Winnipeg – Le Président Barack Obama a promis une révolution énergétique pour la plus grande économie mondiale, avec des sources renouvelables d’énergies et des technologies ‘vertes’ afin de rompre avec la dépendance américaine, et à terme celle du monde, aux combustibles conventionnels. Les bénéfices environnementaux, stratégiques et économiques (un usage réduit de combustibles fossiles émetteurs de carbone, moins de dépendance sur les exportateurs de gaz et de pétrole politiquement volatiles, et la création de millions d’emplois bien rémunérés) ne donnent pas lieu à controverse. Mais cette vision est-elle vraiment réalisteamp#160;?
Il n’y a qu’une sorte d’énergie primaire (énergie issue de ressources naturelles) que les premières civilisations du Moyen-Orient et de l’Asie de l’est et leurs successeurs préindustriels ne connaissaient pas : les isotopes des éléments lourds dont la fission nucléaire est utilisée depuis la fin des années 50 pour générer de la chaleur, qui à son tour, produit de la vapeur pour les turbogénérateurs d’électricité modernes. Toutes les autres ressources d’énergie sont connues depuis des millénaires et la plupart ont été exploitées par les sociétés pré-modernes.
La différence fondamentale entre les utilisations traditionnelles et modernes de l’énergie ne consiste pas à l’accession à de nouvelles ou à de meilleures ressources énergétiques, mais dans l’invention et le déploiement à grande échelle de ‘forces motrices’ amp#160;efficaces, abordables, sûres et pratiques, de dispositifs qui convertissent les énergies primaires en énergie mécanique, en électricité ou en chaleur. L’Histoire profiterait d’un découpage en ères définies par les forces motrices dominantes. amp#160;
La plus longue période (depuis les premiers hominidés jusqu’à la domestication des animaux) constitue l’age durant lequel les muscles de l’homme étaient la seule force motrice. Puis vinrent les animaux de traits et le remplacement progressif des forces motrices animales par des forces motrices mécaniques, telles que la voile et la roue, qui capturent les flux d’énergies naturelles.
Une étape fondamentale dans ce découpage millénaire fut la généralisation de l’utilisation de la première force motrice mécanique pratique, capable de convertir la combustion du feu ou de combustible – la machine à vapeur de James Watt, conçue dans les années 1780. Des versions de plus en plus efficaces de cette première force motrice ont été au cœur de la modernisation du monde occidental jusqu’à la première décennie du XXème siècle. amp#160;
Dans les années 1830, les premières turbines hydrauliques marquèrent le début de la fin de l’ère de la roue à eau. Les deux étapes clés suivantes vinrent dans les années 1880, avec l’invention par Benz, Daimler et Maybach du moteur à explosion alimenté à l’essence Otto et le brevet de amp#160;la turbine à vapeur de Charles Parsons. Les années 1890 furent les témoins de l’arrivée de la version bien plus efficace du moteur à explosion alimenté au carburant liquide de Rudolf Diesel.
Il n’y a qu’une seule force motrice à ajouter à cette séquence. La turbine à gaz fut conçue au début du vingtième siècle, mais ses premiers prototypes exploitables (à la fois statiques et pour le vol) n’arrivèrent que pendant les années 30 pour se généraliser rapidement dans les années 50.
La force motrice la plus utilisée aujourd’hui – installée sur plus d’un milliard de véhicules routiers et non routiers, de navires, d’avions et sur un nombre incalculable de machines et d’outils – est le moteur à essence à explosion, qui n’a pas connu de modifications fondamentales depuis les années 1880. La mondialisation économique n’aurait pas été possible sans les moteurs diesel qui alimentent les énormes tankers de gaz naturel liquéfié ou brut, les navires cargo qui transportent du minerai de fer ou des céréales et les gros porte-conteneurs : certains d’entre eux ont des capacités proches des 100 MW, mais leur conception de base fut maîtrisée dans les vingt années qui ont suivi les essais de Diesel sur son dernier prototype de 1897.
Une grande partie de l’électricité mondiale est générée par les turbines à vapeur des centrales à flamme ou nucléaires. Parsons y retrouverait toutes les caractéristiques principales de son invention datant maintenant de plus de 120 ans, avec des capacités plus importantes et une meilleure efficacité. Les vols intercontinentaux seraient un défi encore plus grand sans les turbines à gaz inventées dans les années 30 par Joachim Pabst von Ohain et Frank Whittle (lequel avait déjà pensé aux turboréacteurs, les plus utilisées aujourd’hui, avant même qu’il ne mette au point le premier turbojet).
Ces faits offrent trois conclusions évidentes, bien que sous-estimées, sur les forces motrices mécaniques qui sont le fondement de notre progrès économique. En premier lieu, ces forces motrices sont remarquablement inertes du fait de leur nombre important et des infrastructures nécessaires à leur fonctionnement, souvent coûteuses et imposantes. Il y a eu peu de véritable innovation depuis les premières commercialisations de ces forces motrices il y a un peu plus d’un siècle (turbines hydrauliques, à vapeur, moteurs à explosion) ou il y a une cinquantaine d’années (turbines à gaz).
En second lieu, il faut du temps, parfois même des dizaines d’années pour opérer une transition vers de nouvelles forces motrices. Il y a peu d’éléments aujourd’hui qui permettraient de penser que les turbines à vapeur ne continueront pas à générer la majorité de notre électricité pour les décennies à venir, ou que les turbines à gaz vont être bientôt remplacées. Les récents développements montrent que les moteurs automobiles à combustion ne sont amp#160;pas prêts d’être remplacés par des moteurs électriques ou par des piles à combustible, malgré l’enthousiasme ambiant.
Enfin, plus une force motrice est déployée à grande échelle, plus il faudra de temps pour opérer la substitution. Il y a un siècle, le monde recourait au charbon, et à un faible volume de pétrole, approximativement 0,7 TWamp#160;; mais en amp#160;2008, les énergies commercialement installées – combustibles fossiles et électricité primaire (hydraulique et nucléaire) – représentent un taux de presque 15 TW. Il est évident que cette échelle freine l’introduction de nouvelles forces motrices pour remplacer de façon significative les dispositifs anciens.
Par exemple, si 20% de l’électricité mondiale devait être générée par des éoliennes, alors, compte tenu de leur faible rendement d’environ 25% (comparé aux 75% des stations thermiques fonctionnant avec des turbines à vapeur), nous devrions installer de nouvelles capacités de l’ordre de 1,25 TW dans ces machines. Même avec des grosses turbines de 3 MW, cela nécessiterait plus de 400 000 nouvelles grandes éoliennes à triples pales géantes. Cela demandera bien quelques dizaines d’années. amp#160;
Winnipeg – Le Président Barack Obama a promis une révolution énergétique pour la plus grande économie mondiale, avec des sources renouvelables d’énergies et des technologies ‘vertes’ afin de rompre avec la dépendance américaine, et à terme celle du monde, aux combustibles conventionnels. Les bénéfices environnementaux, stratégiques et économiques (un usage réduit de combustibles fossiles émetteurs de carbone, moins de dépendance sur les exportateurs de gaz et de pétrole politiquement volatiles, et la création de millions d’emplois bien rémunérés) ne donnent pas lieu à controverse. Mais cette vision est-elle vraiment réalisteamp#160;?
Il n’y a qu’une sorte d’énergie primaire (énergie issue de ressources naturelles) que les premières civilisations du Moyen-Orient et de l’Asie de l’est et leurs successeurs préindustriels ne connaissaient pas : les isotopes des éléments lourds dont la fission nucléaire est utilisée depuis la fin des années 50 pour générer de la chaleur, qui à son tour, produit de la vapeur pour les turbogénérateurs d’électricité modernes. Toutes les autres ressources d’énergie sont connues depuis des millénaires et la plupart ont été exploitées par les sociétés pré-modernes.
La différence fondamentale entre les utilisations traditionnelles et modernes de l’énergie ne consiste pas à l’accession à de nouvelles ou à de meilleures ressources énergétiques, mais dans l’invention et le déploiement à grande échelle de ‘forces motrices’ amp#160;efficaces, abordables, sûres et pratiques, de dispositifs qui convertissent les énergies primaires en énergie mécanique, en électricité ou en chaleur. L’Histoire profiterait d’un découpage en ères définies par les forces motrices dominantes. amp#160;
La plus longue période (depuis les premiers hominidés jusqu’à la domestication des animaux) constitue l’age durant lequel les muscles de l’homme étaient la seule force motrice. Puis vinrent les animaux de traits et le remplacement progressif des forces motrices animales par des forces motrices mécaniques, telles que la voile et la roue, qui capturent les flux d’énergies naturelles.
Une étape fondamentale dans ce découpage millénaire fut la généralisation de l’utilisation de la première force motrice mécanique pratique, capable de convertir la combustion du feu ou de combustible – la machine à vapeur de James Watt, conçue dans les années 1780. Des versions de plus en plus efficaces de cette première force motrice ont été au cœur de la modernisation du monde occidental jusqu’à la première décennie du XXème siècle. amp#160;
Dans les années 1830, les premières turbines hydrauliques marquèrent le début de la fin de l’ère de la roue à eau. Les deux étapes clés suivantes vinrent dans les années 1880, avec l’invention par Benz, Daimler et Maybach du moteur à explosion alimenté à l’essence Otto et le brevet de amp#160;la turbine à vapeur de Charles Parsons. Les années 1890 furent les témoins de l’arrivée de la version bien plus efficace du moteur à explosion alimenté au carburant liquide de Rudolf Diesel.
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Il n’y a qu’une seule force motrice à ajouter à cette séquence. La turbine à gaz fut conçue au début du vingtième siècle, mais ses premiers prototypes exploitables (à la fois statiques et pour le vol) n’arrivèrent que pendant les années 30 pour se généraliser rapidement dans les années 50.
La force motrice la plus utilisée aujourd’hui – installée sur plus d’un milliard de véhicules routiers et non routiers, de navires, d’avions et sur un nombre incalculable de machines et d’outils – est le moteur à essence à explosion, qui n’a pas connu de modifications fondamentales depuis les années 1880. La mondialisation économique n’aurait pas été possible sans les moteurs diesel qui alimentent les énormes tankers de gaz naturel liquéfié ou brut, les navires cargo qui transportent du minerai de fer ou des céréales et les gros porte-conteneurs : certains d’entre eux ont des capacités proches des 100 MW, mais leur conception de base fut maîtrisée dans les vingt années qui ont suivi les essais de Diesel sur son dernier prototype de 1897.
Une grande partie de l’électricité mondiale est générée par les turbines à vapeur des centrales à flamme ou nucléaires. Parsons y retrouverait toutes les caractéristiques principales de son invention datant maintenant de plus de 120 ans, avec des capacités plus importantes et une meilleure efficacité. Les vols intercontinentaux seraient un défi encore plus grand sans les turbines à gaz inventées dans les années 30 par Joachim Pabst von Ohain et Frank Whittle (lequel avait déjà pensé aux turboréacteurs, les plus utilisées aujourd’hui, avant même qu’il ne mette au point le premier turbojet).
Ces faits offrent trois conclusions évidentes, bien que sous-estimées, sur les forces motrices mécaniques qui sont le fondement de notre progrès économique. En premier lieu, ces forces motrices sont remarquablement inertes du fait de leur nombre important et des infrastructures nécessaires à leur fonctionnement, souvent coûteuses et imposantes. Il y a eu peu de véritable innovation depuis les premières commercialisations de ces forces motrices il y a un peu plus d’un siècle (turbines hydrauliques, à vapeur, moteurs à explosion) ou il y a une cinquantaine d’années (turbines à gaz).
En second lieu, il faut du temps, parfois même des dizaines d’années pour opérer une transition vers de nouvelles forces motrices. Il y a peu d’éléments aujourd’hui qui permettraient de penser que les turbines à vapeur ne continueront pas à générer la majorité de notre électricité pour les décennies à venir, ou que les turbines à gaz vont être bientôt remplacées. Les récents développements montrent que les moteurs automobiles à combustion ne sont amp#160;pas prêts d’être remplacés par des moteurs électriques ou par des piles à combustible, malgré l’enthousiasme ambiant.
Enfin, plus une force motrice est déployée à grande échelle, plus il faudra de temps pour opérer la substitution. Il y a un siècle, le monde recourait au charbon, et à un faible volume de pétrole, approximativement 0,7 TWamp#160;; mais en amp#160;2008, les énergies commercialement installées – combustibles fossiles et électricité primaire (hydraulique et nucléaire) – représentent un taux de presque 15 TW. Il est évident que cette échelle freine l’introduction de nouvelles forces motrices pour remplacer de façon significative les dispositifs anciens.
Par exemple, si 20% de l’électricité mondiale devait être générée par des éoliennes, alors, compte tenu de leur faible rendement d’environ 25% (comparé aux 75% des stations thermiques fonctionnant avec des turbines à vapeur), nous devrions installer de nouvelles capacités de l’ordre de 1,25 TW dans ces machines. Même avec des grosses turbines de 3 MW, cela nécessiterait plus de 400 000 nouvelles grandes éoliennes à triples pales géantes. Cela demandera bien quelques dizaines d’années. amp#160;