wallison2_RomoloTavaniGettyImages_lightbulbideaelectricity Romolo Tavani/Getty Images

La révolution énergétique passe par le nucléaire

OXFORD – Un peu partout dans le monde, des manifestants demandent de diminuer le recours aux énergies fossiles au nom de la protection de l'environnement. Néanmoins, l'Allemagne dont tel était l'objectif avec l'Energiewende (la transformation de l'énergie) ne parvient pas à réduire ses émissions de CO2. Cela tient essentiellement au fait que les responsables politiques, sous la pression d'une opinion publique hostile à l'énergie nucléaire, veulent mettre un terme à cette dernière et investir dans les énergies renouvelables comme l'éolien ou le solaire.

En apprenant à maîtriser la puissance du vent, de l'eau et du feu (en brûlant bois et feuilles mortes) - pour l'essentiel ce que nous appelons aujourd'hui les énergies renouvelables - nos lointains ancêtres mettaient la nature à leur service. Mais ils n'obtenaient que peu d'énergie, et seulement quand les conditions météorologiques le permettaient. C'est pourquoi ils menaient une existence précaire, leur vie était de courte durée, et leur population restait très réduite.

Tout cela a changé avec la Révolution industrielle. Les hommes ont inventé les moteurs fonctionnant au charbon et plus tard à l'essence ou au gaz. On peut mesurer le rendement d'un combustible par sa densité massique d'énergie (l'énergie fournie par un kilo de combustible). Ainsi les sources d'énergie fossiles ont une densité d'énergie de l'ordre de 1 à 7kWh/kg -  environ mille fois plus que les sources d'énergie renouvelables - et on peut les utiliser n'importe où et n'importe quand, quelques soient les conditions météorologiques.

Depuis 250 ans, la course aux sources d'énergie fossile a conditionné en grande partie l'évolution économique et politique du monde. Durant toute cette période, la population mondiale a été multipliée par 8, l'espérance de vie a doublé et le niveau de vie a augmenté de manière spectaculaire.

Aujourd'hui cependant, nous nous trouvons au seuil d'une nouvelle révolution énergétique. Les bénéfices tirés des sources d'énergie fossile ne compensent plus ses coûts, tandis que les sources d'énergie renouvelable sont par nature aussi insuffisantes et intermittentes qu'avant la Révolution industrielle.

[Tableau]

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Pour obtenir suffisamment d'énergie, les sources d'énergie renouvelable de l'époque préindustrielle nécessitent d'énormes installations peu respectueuses de la nature (que l'on peut difficilement qualifier de vertes) : des rangées de panneaux solaires à n'en plus finir, des forêts d'éoliennes géantes ou de grandes vallées fluviales inondées. Leur taille même atteste du peu d'énergie qu'elles produisent, et du fait de leur intermittence, en moyenne elles fonctionnent seulement le tiers du temps. Et comme la politique allemande d'Energiewende le montre, elles ne suffisent pas.

La révolution énergétique ne réussira pas sans une politique réaliste reposant sur des bases scientifiques. Le savoir sur l'énergie est bien développé depuis un siècle, aussi les surprises sont-elles rares. La science nous dit que le seul autre combustible largement accessible est le combustible nucléaire qui fournit une grande quantité d'énergie à la demande, et cause le moins de dommages à l'environnement.

Une source d'énergie doit être "chargée" par une source d'énergie plus puissante - qu'il s'agisse de l'ensoleillement immédiat pour l'énergie solaire, ou de millions d'années de photosynthèse dans le cas des sources d'énergie fossile. Et les mêmes lois de la physique qui expliquent pourquoi la densité d'énergie des combustibles fossiles d'aujourd'hui est 1000 fois supérieure à celle des sources d'énergie de l'époque préindustrielle expliquent aussi pourquoi la densité d'énergie du combustible nucléaire lui est 5 millions de fois supérieure.

Les combustibles nucléaires tels que l'uranium et le thorium que nous trouvons aujourd'hui sur Terre ont été synthétisés lors de l'effondrement gravitationnel d'une étoile et de l'explosion qui l'a suivi (supernovae) avant la formation de notre planète. Les astronomes observent aujourd'hui ce phénomène ailleurs dans l'Univers.

Un kilogramme de combustible nucléaire ainsi créé produit suffisamment d'énergie pour répondre aux besoins d'un individu durant toute sa vie - et son utilisation ne s'accompagnent ni de l'émission de 1800 tonnes de CO2 ni de la libération de 10 millions de tonnes d'eau par un barrage. Quant aux déchets issus de cette faible quantité de combustible nucléaire, ils sont minimes, et contrairement à ce que l'on croit souvent, ne causent pas d'accident.

Hormis la désintégration spontanée des noyaux atomiques, l'énergie nucléaire reste au sein du noyau, à moins que deux noyaux n'entrent en collision, ce qui n'arrive jamais, si ce n'est au centre du soleil. Les noyaux atomiques ne libèrent pas leur énergie prématurément, car seul un neutron libre peut déclencher leur désintégration ; or la demi-vie d'un neutron libre est de seulement 10 minutes. Aussi l'énergie nucléaire ne peut-elle être libérée qu'au sein d'un réacteur en fonctionnement. L'énergie nucléaire est donc extrêmement sûre.

La biologie protége la vie des radiations nucléaires. Pendant 3 milliards d'années, la vie a évolué de manière à survivre aux radiations naturelles issues des roches ou en provenance de l'espace, car elle développe des moyens pour réparer les dégâts causés. C'est un sujet dont on pourrait parler longuement. Une exposition modérée aux radiations est sans effet nuisible. Et grâce aux travaux de Marie Curie, pour faire des diagnostics ou traiter des cancers, on utilise quotidiennement des doses plus élevées que celles dues à l'exposition naturelle.

L'opinion publique accepte le nucléaire quand il est au service de la santé humaine ; il faudrait qu'il en soit de même quand il est au service de la santé de la planète. Et bien que la peur de l'énergie nucléaire ne repose sur aucun fondement scientifique (le nucléaire est beaucoup plus sûr que les autres sources d'énergie), elle influe énormément sur les politiques énergétiques, au risque d'être utilisée simplement pour faire le buzz.

Notre avenir, et la préservation de l'environnement exigent que nous favorisions l'énergie nucléaire. Pour cela, il serait souhaitable de fournir une information plus complète et plus précise à la population en général et aux jeunes qui demain construiront et feront fonctionner des centrales nucléaires à travers le monde. Il faudrait aussi réexaminer une grande partie de la bureaucratie mise en place à titre préventif durant la Guerre froide.

En terme de sécurité, de fiabilité, d'efficacité et de protection de l'environnement, l'énergie nucléaire est la mieux placée pour remplacer les énergies fossiles. Sans cela, nous pouvons dire adieu à la révolution énergétique dont le monde a tant besoin.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

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