DENVER – « La folie, c’est de refaire toujours la même chose et d’en attendre des résultats différents ». L’aphorisme, souvent attribué à Albert Einstein, semble inspirer la politique nord-coréenne du président des États-Unis Donald Trump. La méthode de Trump s’est apparemment construite sur le rejet de tout ce qui l’a précédé, et sur la part prise par lui-même, à un degré sans précédent, dans les négociations. Moyennant quoi le secrétaire d’État n’est guère plus qu’un sherpa pour les sommets de son patron avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
La question demeure pourtant de savoir si cette méthode originale apporte réellement des résultats. Jusqu’à présent, rien ne laisse entendre que la Corée du Nord a changé de comportement. Mais avec le prochain sommet Trump-Kim, prévu dans quelques mois, nous y verrons peut-être plus clair.
Trump se prétend maître dans l’art de la négociation nucléaire – sinon dans ses détails du moins dans ses principes fondamentaux. En mars, il a interrompu une réunion entre le général H. R. McMaster, alors conseiller à la sécurité nationale, et une délégation sud-coréenne pour révéler, tout à trac, qu’il serait heureux de rencontrer Kim. Il s’en est depuis remis à sa bonne étoile, ne cessant d’affirmer que de grands progrès avaient été réalisés. Après son premier sommet avec Kim, en juin, il a ainsi déclaré qu’« il n’y a[vait] plus de menace nucléaire venant de Corée du Nord ».
En réalité, la dénucléarisation n’a fait aucun progrès. À la mi-2017, Kim annonçait que son pays avait achevé son programme d’essais de vecteurs, dès lors qu’il avait démontré que ses récents missiles intercontinentaux, de type Hwasong, étaient prêts à être déployés. Il affirmait aussi que ses ingénieurs avaient mis au point une tête nucléaire capable de survivre à la phase finale du lancement d’un missile, quoique les experts fassent remarquer qu’aucune preuve ne permette encore d’étayer ces dires.
En procédant à ces annonces, Kim peut avoir voulu faire comprendre qu’il était disposé à poursuivre par des voies non-militaires son objectif de mettre un terme aux sanctions qu’impose l’administration Trump au titre de la politique de « pression maximum ». Mais il pourrait aussi avoir voulu montrer qu’il devait être pris au sérieux et faire savoir au monde que la Corée du Nord disposait non seulement de l’arme nucléaire mais des vecteurs lui permettant de l’utiliser.
Quelles qu’en soient ces interprétation différentes, l’administration Trump s’est empressée de traduire les déclarations de Kim comme la preuve évidente que la Corée du Nord était prête à désarmer. Et ce saut logique a semble-t-il encore gagné en crédibilité lors du sommet de juin, où Kim a « réaffirmé son engagement ferme et résolu en faveur de la complète dénucléarisation de la péninsule coréenne ».
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Si tout ce que les États-Unis ont pu tirer du sommet est une déclaration commune aux termes vagues, les Nord-Coréens, en revanche, ont nettement fait progresser leur objectif d’un affaiblissement de la présence américaine en Asie du Nord-Est. La meilleure preuve en est que Trump semble soutenir le retrait des troupes américaines de la péninsule coréenne et qu’il a depuis annulé les manœuvres militaires communes avec la Corée du Sud.
Pendant ce temps, les Nord-Coréens se sont lancés dans des initiatives aléatoires de « dénucléarisation », en fermant certains sites d’essais que les États-Unis ne leur avaient même pas demandé de détruire. Si ces actions peuvent améliorer leur image, elles ne s’inscrivent dans le cadre d’aucun effort concerté pour identifier et démanteler les principaux éléments du programme militaire du pays. Les Nord-Coréens continuent par ailleurs de marteler que leur arsenal nucléaire n’est qu’une réponse défensive à la politique « hostile » menée par les États-Unis. Il en résulte que si ces derniers retiraient leurs troupes de la péninsule coréenne, un certain degré de dénucléarisation pourrait être envisagée.
Pour compliquer encore un peu les choses, l’administration du président sud-coréen Moon Jae-in est acquise aux mérites des politiques d’incitation et d’intégration, plus efficaces, pense-t-elle, que les sanctions, pour conduire à la dénucléarisation. Ainsi a-t-elle, dans les discussions parallèles quelle a engagées avec le Nord, découplé la diplomatie inter-coréenne de la question nucléaire.
Mais la Corée du Sud n’en continue pas moins de proposer ses bons offices entre les États-Unis et le régime de Kim. Chaque fois que les pourparlers entre les États-Unis et la Corée du Nord se sont trouvés dans l’impasse, Moon s’est efforcé de les ranimer, souvent en ne ménageant ni aux uns ni aux autres ses compliments pour qu’ils poursuivent le dialogue. Mais si les États-Unis et la Corée du Sud sont restés en relations étroites, la Corée du Nord a contribué, autant qu’elle le pouvait, à créer des tentions entre les deux alliés, en leur tenant à chacun des récits légèrement différents.
Des son côté l’administration Trump a veillé fort heureusement sur l’alliance entre les États-Unis et la Corée du Sud. À ce jour, de nombreux Coréens tiennent les États-Unis et d’autres puissances étrangères pour responsables de la division tragique de la péninsule, et l’administration Trump s’est bien gardée de critiquer la politique de dialogue inter-coréen soutenue par Moon. Cela dit, il est clair que les pourparlers entre les deux Corées rendent de plus en plus difficile l’application des mesures contre le Nord, et plus encore depuis que la Corée du Sud a commencé à explorer les possibilités d’un allégement des sanctions.
Le dernier grand acteur majeur est la Chine, qui semble ne pas quoi savoir faire du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord. La décision prise par la Chine d’adopter contre la Corée du Sud des mesures de rétorsion parce que celle-ci héberge le système de défense anti-missiles américain a grandement porté atteinte à son crédit dans l’opinion publique sud-coréenne et nui à ses capacités d’infléchir la politique sud-coréenne. Mais dans les mois qui ont précédé la rencontre entre Trump et Kim à Singapour, la Chine a reçu deux fois le second, puis une fois encore juste après, réaffirmant ce faisant son influence sur le Nord.
Fidèle à ses efforts de rupture tous azimuts avec ses prédécesseurs, Trump semble croire qu’il est plus aisé de travailler contre la Chine qu’avec elle. Cette hypothèse sera sûrement mise à l’épreuve dans les semaines et les mois à venir.
Although AI has great potential to bring exciting changes to education, art, medicine, robotics, and other fields, it also poses major risks, most of which are not being addressed. Judging by the response so far from political and other institutions, we can safely expect many years of instability.
offers a brief roadmap of how the technology will evolve and be deployed over the next few years.
Despite Donald Trump’s assurances that he will not seek to remove Federal Reserve Chair Jerome Powell, there is little doubt that the US president-elect aims to gain greater influence over the Fed’s decision-making. Such interference could drive up long-term interest rates, damaging the American economy.
worries about the incoming US administration’s plans to weaken the central bank’s independence.
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DENVER – « La folie, c’est de refaire toujours la même chose et d’en attendre des résultats différents ». L’aphorisme, souvent attribué à Albert Einstein, semble inspirer la politique nord-coréenne du président des États-Unis Donald Trump. La méthode de Trump s’est apparemment construite sur le rejet de tout ce qui l’a précédé, et sur la part prise par lui-même, à un degré sans précédent, dans les négociations. Moyennant quoi le secrétaire d’État n’est guère plus qu’un sherpa pour les sommets de son patron avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.
La question demeure pourtant de savoir si cette méthode originale apporte réellement des résultats. Jusqu’à présent, rien ne laisse entendre que la Corée du Nord a changé de comportement. Mais avec le prochain sommet Trump-Kim, prévu dans quelques mois, nous y verrons peut-être plus clair.
Trump se prétend maître dans l’art de la négociation nucléaire – sinon dans ses détails du moins dans ses principes fondamentaux. En mars, il a interrompu une réunion entre le général H. R. McMaster, alors conseiller à la sécurité nationale, et une délégation sud-coréenne pour révéler, tout à trac, qu’il serait heureux de rencontrer Kim. Il s’en est depuis remis à sa bonne étoile, ne cessant d’affirmer que de grands progrès avaient été réalisés. Après son premier sommet avec Kim, en juin, il a ainsi déclaré qu’« il n’y a[vait] plus de menace nucléaire venant de Corée du Nord ».
En réalité, la dénucléarisation n’a fait aucun progrès. À la mi-2017, Kim annonçait que son pays avait achevé son programme d’essais de vecteurs, dès lors qu’il avait démontré que ses récents missiles intercontinentaux, de type Hwasong, étaient prêts à être déployés. Il affirmait aussi que ses ingénieurs avaient mis au point une tête nucléaire capable de survivre à la phase finale du lancement d’un missile, quoique les experts fassent remarquer qu’aucune preuve ne permette encore d’étayer ces dires.
En procédant à ces annonces, Kim peut avoir voulu faire comprendre qu’il était disposé à poursuivre par des voies non-militaires son objectif de mettre un terme aux sanctions qu’impose l’administration Trump au titre de la politique de « pression maximum ». Mais il pourrait aussi avoir voulu montrer qu’il devait être pris au sérieux et faire savoir au monde que la Corée du Nord disposait non seulement de l’arme nucléaire mais des vecteurs lui permettant de l’utiliser.
Quelles qu’en soient ces interprétation différentes, l’administration Trump s’est empressée de traduire les déclarations de Kim comme la preuve évidente que la Corée du Nord était prête à désarmer. Et ce saut logique a semble-t-il encore gagné en crédibilité lors du sommet de juin, où Kim a « réaffirmé son engagement ferme et résolu en faveur de la complète dénucléarisation de la péninsule coréenne ».
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Pendant ce temps, les Nord-Coréens se sont lancés dans des initiatives aléatoires de « dénucléarisation », en fermant certains sites d’essais que les États-Unis ne leur avaient même pas demandé de détruire. Si ces actions peuvent améliorer leur image, elles ne s’inscrivent dans le cadre d’aucun effort concerté pour identifier et démanteler les principaux éléments du programme militaire du pays. Les Nord-Coréens continuent par ailleurs de marteler que leur arsenal nucléaire n’est qu’une réponse défensive à la politique « hostile » menée par les États-Unis. Il en résulte que si ces derniers retiraient leurs troupes de la péninsule coréenne, un certain degré de dénucléarisation pourrait être envisagée.
Pour compliquer encore un peu les choses, l’administration du président sud-coréen Moon Jae-in est acquise aux mérites des politiques d’incitation et d’intégration, plus efficaces, pense-t-elle, que les sanctions, pour conduire à la dénucléarisation. Ainsi a-t-elle, dans les discussions parallèles quelle a engagées avec le Nord, découplé la diplomatie inter-coréenne de la question nucléaire.
Mais la Corée du Sud n’en continue pas moins de proposer ses bons offices entre les États-Unis et le régime de Kim. Chaque fois que les pourparlers entre les États-Unis et la Corée du Nord se sont trouvés dans l’impasse, Moon s’est efforcé de les ranimer, souvent en ne ménageant ni aux uns ni aux autres ses compliments pour qu’ils poursuivent le dialogue. Mais si les États-Unis et la Corée du Sud sont restés en relations étroites, la Corée du Nord a contribué, autant qu’elle le pouvait, à créer des tentions entre les deux alliés, en leur tenant à chacun des récits légèrement différents.
Des son côté l’administration Trump a veillé fort heureusement sur l’alliance entre les États-Unis et la Corée du Sud. À ce jour, de nombreux Coréens tiennent les États-Unis et d’autres puissances étrangères pour responsables de la division tragique de la péninsule, et l’administration Trump s’est bien gardée de critiquer la politique de dialogue inter-coréen soutenue par Moon. Cela dit, il est clair que les pourparlers entre les deux Corées rendent de plus en plus difficile l’application des mesures contre le Nord, et plus encore depuis que la Corée du Sud a commencé à explorer les possibilités d’un allégement des sanctions.
Le dernier grand acteur majeur est la Chine, qui semble ne pas quoi savoir faire du processus de dénucléarisation de la Corée du Nord. La décision prise par la Chine d’adopter contre la Corée du Sud des mesures de rétorsion parce que celle-ci héberge le système de défense anti-missiles américain a grandement porté atteinte à son crédit dans l’opinion publique sud-coréenne et nui à ses capacités d’infléchir la politique sud-coréenne. Mais dans les mois qui ont précédé la rencontre entre Trump et Kim à Singapour, la Chine a reçu deux fois le second, puis une fois encore juste après, réaffirmant ce faisant son influence sur le Nord.
Fidèle à ses efforts de rupture tous azimuts avec ses prédécesseurs, Trump semble croire qu’il est plus aisé de travailler contre la Chine qu’avec elle. Cette hypothèse sera sûrement mise à l’épreuve dans les semaines et les mois à venir.
Traduit de l’anglais par François Boisivon