CAMBRIDGE – Il n’y a aucun doute quant au fait que l’économie américaine s’est fortement reprise à la fin 2010. Mais dans quelle mesure cette reprise est-elle due à la politique non conventionnelle de « quantitative easing » menée temporairement par la Réserve Fédérale américaine ? Et quelles sont les conséquences de la réponse à la question précédente sur les perspectives économiques des USA en 2011 ?
Jusqu’au quatrième trimestre de l’année dernière, la reprise économique américaine, qui a commencé à l’été 2009, était franchement anémique. Durant les trois premiers trimestres de 2010, la croissance annuelle du PIB s’est élevée à seulement 2.6% environ – dont la plupart était juste une reconstitution de stock. Sans les investissements d’inventaires, le taux de croissance des ventes finales s’élevait à moins de 1%.
Mais le quatrième trimestre s’est révélé très différent. Le PIB annuel a augmenté de 3,2% et la croissance des ventes finales a bondi à un impressionnant 7,1% en base annuelle. Certes, une part importante de cette croissance était due à une forte diminution des importations ; toutefois, même le taux de croissance des ventes finales aux consommateurs domestiques a augmenté à un bon 3,4%.
La composante principale derrière l’augmentation des ventes finales a été une puissante reprise des dépenses de consommation. Les dépenses de consommation personnelle ont connu une croissance robuste de 4,4% en terme réel, poussées par une explosion des achats de biens durables de consommation à 21%. Ceci implique que l’accélération de la croissance des dépenses de consommation explique presque 100% de la croissance du PIB, et l’augmentation des dépenses sur les biens durables en explique près de la moitié.
Cependant, l’augmentation des dépenses de consommation n’était pas due à une augmentation de l’emploi ou du revenu. Au contraire, elle reflétait une chute du taux d’épargne personnelle. L’épargne des ménages était passée de moins de 2% du revenu net en 2007 à 6,3% au printemps 2010. Mais, après cela le taux d’épargne s’est rétracté d’un point de pourcentage, atteignant 5,3% en décembre 2010.
Une raison probable de la diminution du taux d’épargne, et de l’augmentation des dépenses de consommation qui en a résulté, est la forte croissance boursière, qui a atteint 15% entre août et la fin de l’année. Cela est évidemment ce que la Fed avait espéré.
Lors de la conférence annuelle de la Fed à Jackson Hole, Wyoming au mois d’août, le Président de la Fed Ben Bernanke avait expliqué qu’il considérait la possibilité d’un nouveau round de « quantitative easing » (baptisée QE2). La Fed proposait d’acheter un volume important d’obligations du Trésor de long terme, en vue d’encourager les détenteurs d’obligations à convertir leur richesse en actions. L’augmentation du prix des actions qui en résulterait permettrait d’augmenter la richesse des ménages et de fournir un nouveau stimulus aux dépenses de consommation.
Bien entendu, il n’existe aucune preuve que QE2 explique la croissance boursière, ni d’ailleurs que cette dernière ait causé l’augmentation des dépenses de consommation. Cependant, le timing de la croissance boursière, ainsi que l’absence de toute autre raison pouvant expliquer la forte augmentation des dépenses, rendent très plausible cette chaine d’évènements.
L’ampleur de la relation théorique entre croissances boursière et des dépenses de consommation semble également concorder avec les données. Etant donné que la détention d’actions (y compris les fonds d’investissement) par les ménages américains représente approximativement 17 trillions de dollars, une augmentation de 15% du prix des actions augmente la richesse des ménages de 2,5 trillions de dollars environ. La relation historique entre richesse et dépenses de consommation implique que chaque 100 dollars de richesse additionnelle engendrent une augmentation des dépenses d’environ quatre dollars. Par conséquent, on s’attend à ce que 2,5 trillions de dollars de richesse en plus augmentent les dépenses de consommation d’environ 100 milliards de dollars.
Ce montant correspond à la chute de l’épargne des ménages et l’augmentation parallèle des dépenses de consommation observées au quatrième trimestre. Le revenu net total des ménages américains étant de 11,4 trillions de dollars, une diminution d’un point de pourcentage du taux d’épargne signifie un déclin de l’épargne et une augmentation correspondante des dépenses de consommation de l’ordre de 114 milliards de dollars – ce qui est très proche de l’augmentation des dépenses impliquée par l’effet richesse provenant de l’expansion boursière observée.
Tout cela n’augure rien de bon pour 2011. Il n’y a aucune raison de penser que la croissance boursière se poursuivra au rythme élevé de 2010. Les politiques de quantitative easing doivent se terminer à la fin juin 2011 et on ne s’attend pas à ce que la Fed continue ses achats massifs de bons du Trésor après cette date.
Sans cette augmentation de richesse boursière, le taux d’épargne continuera-t-il à décliner et le rythme de la croissance des dépenses de consommation continuera-t-il à dépasser celui du PIB ? Est-ce que la forte croissance économique de la fin 2010 sera suffisante pour encourager davantage de dépenses des ménages et des entreprises en 2011, même si les prix immobiliers continuent à chuter et le marché de l’emploi demeure faible ? Et le soutien artificiel du marché des obligations et des actions implique-t-il que les prix des actifs actuels constituent une bulle pouvant éclater avant la fin de l’année ?
Bien sûr, la réponse viendra avec le temps. Mais ces questions sont celles que les investisseurs et les décideurs politiques devraient se poser.
CAMBRIDGE – Il n’y a aucun doute quant au fait que l’économie américaine s’est fortement reprise à la fin 2010. Mais dans quelle mesure cette reprise est-elle due à la politique non conventionnelle de « quantitative easing » menée temporairement par la Réserve Fédérale américaine ? Et quelles sont les conséquences de la réponse à la question précédente sur les perspectives économiques des USA en 2011 ?
Jusqu’au quatrième trimestre de l’année dernière, la reprise économique américaine, qui a commencé à l’été 2009, était franchement anémique. Durant les trois premiers trimestres de 2010, la croissance annuelle du PIB s’est élevée à seulement 2.6% environ – dont la plupart était juste une reconstitution de stock. Sans les investissements d’inventaires, le taux de croissance des ventes finales s’élevait à moins de 1%.
Mais le quatrième trimestre s’est révélé très différent. Le PIB annuel a augmenté de 3,2% et la croissance des ventes finales a bondi à un impressionnant 7,1% en base annuelle. Certes, une part importante de cette croissance était due à une forte diminution des importations ; toutefois, même le taux de croissance des ventes finales aux consommateurs domestiques a augmenté à un bon 3,4%.
La composante principale derrière l’augmentation des ventes finales a été une puissante reprise des dépenses de consommation. Les dépenses de consommation personnelle ont connu une croissance robuste de 4,4% en terme réel, poussées par une explosion des achats de biens durables de consommation à 21%. Ceci implique que l’accélération de la croissance des dépenses de consommation explique presque 100% de la croissance du PIB, et l’augmentation des dépenses sur les biens durables en explique près de la moitié.
Cependant, l’augmentation des dépenses de consommation n’était pas due à une augmentation de l’emploi ou du revenu. Au contraire, elle reflétait une chute du taux d’épargne personnelle. L’épargne des ménages était passée de moins de 2% du revenu net en 2007 à 6,3% au printemps 2010. Mais, après cela le taux d’épargne s’est rétracté d’un point de pourcentage, atteignant 5,3% en décembre 2010.
Une raison probable de la diminution du taux d’épargne, et de l’augmentation des dépenses de consommation qui en a résulté, est la forte croissance boursière, qui a atteint 15% entre août et la fin de l’année. Cela est évidemment ce que la Fed avait espéré.
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Lors de la conférence annuelle de la Fed à Jackson Hole, Wyoming au mois d’août, le Président de la Fed Ben Bernanke avait expliqué qu’il considérait la possibilité d’un nouveau round de « quantitative easing » (baptisée QE2). La Fed proposait d’acheter un volume important d’obligations du Trésor de long terme, en vue d’encourager les détenteurs d’obligations à convertir leur richesse en actions. L’augmentation du prix des actions qui en résulterait permettrait d’augmenter la richesse des ménages et de fournir un nouveau stimulus aux dépenses de consommation.
Bien entendu, il n’existe aucune preuve que QE2 explique la croissance boursière, ni d’ailleurs que cette dernière ait causé l’augmentation des dépenses de consommation. Cependant, le timing de la croissance boursière, ainsi que l’absence de toute autre raison pouvant expliquer la forte augmentation des dépenses, rendent très plausible cette chaine d’évènements.
L’ampleur de la relation théorique entre croissances boursière et des dépenses de consommation semble également concorder avec les données. Etant donné que la détention d’actions (y compris les fonds d’investissement) par les ménages américains représente approximativement 17 trillions de dollars, une augmentation de 15% du prix des actions augmente la richesse des ménages de 2,5 trillions de dollars environ. La relation historique entre richesse et dépenses de consommation implique que chaque 100 dollars de richesse additionnelle engendrent une augmentation des dépenses d’environ quatre dollars. Par conséquent, on s’attend à ce que 2,5 trillions de dollars de richesse en plus augmentent les dépenses de consommation d’environ 100 milliards de dollars.
Ce montant correspond à la chute de l’épargne des ménages et l’augmentation parallèle des dépenses de consommation observées au quatrième trimestre. Le revenu net total des ménages américains étant de 11,4 trillions de dollars, une diminution d’un point de pourcentage du taux d’épargne signifie un déclin de l’épargne et une augmentation correspondante des dépenses de consommation de l’ordre de 114 milliards de dollars – ce qui est très proche de l’augmentation des dépenses impliquée par l’effet richesse provenant de l’expansion boursière observée.
Tout cela n’augure rien de bon pour 2011. Il n’y a aucune raison de penser que la croissance boursière se poursuivra au rythme élevé de 2010. Les politiques de quantitative easing doivent se terminer à la fin juin 2011 et on ne s’attend pas à ce que la Fed continue ses achats massifs de bons du Trésor après cette date.
Sans cette augmentation de richesse boursière, le taux d’épargne continuera-t-il à décliner et le rythme de la croissance des dépenses de consommation continuera-t-il à dépasser celui du PIB ? Est-ce que la forte croissance économique de la fin 2010 sera suffisante pour encourager davantage de dépenses des ménages et des entreprises en 2011, même si les prix immobiliers continuent à chuter et le marché de l’emploi demeure faible ? Et le soutien artificiel du marché des obligations et des actions implique-t-il que les prix des actifs actuels constituent une bulle pouvant éclater avant la fin de l’année ?
Bien sûr, la réponse viendra avec le temps. Mais ces questions sont celles que les investisseurs et les décideurs politiques devraient se poser.