soldier eiffel tower David Ramos/Getty Images

Bientôt une armée européenne grâce à Trump ?

MUNICH – Le comportement de Donald Trump en Europe est inadmissible. Non seulement il met en doute l'engagement américain de défense mutuelle dans le cadre de l'Alliance atlantique, mais il s'est retiré unilatéralement de l'accord sur le nucléaire conclu en 2015 entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l'Allemagne et l'UE.

Depuis, son gouvernement impose unilatéralement un embargo sur la livraison de biens à l'Iran par tout pays tiers, y compris les autres signataires de l'accord de 2015. Les entreprises étrangères qui continuent leurs activités en Iran s'exposent à des sanctions et les banques qui font des transactions avec ce pays risquent de perdre leur accès au système financier américain.

Trump menace aussi de sanctions les entreprises impliquées dans le projet de gazoduc Nord Stream 2 qui ira de la Russie vers l'Allemagne. Le Congrès américain envisage d'adopter une loi autorisant le gouvernement de Trump à sanctionner les entreprises européennes qui prennent part à ce projet, même si elles y sont tenues par contrat. Selon l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder qui préside actuellement ce projet de pipeline, l'ambassadeur américain en Allemagne se comporte davantage en "officier d'une armée d'occupation" qu'en diplomate.

Les gouvernements français et allemand sont furibonds face au comportement du gouvernement américain. Les attaques de Trump contre la souveraineté des autres pays alimentent leur colère et poussent à l'unification politique européenne.

Tout le monde sait que l'Europe est en pleine crise économique intérieure. C'est la conséquence de la monnaie commune dans les pays du sud de la zone euro qui les a entraîné vers une inflation importante avant le crash financier de 2008, affectant fortement leur compétitivité au sein de la zone. Cette situation a conduit à l'émergence de partis et de mouvements nationalistes anti-européens dans tout le continent. Et plus récemment, la décision du Royaume-Uni de sortir de l'UE a encore affaibli le projet européen.

Dans ce contexte, la politique de Trump est en quelque sorte une aubaine, car elle pousse les Européens à s'unir pour défendre leur souveraineté et leur prospérité. Une Union de presque 450 millions de citoyens (après le Brexit) ne peut accepter qu'un pays qui ne représente que les deux tiers de sa taille la traite comme un groupe de pays vassaux.

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C'est ainsi que le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont déclaré ce mois-ci qu'ils étaient favorables à la création d'une armée européenne. La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen, a déclaré que l'on peut considérer cette proposition comme une réponse des Européens aux pressions exercées par Trump pour qu'ils dépensent davantage pour leur défense.

Ursula von der Leyen sait bien entendu que Trump ne pensait pas à la création d'une force européenne indépendante. Mais l'establishment allemand maintient de manière crédible qu'une armée européenne renforcerait l'OTAN. Ni la nécessité de l'alliance transatlantique, ni les sentiments des citoyens européens à l'égard de leurs homologues américains, ni la profondeur des liens historiques entre les USA et l'Europe n'en seraient affectés. Tout le monde a bien conscience qu'il y aura une Amérique après Trump.

Mieux encore, cela donne un coup de fouet au projet d'unification politique européenne et contribue au sentiment d'existence d'un objectif commun. Le projet européen souffre de longue date de la priorité donnée à l'intégration économique par rapport à l'intégration politique. Dès 1952, La France, l'Italie, le Benelux (la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) et l'Allemagne s'étaient mis d'accord pour créer une armée européenne dans le cadre d'une Communauté européenne de défense. Mais la France n'ayant jamais ratifié le traité correspondant, elle n'a jamais vu le jour.

Il y eut ensuite le Traité de Maastricht qui offrait une deuxième chance à une union politique. A nouveau la France s'est mise en travers du chemin. Elle était favorable à l'appartenance à la zone euro parce qu'elle voulait que les pays méditerranéens (dont elle fait partie) bénéficient du même taux d'emprunt que l'Allemagne sur les marchés financiers. Mais elle a résisté à la création d'une union politique reposant sur un Etat central disposant du monopole de l'utilisation de la force militaire dans le cadre d'une armée commune.

Si la France accepte désormais la fusion des armées nationales au sein d'une force de défense commune sous commandement européen unifié (plutôt qu'une simple force d'intervention à destination de ses anciennes colonies africaines), Emmanuel Macron aura sa place dans les livres d'Histoire. Il reste beaucoup à faire, mais s'il réussit, il pourra remercier Donald Trump.

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

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