérennité, nous devons suivre encore une fois cet enseignement. La devise de la conférence de Bonn était « d’aller plus loin, plus vite et ensemble ». Le défi collectif que nous devons relever consiste à traduire ce slogan accrocheur en réalité.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
BONN – L’an dernier, après l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les rumeurs allaient bon train sur la fin proche de l’accord de Paris sur le climat. Pourtant, comme l’ont montré les derniers pourparlers sur le climat mondial de Bonn en Allemagne, les dirigeants politiques de tous les pays sont plus que jamais acquis à l’accord. Ce sont là des nouvelles encourageantes, mais il n’en demeure pas moins que les engagements des pays ne suffisent pas encore à inverser la tendance — et une occasion unique de contrer avec succès sur les changements climatiques est en train de nous échapper.
La décision de Trump de retirer les États-Unis — le plus gros émetteur de dioxyde de carbone de l’histoire mondiale — de l’accord de Paris lui a asséné un coup de massue. Beaucoup des alliés les plus proches des États-Unis — y compris nos deux pays, les Îles Marshall et l’Australie — ont été profondément déçus de cette décision de courte vue, tant pour l’Amérique que pour le monde.
Il est néanmoins difficile de ne pas se réjouir de la nouvelle vague de résolutions mondiales qui a déferlé après la décision de Trump, tant à l’internationale qu’aux États-Unis. La majorité des États, des villes et des États aux États-Unis se sont maintenant engagés à faire plus pour que le pays dans son ensemble puisse remplir les engagements, malgré l’opposition de l’administration de Trump.
Le fait que l’action climatique est maintenant le marché mondial potentiel le plus prometteur a certainement aidé. Selon la propre analyse de l’administration Trump, les Américains œuvrant dans le secteur solaire sont deux fois plus nombreux que dans le charbon, le pétrole, et le gaz combiné. Et plus tôt cette année, l’OCDE a laissé entendre que ce secteur d’avenir gonflerait la croissance mondiale de 5 % par an d’ici 2050, tout simplement en faisant le lien entre les objectifs de lutte aux changements climatiques et la croissance.
Il n’y a pas de temps à perdre ; les changements sont déjà à l’œuvre. La sécheresse record cette année dans les Îles Marshall, les tempêtes apocalyptiques dans les Caraïbes et les inondations dévastatrices au Bangladesh et aux États-Unis sont là pour le démontrer.
Comme nous l’a récemment rappelé le programme des Nations unies pour l’environnement, même si tous les pays atteignent leurs objectifs actuels de réduction des émissions pour 2030, il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C au-dessus du niveau préindustriel — ce seuil, reconnu dans l’accord de Paris, au-delà duquel les répercussions des changements climatiques deviendront beaucoup plus graves. Nos chances de demeurer dans une fourchette moins ambitieuse — et plus périlleuse — une limite de 2 °C seront également minces.
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Ignorer cette réalité est un pari qui met en danger l’existence de plusieurs pays insulaires, sans compter la prospérité de l’économie mondiale. Si nous ne relevons pas drastiquement les objectifs mondiaux pour les réductions des émissions d’ici 2020, nous serons incapables de sauver les pays les plus vulnérables du monde. Et si les changements climatiques se mettent à s’emballer, aucun pays ne sera à l’abri de ses effets.
Malheureusement, les choses iront au plus mal avant qu’elles ne s’améliorent. C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts pour rehausser notre capacité d’adaptation aux effets climatiques que nous ne serons pas en mesure d’éviter afin de contrer les conséquences liées à la sécurité.
Il est également urgent de prendre des engagements climatiques plus ambitieux. Heureusement, plusieurs événements à venir offriront l’occasion de faire justement cela. Nous devons la saisir à pleines mains.
Le mois prochain, le président français Emmanuel Macron organisera une conférence pour le deuxième anniversaire de l’accord de Paris. Et en septembre de l’année suivante, le gouverneur de la Californie, Jerry Brown tiendra son propre sommet pour galvaniser des initiatives de plus grande envergure par les villes, les entreprises et d’autres intervenants non gouvernementaux. Le meilleur moment viendra cependant en 2019, lorsque le secrétaire général de l’ONU António Guterres convoquera les dirigeants mondiaux à New York au plus important congrès sur le climat depuis les pourparlers de Paris.
Il nous faut créer des ponts entre ces différents événements pour pouvoir, selon les termes de notre ami Tony de Brum, le feu ministre des Affaires étrangères des îles Marshall et un militant infatigable de la lutte aux changements climatiques à la Conférence de Paris, assurer la survie des plus vulnérables.
Certains joueurs importants dépassent déjà leurs engagements. Certains autres, dont les îles Marshall, sont sur le point de présenter de nouvelles cibles d’ici 2020, qui prolongeront les objectifs actuels aussi loin que 2025. D’autres — notamment la France, l’Inde et la Nouvelle-Zélande — ont déclaré non officiellement souhaiter faire plus.
En vérité la plupart des pays ont la capacité de faire plus, surtout lorsqu’ils peuvent se faire assister et que les possibilités d’amélioration ont été recensées. Il est maintenant impératif de créer les conditions politiques adéquates pour inciter et faciliter les interventions. À mesure qu’augmente le nombre de pays qui démontrent leur capacité à relever la barre de leurs engagements, les autres suivront.
Il faut aussi s’assurer que tous les secteurs, ainsi que tous les pays, contribuent à leur juste part. Ainsi, on retrouve parmi ceux-ci, le transport maritime, un secteur qui, s’il était un pays, serait le sixième plus important émetteur mondial.
Le « dialogue de Talanoa » — qui se tiendra l’an prochain à Fiji, devenu la semaine dernière le premier État insulaire à présider les pourparlers climatiques de l’ONU — aidera les pays à définir exactement comment atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Le dialogue, que les pays devraient aborder en toute bonne foi, doit servir de tremplin pour d’autres mesures. Pour ce faire, le rapport récent du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui établit des pistes de réflexion pour maintenir la hausse de la température en dessous du seuil de 1,5 °C sera une étape décisive, car la science demeure un moyen incontournable d’y parvenir.
Les pourparlers de Paris ont démontré qu’il est possible de faire avancer ce dossier sur le plan politique, lorsque les dirigeants sont dotés de la bonne plateforme, que la société civile y souscrit et que les pays du monde entier agissent de concert. Pour suivre la route jusqu’au bout vers la pérennité, nous devons suivre encore une fois cet enseignement. La devise de la conférence de Bonn était « d’aller plus loin, plus vite et ensemble ». Le défi collectif que nous devons relever consiste à traduire ce slogan accrocheur en réalité.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier