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La dernière frontière des ressources

OXFORD – Dans la décennie à venir, l’exploitation du pétrole, du gaz, et du minerai de fer représentera de loin la plus importante opportunité économique dans l’histoire de l’Afrique. L’Afrique est la dernière frontière pour la découverte de ressources, ayant été longtemps relativement négligée par les sociétés minières et d’exploitation d’autres ressources compte tenu de conditions politiques difficiles. Mais la hausse des prix des matières premières vient à bout des réticences, et la prospection crée une multitude de nouvelles découvertes.  

Dans la mesure où le taux d’exploitation des ressources au kilomètre carré en Afrique représente environ de 20% de la moyenne de l’OCDE, le total du volume d’exploitation pourrait aisément être multiplié par cinq. Les prix élevés et la découverte de nouveaux gisements génèreront des flux financiers tellement importants qu’ils pourraient, si gérés de manière appropriée, profondément transformer les régions pauvres de l’Afrique en régions très prospères. Les revenus issus de ces gisements éclipseront toute autre forme de flux financiers sur le continent.

Mais, trop souvent dans l’histoire de l’Afrique, l’argent qui aurait du permettre de financer des investissement productifs a été pillé ou gaspillé. Le défi aujourd’hui est d’éviter que ne se répète la triste histoire d’exploitation du continent au cours de cette nouvelle ère d’extraction massive des ressources.

Ces ressources naturelles seront-elles donc pillées, ou bien exploitées au bénéfice du développement ? Plusieurs facteurs seront déterminants. La première tâche consiste à consacrer à la société dans son ensemble suffisamment de la valeur des ressources extraites. Ceci requière donc une procédure appropriée, basée sur une concurrence transparente dans la vente initiale des droits de prospection, ainsi qu’un système fiscal bien conçu pour percevoir les revenus issus des profits subséquents des entreprises.

Certaines ventes de droits de prospection récentes en Afrique ont très visiblement manqué de transparence et de caractère concurrentiel. En Guinée, par exemple, les droits apparemment accordés sans bénéfice significatif pour le trésor public ont été rapidement revendus pour plusieurs milliards d’euros.

Ensuite, une part substantielle des revenus devrait être investie en actifs plutôt qu’utilisés pour la consommation. Agir autrement constituerait une atteinte aux futures générations, à qui appartiennent aussi ces ressources naturelles.

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Malheureusement, ces droits sont souvent violés. Le Cameroun, par exemple, a épuisé une grande part de ses réserves de pétrole, imputant exagérément les revenus obtenus au profit de la consommation. Il en résulte que son niveau actuel de consommation sera insoutenable lorsque ses réserves de pétrole seront effectivement épuisées.

Enfin, ces revenus devraient être soumis à un examen public et leur utilisation optimale, à la fois en terme d’investissements et de consommation, doit être assurée par des mécanismes institutionnels qui imposent des responsabilités claires aux fonctionnaires concernés.

Mais une simple transparence sur les revenus et les dépenses ne suffira pas à assurer une bonne utilisation des ressources naturelles. Les nombreuses décisions nécessaires à la bonne réussite de ce processus doivent être mises en ouvre de façon systématique et non occasionnelle, bien que sans une telle transparence, les risques de corruption et de mauvaise utilisation soient à l’évidence plus élévés.

La transparence permettrait aussi d’établir la confiance entre les sociétés exploitantes et les communautés locales. Jusqu’à présent, les communautés situées dans le voisinage des sites d’exploitation ont souvent été hostiles au processus, se percevant victimes de dommages environnementaux, tandis que les élites locales et les sociétés étrangères sont présumées les principales bénéficiaires.

Une telle hostilité rend les opérations locales des industries exploitantes problématiques et coûteuses, comme en témoigne l’expérience de la Royal Dutch Shell dans le delta du Niger. Les attaques sur les installations ont souvent atteint un niveau tel que les réserves globales sont nettement diminuées et moins sûres. Donc, sans transparence sur les revenus et leur utilisation, les sociétés d’exploitation deviennent inévitablement les cibles de la suspicion locale.

La presque totalité de l’exploitation des ressources en Afrique est gérée par des sociétés étrangères, parce qu’elles seules ont les compétences techniques nécessaires. Ceci confère un rôle important aux juridictions dans les lesquelles ces sociétés sont enregistrées, car elles ont le pouvoir d’établir les règles de fonctionnement des industries exploitantes. Nombre de ces sociétés sont basées en Europe, accordant ainsi une grande part du pouvoir au Parlement Européen.

Les règles américaines et européennes sont en mesure d’exiger la transparence de la part de leurs sociétés d’exploitation de ressources, mais il y a encore de nombreuses autres sociétés qui dépendent d’autres juridictions. Le principal centre financier pour les plus petites entreprises au sein de l’OCDE est Toronto, mais le parlement canadien n’est pas parvenu à voter des obligations équivalentes pour ces sociétés. 360 sociétés australiennes d’exploitation opèrent aussi actuellement en Afrique.

Quoiqu’il en soit, les principaux nouveaux acteurs de l’exploitation des ressources ne sont pas membres de l’OCDE. Globalement, la seconde société la plus importante est Vale, basée au Brésil, et les Chinois constituent désormais la plus importante présence étrangère en Afrique, bien que la Chine ait déjà un certain niveau de législation sur la transparence à sa disposition, compte tenu des obligations de divulgation exigées de la place financière de Hong Kong.

Il faut maintenant des standards globaux d’application de la transparence. Le forum approprié pour une telle action gouvernementale collective est le G20, dont la prochaine réunion sera organisée et présidée par la France.

Une surveillance globale de l’exploitation des ressources est une question de développement économique parfaite pour le G20, maintenant qu’il a été admis que les engagements de façade d’aide aux pays pauvres qui étaient l’apanage des réunions du G8 n’étaient rien d’autre que du vent. Si le G20 veut être efficace en tant qu’instrument de développement, il devrait commencer par aborder la seule source majeure de flux financier que l’Afrique et d’autre régions à faibles revenus vont attirer au cours de cette nouvelle décennie.

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