NEW YORK – Les pays ont hérités de la Grande Récession des déficits jusqu’ici inconnus en temps de paix, ainsi qu’une inquiétude croissante concernant l’augmentation de leurs dettes nationales. Dans beaucoup d’entre eux, cette situation a généré un nouvel épisode d’austérité – des politiques qui vont presque certainement affaiblir les économies nationales et globales et ralentir fortement le rythme de la reprise. Ceux qui espèrent de larges réductions des déficits seront cruellement déçus, car le ralentissement économique diminuera les revenus fiscaux et augmentera les demandes d’assurance contre le chômage et d’autres bénéfices sociaux.
Les tentatives destinées à limiter l’augmentation de la dette servent à faire réfléchir – elles forcent les pays à se concentrer sur les priorités et se poser des questions de valeurs. A court terme, il est peu probable que les Etats Unis se lancent dans des coupes budgétaires massives, similaires aux Royaume-Unis. Mais le pronostic de long terme – rendu particulièrement pessimiste par l’incapacité de la réforme des soins de santé à réduire de manière significative l’augmentation des coûts médicaux – est si morne qu’il y a de plus en plus de support bipartisan pour faire quelque chose. Le président Barack Obama a nommé une commission bipartisane de réduction des déficits, dont les présidents ont récemment dévoilé un aperçu de ce à quoi leur rapport pourrait ressembler.
Techniquement, réduire un déficit est évident : il convient soit de réduire les dépenses, soit d’augmenter les taxes. Pourtant, à l’évidence, le programme de réduction du déficit, au moins aux USA, va déjà plus loin : il s’agit d’une tentative de diminution des protections sociales, de la progressivité du système fiscal, ainsi que du rôle et de la taille du gouvernement – cela tout en affectant le moins possible les intérêts établis, tel que le complexe militaro-industriel.
Aux USA (et quelques autres pays industriels avancés), tout programme de réduction du déficit doit être défini dans le contexte des évènements de la dernière décennie :
· une augmentation massive des dépenses de défense, alimentée par deux guerres sans résultat, mais allant bien au delà ;
· une augmentation de l’inégalité : aujourd’hui, 1% de la population accumule plus de 20% du revenu national et la classe moyenne s’affaiblit – le revenu du ménage américain médian a diminué de plus de 5% durant la dernière décennie, et était en diminution même avant la récession ;
· un sous-investissement dans le secteur public, y compris l’infrastructure, mis cruellement en évidence par la chute des ponts de la Nouvelle Orleans ; et
· une croissance des aides aux entreprises, depuis le renflouement des banques jusqu’aux subsides à l’éthanol, en passant par la poursuite des subsides agricoles, alors même que ceux-ci aient été déclarés illégaux par l’Organisation du Commerce.
Au vu de ce qui précède, il est relativement aisé de formuler un ensemble de mesures de réduction du déficit qui encourage l’efficience, soutient la croissance, et réduit l’inégalité. Cinq ingrédients principaux sont nécessaires. Premièrement, les dépenses en investissements publics à haut rendement devraient être augmentées. Même si ceci augmente le déficit à court terme, la dette nationale s’en trouvera réduite à long terme. Quelle entreprise ne sauterait pas sur des opportunités d’investissement qui génèrent des rendements excédant 10% si elle peut emprunter du capital – comme le gouvernement américain peut le faire – à moins de 3% d’intérêt ?
Deuxièmement, les dépenses militaires doivent être réduites – non seulement le financement de guerres stériles mais aussi d’armes inutiles contre des ennemis qui n’existent pas. Nous avons continué comme si la Guerre Froide ne s’était jamais terminée, dépensant pour la défense autant que le reste du monde rassemblé.
Troisièmement, il est nécessaire de supprimer les aides aux entreprises. Alors que l’Amérique a réduit son filet de sécurité pour les gens, elle a augmenté celui des firmes, comme les renflouements de AIG, Goldman Sachs, et d’autres banques l’ont clairement mis en évidence durant la Grande Récession. Ces aides représentent à elles seules près de la moitié du revenu total de certaines entreprises agroalimentaires américaines. Par exemple, des milliards de dollars de subsides du coton vont à quelques riches fermiers – tout en diminuant les prix et en augmentant la pauvreté des concurrents dans les pays en développement.
Une forme particulièrement extrême de traitement spécial est celui accordé aux entreprises pharmaceutiques. Bien que le gouvernement soit l’acheteur principal de leurs produits, il lui est interdit de négocier les prix, ce qui alimente une augmentation des recettes des entreprises – et des coûts pour le gouvernement – estimée à près de un trillion de dollars en une décennie.
Un autre exemple : les multiples avantages spéciaux accordés au secteur énergétique, principalement le pétrole et le gaz, qui tout à la fois volent le trésor, introduisent des distorsions dans l’allocation des ressources et détruisent l’environnement. Enfin, il y a la distribution apparemment sans limite des ressources nationales – depuis les fréquences audiovisuelles gratuites jusqu’aux royalties limitées prélevées sur les entreprises minières en passant par les subsides aux entreprises de bois de construction.
Il est aussi nécessaire de créer un système fiscal plus équitable et efficient, en éliminant le traitement particulier des gains en capital et dividendes. Pourquoi les individus qui travaillent pour vivre devraient-ils payer des taxes plus élevées que ceux qui tirent leurs revenus de la spéculation (souvent au détriment d’autres personnes) ?
Finalement, avec plus de 20% de l’ensemble des revenus accaparés par le pourcent le plus riche de la population, une légère augmentation, disons 5%, des taxes réellementpayées produirait plus d’un trillion de dollars en une décennie.
Un ensemble de mesures de réduction du déficit réalisé selon ces principes ferait plus que satisfaire les demandes des conservateurs chasseurs de déficit, même les plus exigeants. Il augmenterait l’efficience, promouvrait la croissance, améliorerait l’environnement, et bénéficierait aux travailleurs et à la classe moyenne.
Il y a seulement un problème : il ne bénéficierait pas aux personnes les plus riches, ou aux entreprises et autres intérêts particuliers qui sont arrivés à dominer la politique américaine. Leur logique impériale est exactement la raison pour laquelle il y a peu de chances qu’une telle proposition, pourtant raisonnable, ne soit jamais adoptée.
NEW YORK – Les pays ont hérités de la Grande Récession des déficits jusqu’ici inconnus en temps de paix, ainsi qu’une inquiétude croissante concernant l’augmentation de leurs dettes nationales. Dans beaucoup d’entre eux, cette situation a généré un nouvel épisode d’austérité – des politiques qui vont presque certainement affaiblir les économies nationales et globales et ralentir fortement le rythme de la reprise. Ceux qui espèrent de larges réductions des déficits seront cruellement déçus, car le ralentissement économique diminuera les revenus fiscaux et augmentera les demandes d’assurance contre le chômage et d’autres bénéfices sociaux.
Les tentatives destinées à limiter l’augmentation de la dette servent à faire réfléchir – elles forcent les pays à se concentrer sur les priorités et se poser des questions de valeurs. A court terme, il est peu probable que les Etats Unis se lancent dans des coupes budgétaires massives, similaires aux Royaume-Unis. Mais le pronostic de long terme – rendu particulièrement pessimiste par l’incapacité de la réforme des soins de santé à réduire de manière significative l’augmentation des coûts médicaux – est si morne qu’il y a de plus en plus de support bipartisan pour faire quelque chose. Le président Barack Obama a nommé une commission bipartisane de réduction des déficits, dont les présidents ont récemment dévoilé un aperçu de ce à quoi leur rapport pourrait ressembler.
Techniquement, réduire un déficit est évident : il convient soit de réduire les dépenses, soit d’augmenter les taxes. Pourtant, à l’évidence, le programme de réduction du déficit, au moins aux USA, va déjà plus loin : il s’agit d’une tentative de diminution des protections sociales, de la progressivité du système fiscal, ainsi que du rôle et de la taille du gouvernement – cela tout en affectant le moins possible les intérêts établis, tel que le complexe militaro-industriel.
Aux USA (et quelques autres pays industriels avancés), tout programme de réduction du déficit doit être défini dans le contexte des évènements de la dernière décennie :
· une augmentation massive des dépenses de défense, alimentée par deux guerres sans résultat, mais allant bien au delà ;
· une augmentation de l’inégalité : aujourd’hui, 1% de la population accumule plus de 20% du revenu national et la classe moyenne s’affaiblit – le revenu du ménage américain médian a diminué de plus de 5% durant la dernière décennie, et était en diminution même avant la récession ;
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· un sous-investissement dans le secteur public, y compris l’infrastructure, mis cruellement en évidence par la chute des ponts de la Nouvelle Orleans ; et
· une croissance des aides aux entreprises, depuis le renflouement des banques jusqu’aux subsides à l’éthanol, en passant par la poursuite des subsides agricoles, alors même que ceux-ci aient été déclarés illégaux par l’Organisation du Commerce.
Au vu de ce qui précède, il est relativement aisé de formuler un ensemble de mesures de réduction du déficit qui encourage l’efficience, soutient la croissance, et réduit l’inégalité. Cinq ingrédients principaux sont nécessaires. Premièrement, les dépenses en investissements publics à haut rendement devraient être augmentées. Même si ceci augmente le déficit à court terme, la dette nationale s’en trouvera réduite à long terme. Quelle entreprise ne sauterait pas sur des opportunités d’investissement qui génèrent des rendements excédant 10% si elle peut emprunter du capital – comme le gouvernement américain peut le faire – à moins de 3% d’intérêt ?
Deuxièmement, les dépenses militaires doivent être réduites – non seulement le financement de guerres stériles mais aussi d’armes inutiles contre des ennemis qui n’existent pas. Nous avons continué comme si la Guerre Froide ne s’était jamais terminée, dépensant pour la défense autant que le reste du monde rassemblé.
Troisièmement, il est nécessaire de supprimer les aides aux entreprises. Alors que l’Amérique a réduit son filet de sécurité pour les gens, elle a augmenté celui des firmes, comme les renflouements de AIG, Goldman Sachs, et d’autres banques l’ont clairement mis en évidence durant la Grande Récession. Ces aides représentent à elles seules près de la moitié du revenu total de certaines entreprises agroalimentaires américaines. Par exemple, des milliards de dollars de subsides du coton vont à quelques riches fermiers – tout en diminuant les prix et en augmentant la pauvreté des concurrents dans les pays en développement.
Une forme particulièrement extrême de traitement spécial est celui accordé aux entreprises pharmaceutiques. Bien que le gouvernement soit l’acheteur principal de leurs produits, il lui est interdit de négocier les prix, ce qui alimente une augmentation des recettes des entreprises – et des coûts pour le gouvernement – estimée à près de un trillion de dollars en une décennie.
Un autre exemple : les multiples avantages spéciaux accordés au secteur énergétique, principalement le pétrole et le gaz, qui tout à la fois volent le trésor, introduisent des distorsions dans l’allocation des ressources et détruisent l’environnement. Enfin, il y a la distribution apparemment sans limite des ressources nationales – depuis les fréquences audiovisuelles gratuites jusqu’aux royalties limitées prélevées sur les entreprises minières en passant par les subsides aux entreprises de bois de construction.
Il est aussi nécessaire de créer un système fiscal plus équitable et efficient, en éliminant le traitement particulier des gains en capital et dividendes. Pourquoi les individus qui travaillent pour vivre devraient-ils payer des taxes plus élevées que ceux qui tirent leurs revenus de la spéculation (souvent au détriment d’autres personnes) ?
Finalement, avec plus de 20% de l’ensemble des revenus accaparés par le pourcent le plus riche de la population, une légère augmentation, disons 5%, des taxes réellementpayées produirait plus d’un trillion de dollars en une décennie.
Un ensemble de mesures de réduction du déficit réalisé selon ces principes ferait plus que satisfaire les demandes des conservateurs chasseurs de déficit, même les plus exigeants. Il augmenterait l’efficience, promouvrait la croissance, améliorerait l’environnement, et bénéficierait aux travailleurs et à la classe moyenne.
Il y a seulement un problème : il ne bénéficierait pas aux personnes les plus riches, ou aux entreprises et autres intérêts particuliers qui sont arrivés à dominer la politique américaine. Leur logique impériale est exactement la raison pour laquelle il y a peu de chances qu’une telle proposition, pourtant raisonnable, ne soit jamais adoptée.