NEW YORK – Le président américain Donald Trump a annoncé ce que beaucoup craignaient depuis longtemps : il ne certifiera pas que l’Iran se conforme au « Plan d’action global conjoint » (JCPOA) conclu en juillet 2015 par les États-Unis, la Chine, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Iran. Il ne certifiera pas non plus que la suspension des sanctions entreprise par les États-Unis dans le cadre de l’accord est justifiée, ni qu’elle s’inscrit dans l’intérêt national vital de l’Amérique.
Pour être précis, ces certifications ne sont pas requises par le JCPOA, mais elles le sont tout les 90 jours en vertu d’une loi promulguée par le Congrès américain peu après la signature de l’accord. Il est également essentiel de souligner que Trump ne se retire pas du JCPOA en lui-même. Le président américain choisit davantage le compromis : faire valoir clairement son mépris pour l’accord, sans pour autant en sortir, ni réintroduire les sanctions qui ont été levées en vertu de l’accord (décision qui équivaudrait à un retrait des États-Unis).
La prochaine étape est incertaine. Bien que le Congrès dispose de 60 jours pour réintroduire tout ou partie des sanctions suspendues, il est peu probable que cela se produise. Il est en revanche possible que le Congrès impose des sanctions nouvelles, liées aux agissements de l’Iran en Syrie et ailleurs dans la région. C’est dans cette perspective que Trump a annoncé son intention d’imposer des sanctions supplémentaires au corps des Gardiens de la révolution islamique d’Iran.
Si les États-Unis décidaient d’imposer de nouvelles sanctions, pour quelque motif et à quelque période que ce soit, ils se retrouveraient probablement isolés. Les Européens, la Chine et la Russie ne rejoindraient en effet certainement pas l’Amérique, non seulement en raison de leurs propres intérêts financiers, mais tout simplement dans la mesure où l’Iran se conforme bel et bien au JCPOA. C’est un point que soulignent les inspecteurs internationaux qui opèrent sous les auspices de l’ONU, ainsi que plusieurs hauts dirigeants américains parmi lesquels le Secrétaire de la Défense, Jim Mattis.
Affirmer que l’Iran ne se conformerait pas à l’esprit du JCPOA, comme le font certains aux États-Unis, est dénué se sens : l’« esprit » n’a aucune valeur juridique. Et bien qu’il y ait du sens à affirmer que nombre d’agissements de l’Iran dans la région constituent une source légitime d’inquiétude, cela ne saurait justifier la réintroduction de sanctions en vertu de l’accord.
Dans l’absolu, il pourrait être tentant de renégocier le JCPOA afin de prolonger la durée de plusieurs de ses contraintes, de permettre des inspections plus poussées, et d’étendre son champ d’application sur la question des missiles. Seulement voilà, c’est tout à fait impossible en pratique, dans la mesure où l’Iran et la plupart (voire la totalité) des autres signataires du JCPOA rejetteraient de telles demandes. Ainsi, la menace de mettre un terme à la participation de l’Amérique à cet accord, si ces changements ne sont pas actés, constitue une démarche stérile, voire autodestructrice.
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Il ne s’agit pas ici d’affirmer que le JCPOA serait l’accord idéal. Pour autant, le refus de certification de Trump est une décision injustifiée et malavisée. Cet accord est le fruit d’un effort collectif. L’unilatéralisme américain risque désormais de rendre beaucoup plus difficile à l’avenir la construction d’un front commun face à l’Iran.
La décision de Trump est également mauvaise pour la politique étrangère américaine. La grandeur d’une puissance mondiale repose sur un présomption de continuité. Bien que l’imprévisibilité confère parfois un avantage stratégique, elle constitue également une faille stratégique.
Un parallèle est ici évident avec la Corée du Nord. Tôt ou tard, les États-Unis pourraient estimer que la diplomatie a son rôle à jouer dans la gestion des défis que représentent le programme nucléaire et les missiles nord-coréens. Or, la capacité de l’Amérique à proposer une voie diplomatique crédible sera considérablement mise à mal si d’autres interlocuteurs jugent qu’elle n’est pas de confiance lorsqu’il s’agit de respecter les accords signés.
Intervient également un problème plus immédiat : si les États-Unis amorcent une dynamique en direction de l’effondrement du JCPOA, et que l’Iran reprend ses activités nucléaires interdites en vertu de l’accord, un crise surviendra alors même que les États-Unis ont beaucoup à faire avec la Corée du Nord.
Malgré ces considérations, ce serait également une erreur que de se focaliser uniquement sur l’annonce américaine, en ignorant le comportement iranien. Au court terme, le monde a besoin de faire face à un Iran qui est une puissance impérialiste, et qui cherche à refaçonner à son image une grande partie du Moyen-Orient. Une politique d’endiguement de l’Iran dans la région est nécessaire – impliquant notamment un soutien aux kurdes du nord de l’Irak et de la Syrie, ainsi qu’à d’autres groupes et pays qui résistent à l’Iran.
À plus long terme, le défi consiste à remédier aux failles du JCPOA, et notamment à son caractère temporaire. L’accord « reporte » le problème nucléaire, sans pour autant le résoudre. D’importantes dispositions de l’accord expireront dans 8 à 13 ans. Au-delà, les inspections n’empêcheront plus l’Iran de mettre en place nombre des prérequis nécessaires à un programme d’armes nucléaires, qui pourrait devenir opérationnel sans déclencher de véritable signal d’alarme.
Nous ne pouvons faire le pari, comme le font certains, selon lequel les intentions et comportements de l’Iran s’apaiseront au cours des 10 à 15 prochaines années. Au contraire, il faut s’attendre à ce que l’Iran demeure un régime hybride, dans lequel le gouvernement coexiste avec une autorité religieuse permanente, ainsi qu’avec de puissances forces militaires et unités de renseignement qui exercent une influence politique considérable, et qui opèrent largement en dehors du contrôle du gouvernement.
Faire face à un Iran puissant et ambitieux implique par conséquent une multitude de défis non résolus, qui caractérisent un Moyen-Orient en proie aux conflits. Mais y faire face en l’absence du JCPOA deviendrait autrement plus difficile encore.
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Anders Åslund
considers what the US presidential election will mean for Ukraine, says that only a humiliating loss in the war could threaten Vladimir Putin’s position, urges the EU to take additional steps to ensure a rapid and successful Ukrainian accession, and more.
NEW YORK – Le président américain Donald Trump a annoncé ce que beaucoup craignaient depuis longtemps : il ne certifiera pas que l’Iran se conforme au « Plan d’action global conjoint » (JCPOA) conclu en juillet 2015 par les États-Unis, la Chine, la Russie, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Iran. Il ne certifiera pas non plus que la suspension des sanctions entreprise par les États-Unis dans le cadre de l’accord est justifiée, ni qu’elle s’inscrit dans l’intérêt national vital de l’Amérique.
Pour être précis, ces certifications ne sont pas requises par le JCPOA, mais elles le sont tout les 90 jours en vertu d’une loi promulguée par le Congrès américain peu après la signature de l’accord. Il est également essentiel de souligner que Trump ne se retire pas du JCPOA en lui-même. Le président américain choisit davantage le compromis : faire valoir clairement son mépris pour l’accord, sans pour autant en sortir, ni réintroduire les sanctions qui ont été levées en vertu de l’accord (décision qui équivaudrait à un retrait des États-Unis).
La prochaine étape est incertaine. Bien que le Congrès dispose de 60 jours pour réintroduire tout ou partie des sanctions suspendues, il est peu probable que cela se produise. Il est en revanche possible que le Congrès impose des sanctions nouvelles, liées aux agissements de l’Iran en Syrie et ailleurs dans la région. C’est dans cette perspective que Trump a annoncé son intention d’imposer des sanctions supplémentaires au corps des Gardiens de la révolution islamique d’Iran.
Si les États-Unis décidaient d’imposer de nouvelles sanctions, pour quelque motif et à quelque période que ce soit, ils se retrouveraient probablement isolés. Les Européens, la Chine et la Russie ne rejoindraient en effet certainement pas l’Amérique, non seulement en raison de leurs propres intérêts financiers, mais tout simplement dans la mesure où l’Iran se conforme bel et bien au JCPOA. C’est un point que soulignent les inspecteurs internationaux qui opèrent sous les auspices de l’ONU, ainsi que plusieurs hauts dirigeants américains parmi lesquels le Secrétaire de la Défense, Jim Mattis.
Affirmer que l’Iran ne se conformerait pas à l’esprit du JCPOA, comme le font certains aux États-Unis, est dénué se sens : l’« esprit » n’a aucune valeur juridique. Et bien qu’il y ait du sens à affirmer que nombre d’agissements de l’Iran dans la région constituent une source légitime d’inquiétude, cela ne saurait justifier la réintroduction de sanctions en vertu de l’accord.
Dans l’absolu, il pourrait être tentant de renégocier le JCPOA afin de prolonger la durée de plusieurs de ses contraintes, de permettre des inspections plus poussées, et d’étendre son champ d’application sur la question des missiles. Seulement voilà, c’est tout à fait impossible en pratique, dans la mesure où l’Iran et la plupart (voire la totalité) des autres signataires du JCPOA rejetteraient de telles demandes. Ainsi, la menace de mettre un terme à la participation de l’Amérique à cet accord, si ces changements ne sont pas actés, constitue une démarche stérile, voire autodestructrice.
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La décision de Trump est également mauvaise pour la politique étrangère américaine. La grandeur d’une puissance mondiale repose sur un présomption de continuité. Bien que l’imprévisibilité confère parfois un avantage stratégique, elle constitue également une faille stratégique.
Un parallèle est ici évident avec la Corée du Nord. Tôt ou tard, les États-Unis pourraient estimer que la diplomatie a son rôle à jouer dans la gestion des défis que représentent le programme nucléaire et les missiles nord-coréens. Or, la capacité de l’Amérique à proposer une voie diplomatique crédible sera considérablement mise à mal si d’autres interlocuteurs jugent qu’elle n’est pas de confiance lorsqu’il s’agit de respecter les accords signés.
Intervient également un problème plus immédiat : si les États-Unis amorcent une dynamique en direction de l’effondrement du JCPOA, et que l’Iran reprend ses activités nucléaires interdites en vertu de l’accord, un crise surviendra alors même que les États-Unis ont beaucoup à faire avec la Corée du Nord.
Malgré ces considérations, ce serait également une erreur que de se focaliser uniquement sur l’annonce américaine, en ignorant le comportement iranien. Au court terme, le monde a besoin de faire face à un Iran qui est une puissance impérialiste, et qui cherche à refaçonner à son image une grande partie du Moyen-Orient. Une politique d’endiguement de l’Iran dans la région est nécessaire – impliquant notamment un soutien aux kurdes du nord de l’Irak et de la Syrie, ainsi qu’à d’autres groupes et pays qui résistent à l’Iran.
À plus long terme, le défi consiste à remédier aux failles du JCPOA, et notamment à son caractère temporaire. L’accord « reporte » le problème nucléaire, sans pour autant le résoudre. D’importantes dispositions de l’accord expireront dans 8 à 13 ans. Au-delà, les inspections n’empêcheront plus l’Iran de mettre en place nombre des prérequis nécessaires à un programme d’armes nucléaires, qui pourrait devenir opérationnel sans déclencher de véritable signal d’alarme.
Nous ne pouvons faire le pari, comme le font certains, selon lequel les intentions et comportements de l’Iran s’apaiseront au cours des 10 à 15 prochaines années. Au contraire, il faut s’attendre à ce que l’Iran demeure un régime hybride, dans lequel le gouvernement coexiste avec une autorité religieuse permanente, ainsi qu’avec de puissances forces militaires et unités de renseignement qui exercent une influence politique considérable, et qui opèrent largement en dehors du contrôle du gouvernement.
Faire face à un Iran puissant et ambitieux implique par conséquent une multitude de défis non résolus, qui caractérisent un Moyen-Orient en proie aux conflits. Mais y faire face en l’absence du JCPOA deviendrait autrement plus difficile encore.
Traduit de l’anglais par Martin Morel