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La Lady Macbeth de Pyongyang

TOKYO – Le régime communiste de la Corée du Nord est, selon toute vraisemblance, sur le point d’opérer son deuxième transfert de pouvoir dynastique, cette fois-ci de Kim Jong-il, qui dirige le pays depuis 1994, en faveur de son plus jeune fils, Kim Jong-eun. L’Assemblée Générale du Parti des Travailleurs de la Corée du Nord, qui se réunit pour la première fois depuis 44 ans, est le signe le plus évident que le Cher Leader Kim, très malade, est sur le point de transmettre la couronne de son royaume ermite fondé par son père, Kim Il-sung.

L’une des raisons pour expliquer cette succession dynastique est que Kim Il-sung a créé une idéologie nationale, Juche, mélange de communisme et d’autarcie avec une forte dose de valeurs confucianistes. Le Confucianisme exalte un lien idéalisé entre un père et son fils comme modèle pour toutes relations humaines, y compris entre un dirigeant et ses administrés. Donc, tout comme le devoir absolu d’un fils confucianiste est de révérer son père, le devoir absolu d’un sujet confucianiste est de révérer son dirigeant.

De plus, Kim Jong-il, comme son père, a toujours nommé des membres de sa famille aux postes clé de pouvoir. En effet, Kim Jong-eun, le troisième fils de Kim Jong-il tout comme feu le prince consort, Ko Young-hee, est désigné comme successeur de son père depuis déjà un an.

Les propagandistes nord-coréens ont baptisé Kim Jong-eun le Jeune Général, mais la question de savoir s’il appliquera la même autorité absolutiste que son père reste ouverte. Il n’est pas seulement jeune et sans expérience mais sa tante, Kim Kyong-hui, la sour de Kim Jong-il et épouse du numéro deux dans la hiérarchie nord-coréenne, Chang Song-taek, pourrait rechigner devant ce pouvoir qui lui échappe.

Peu visible et discrète, fille de Kim Il-sung et de sa première épouse Kim Jong-suk, Kim Kyong-hui est née le 30 mai 1946 et a occupé un certain nombre de postes importants au sein du Parti des Travailleurs, y compris directrice adjointe du département international et directrice du département en charge des industries de la lumière. Elle devint un membre tout puissant du comité central en 1988 – poste qu’elle occupe encore aujourd’hui.

La mère de Kim Kyong-hui est décédée lorsqu’elle avait quatre ans. Après le remariage de son père, elle fut élevée par différents protecteurs de substitution, loin de sa famille. Elle aurait développé une certaine amertume et une féroce personnalité devant la relation entre son père et sa belle mère, et l’affection que tous deux portaient à ses demi-frères. On prête en effet à Kim Jong-il le commentaire suivant : « Lorsque ma sour devient violente, personne ne peut l’arrêter. Même moi je ne peux rien faire. »

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Lorsque Kim Jong-il et sa seconde épouse s’installèrent ensemble, Kim Kyong-hui commençât à créer des ennuis, mue par un sens aigu de la rivalité. Après avoir épousé Chang Song-taek, elle entamât une vie quelque peu hédoniste tout en observant de très près les agissements de son mari, explosant au moindre signe d’infidélité.

S’exprimant au sujet de sa sour, Kim Jong-il a dit qu’elle était sa « seule famille de sang dont ma mère m’a demandé de m’occuper jusqu’à sa mort. » Leur mère, Kim Jong-suk, serait morte d’une hémorragie en mettant au monde son enfant à la suite d’un accouchement prématuré provoqué par de désespoir ressenti par l’aventure amoureuse de Kim Il-sung avec Kim Song-ae. Kim Il-sung se serait précipité à l’hôpital mais la porte de sa chambre était fermée à clé. A sa mort, seuls étaient présents à son chevet son médecin et Kim Jong-il.

Mais Chan Giryok, à l’époque médecin principal de Kim Jong-suk et aujourd’hui médecin à l’Université de Nagoya au Japon, donne une version différente des événements. Selon Chan, Kim Jong-suk était au domicile de Kim Il-sung à Pyongyang près de l’ambassade soviétique, en pleine dispute. Observant de loin, le docteur a vu Kim Il-sung une arme à la main. Le médecin, qui est chirurgien et non obstétricien, se demandait pourquoi on l’avait fait venir pour traiter une forte hémorragie résultant d’un accouchement prématuré. Il pense que la raison de cette hémorragie était autre.

Kim Jong-il, connu pour son attachement à la mère qui l’avait mis au monde, n’a pu qu’être profondément affecté psychologiquement par l’assassinat de celle-ci. Dès cet instant, il gardât sa jeune sour auprès de lui en permanence.

En effet, dans un pays où la confiance est une denrée rare, Kim Kyong-hui est le seul membre de la famille en qui Kim Jong-il n’ait jamais eu confiance. Les deux partagent en outre la même lignée du Grand Dirigeant, liés à Kim Jong-suk par le côté maternel, et sont totalement dévoués à la suprématie absolue du Suryong et de la succession héréditaire.

S’exprimant devant le Comité Central à la suite du décès de Kim Il-sung, Kim Jong-il a dit : « Kim Kyong-hui est moi-même, les mots de Kim Kyong-hui sont les miens, et les instructions formulées par Kim Kyong-hui sont mes instructions. »

L’intention de Kim Kyong-hui d’exercer le pouvoir après la mort de son frère est soutenue par des rumeurs selon lesquelles elle aurait organisé un accident de la circulation en juin entrainant la mort de Ri Je-gang, un haut dirigeant du parti et protecteur supposé de Kim Jong-eun dont il se dit qu’il aurait écarté Kim Kyong-hui et ses proches alliés du pouvoir. Quelle que soit la véracité de ces éléments, de telles rumeurs donnent une idée de l’ampleur de son influence.

Il se dit de plus en plus que Kim Jong-il pourrait, à tout moment, désigner Kim Kyong-hui comme protectrice du successeur de la troisième génération après sa mort. Mais Kim Kyong-hui pourrait avoir d’autres plans comme celui de succéder elle-même à Kim Jong-il.

On craint toujours que la Corée du Nord n’entame une nouvelle guerre, que ce soit sciemment ou non. Mais, même si le Jeune Général ou sa tante s’avèrent être des mégalomanes déséquilibrés, la succession à venir ouvre une nouvelle ère d’incertitudes, particulièrement compte tenu des ennemis économiques de la Corée du Nord.

Que Kim Jong-eun ou Kim Kyong-hui aient l’intention de maintenir cette isolation désespérée, ou qu’ils amènent des changements économiques, ils manquent tout deux de qualifications révolutionnaires pour le faire. Donc, lorsque Kim Jong-il quittera la scène, et qu’au délabrement économique s’ajoutera l’instabilité politique, le régime pourrait s’écrouler.

Le président sud-coréen Lee Myung-bak a eu raison de se préparer à cette éventualité en proposant une taxe spéciale dite « Taxe d’unification » pour financer les coûts d’une éventuelle désintégration de la dynastie Kim. Le Japon et le reste de l’Asie devraient aussi s’y préparer.

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