Aux Etats-Unis, le déficit de la balance courante a atteint 5,7 % du PIB au deuxième trimestre 2004. Pourtant, le dollar est toujours relativement fort : moins de 20 % en dessous des pointes du début 2001 et plus de 10 % plus haut, en valeur réelle, que du début au milieu des années 90.
A mesure de l'augmentation du déficit, au cours des cinq dernières années, les économistes internationaux se sont succédé pour prédire le pire : le rendement des placements effectués aux Etats-Unis est plutôt faible et donc à un moment ou un autre - probablement tout d'un coup - les détenteurs de titres libellés en dollars vont se rendre compte que leurs risques ne sont pas suffisamment compensés. Quand les investisseurs de portefeuille se mettront à vendre, ce sera la débandade, l'effondrement du dollar et la première crise financière mondiale de grande envergure du XXIe siècle.
Pour Fred Bergsten, de l'Institute for International Economics, c'est un désastre qui s'annonce. Où s'arrêtera la chute du dollar ? Historiquement, on compte environ 10 % [???] pour chaque 1 % de PIB du déficit non viable de la balance courante. On sait aussi que les monnaies qui perdent de la valeur ont tendance à dépasser les attentes : avant de toucher le fond, les spéculateurs internationaux exigent une prime de risque importante, de crainte que l'effondrement de la monnaie ne déclenche un phénomène encore plus grave.
Alors, quand l'effondrement et la crise du dollar se produiront-ils ? D'après Bergsten, bientôt.
Bergsten a probablement tort sur ce dernier point. Rudiger Dornbusch - ancien auteur de cette rubrique aujourd'hui disparu - disait que les situations non viables durent plus longtemps que les économistes convaincus de la rationalité et de l'équilibre du marché ne le croient possible, et que la chute se produit souvent à une vitesse inimaginable. Le cycle de surévaluation d'une monnaie se décompose ainsi en cinq phases :
· Premièrement, des spéculateurs à court terme à la recherche de bénéfices importants, ou des investisseurs excessivement anxieux, font augmenter la valeur de la monnaie jusqu'à un niveau non viable.
· Deuxièmement, les chasseurs de tendances continuent à acheter du fait que le rendement a été très bon récemment, et ils portent donc la surévaluation à un niveau et à une durée inexplicables pour les économistes orthodoxes.
· Troisièmement, des économistes très intelligents, déconcertés par le phénomène, mettent au point des théories qui expliquent pourquoi cette fois-ci les choses se passent différemment, et pourquoi cette fois-ci la surévaluation pourrait s'avérer viable.
· Quatrièmement, les haussiers, encouragés par les théories de la "nouvelle économie" qui justifient les bénéfices extraordinaires réalisés récemment, continuent à acheter, et maintiennent la monnaie au-dessus des données économiques fondamentales encore un peu plus longtemps.
· Cinquièmement, le stock d'acheteurs enthousiastes et d'investisseurs à l'affût de la tendance est épuisé, et l'effondrement qui s'ensuit ressemble à celui d'un financement Ponzi.
Dans les six derniers mois, le cycle du dollar est entré dans la troisième phase. Louis Uchitelle du New York Times cite la très intelligente Catherine Mann, pour qui la "codépendance…des Etats-Unis et de leurs partenaires commerciaux," pourrait "durer longtemps," car les protagonistes ont intérêt à préserver le statu quo.
En effet, le Japon, la Chine, et d'autres économies est-asiatiques orientées vers les exportations préfèrent un dollar relativement fort, et leurs banques centrales ont accumulé près de deux billions de dollars en titres. Pour le gouvernement chinois, le risque de pertes sur ses titres libellés en dollars passe après la nécessité de maintenir le quasiment plein emploi dans les ports industriels comme Shanghai. L'oligarchie communiste s'est habituée à un certain confort, et ne voudrait pas voir ses prérogatives remises en cause par un chômage massif et des troubles urbains.
Pourtant, si les spéculateurs internationaux se laissent tenter par des profits presque garantis à réaliser sur la baisse du dollar, toutes les banques centrales d'Asie ne suffiront pas à maintenir un dollar fort. Seule la Réserve fédérale en est capable, et il est peu probable qu'elle sacrifie les emplois de travailleurs américains sur cet autel.
L'atterrissage pourrait encore s'effectuer en douceur : pendant le dernier grand cycle, entre 1985 et 1987, le dollar avait perdu 40 % sans panique, ni faillite majeure, ni prime de risque importante demandée par les investisseurs. Pourtant, on sait par expérience que la probabilité d'un atterrissage forcé, rapide et violent, a déjà dépassé 25 %, et continue d'augmenter.
Aux Etats-Unis, le déficit de la balance courante a atteint 5,7 % du PIB au deuxième trimestre 2004. Pourtant, le dollar est toujours relativement fort : moins de 20 % en dessous des pointes du début 2001 et plus de 10 % plus haut, en valeur réelle, que du début au milieu des années 90.
A mesure de l'augmentation du déficit, au cours des cinq dernières années, les économistes internationaux se sont succédé pour prédire le pire : le rendement des placements effectués aux Etats-Unis est plutôt faible et donc à un moment ou un autre - probablement tout d'un coup - les détenteurs de titres libellés en dollars vont se rendre compte que leurs risques ne sont pas suffisamment compensés. Quand les investisseurs de portefeuille se mettront à vendre, ce sera la débandade, l'effondrement du dollar et la première crise financière mondiale de grande envergure du XXIe siècle.
Pour Fred Bergsten, de l'Institute for International Economics, c'est un désastre qui s'annonce. Où s'arrêtera la chute du dollar ? Historiquement, on compte environ 10 % [???] pour chaque 1 % de PIB du déficit non viable de la balance courante. On sait aussi que les monnaies qui perdent de la valeur ont tendance à dépasser les attentes : avant de toucher le fond, les spéculateurs internationaux exigent une prime de risque importante, de crainte que l'effondrement de la monnaie ne déclenche un phénomène encore plus grave.
Alors, quand l'effondrement et la crise du dollar se produiront-ils ? D'après Bergsten, bientôt.
Bergsten a probablement tort sur ce dernier point. Rudiger Dornbusch - ancien auteur de cette rubrique aujourd'hui disparu - disait que les situations non viables durent plus longtemps que les économistes convaincus de la rationalité et de l'équilibre du marché ne le croient possible, et que la chute se produit souvent à une vitesse inimaginable. Le cycle de surévaluation d'une monnaie se décompose ainsi en cinq phases :
· Premièrement, des spéculateurs à court terme à la recherche de bénéfices importants, ou des investisseurs excessivement anxieux, font augmenter la valeur de la monnaie jusqu'à un niveau non viable.
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· Deuxièmement, les chasseurs de tendances continuent à acheter du fait que le rendement a été très bon récemment, et ils portent donc la surévaluation à un niveau et à une durée inexplicables pour les économistes orthodoxes.
· Troisièmement, des économistes très intelligents, déconcertés par le phénomène, mettent au point des théories qui expliquent pourquoi cette fois-ci les choses se passent différemment, et pourquoi cette fois-ci la surévaluation pourrait s'avérer viable.
· Quatrièmement, les haussiers, encouragés par les théories de la "nouvelle économie" qui justifient les bénéfices extraordinaires réalisés récemment, continuent à acheter, et maintiennent la monnaie au-dessus des données économiques fondamentales encore un peu plus longtemps.
· Cinquièmement, le stock d'acheteurs enthousiastes et d'investisseurs à l'affût de la tendance est épuisé, et l'effondrement qui s'ensuit ressemble à celui d'un financement Ponzi.
Dans les six derniers mois, le cycle du dollar est entré dans la troisième phase. Louis Uchitelle du New York Times cite la très intelligente Catherine Mann, pour qui la "codépendance…des Etats-Unis et de leurs partenaires commerciaux," pourrait "durer longtemps," car les protagonistes ont intérêt à préserver le statu quo.
En effet, le Japon, la Chine, et d'autres économies est-asiatiques orientées vers les exportations préfèrent un dollar relativement fort, et leurs banques centrales ont accumulé près de deux billions de dollars en titres. Pour le gouvernement chinois, le risque de pertes sur ses titres libellés en dollars passe après la nécessité de maintenir le quasiment plein emploi dans les ports industriels comme Shanghai. L'oligarchie communiste s'est habituée à un certain confort, et ne voudrait pas voir ses prérogatives remises en cause par un chômage massif et des troubles urbains.
Pourtant, si les spéculateurs internationaux se laissent tenter par des profits presque garantis à réaliser sur la baisse du dollar, toutes les banques centrales d'Asie ne suffiront pas à maintenir un dollar fort. Seule la Réserve fédérale en est capable, et il est peu probable qu'elle sacrifie les emplois de travailleurs américains sur cet autel.
L'atterrissage pourrait encore s'effectuer en douceur : pendant le dernier grand cycle, entre 1985 et 1987, le dollar avait perdu 40 % sans panique, ni faillite majeure, ni prime de risque importante demandée par les investisseurs. Pourtant, on sait par expérience que la probabilité d'un atterrissage forcé, rapide et violent, a déjà dépassé 25 %, et continue d'augmenter.