GENÈVE – Maintenant que l’Afrique a enregistré plus de 500.000 cas confirmés de Covid-19, le nouveau coronavirus est à l’avant-plan des préoccupations du public. Mais le continent était affligé par des maladies infectieuses bien avant le début de la pandémie actuelle. Et pendant que les gouvernements et les bailleurs de fonds s’évertueront à aplanir la courbe du Covid-19, des maladies meurtrières comme le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose continueront à gagner du terrain.
Sur les 38 millions de personnes contaminées par le VIH, le virus causant le sida, 25,6 millions vivent en Afrique subsaharienne. En 2018, le continent a enregistré 380.000 décès dus au paludisme, soit 94 pour cent du total mondial. Et 2,6 millions de personnes contractent la tuberculose en Afrique chaque année, avec un bilan de 630.000 décès.
La lutte contre ces maladies a considérablement progressé au cours des deux dernières décennies. Le nombre de décès liés au sida a été réduit de plus de moitié depuis 2004, en grande partie grâce à un plus grand accès à la thérapie antirétrovirale. Le taux de mortalité lié à la tuberculose a décliné de 42 pour cent entre 2000 et 2017. Et les décès imputables au paludisme ont également chuté de 60 pour cent entre 2000 et 2015 ; un enfant qui contracte le paludisme aujourd'hui a plus de chances de survie que jamais.
Mais la crise du Covid-19 menace de freiner ces progrès, voire de les réduire à néant, en particulier en submergeant des systèmes de santé déjà fragiles. L’Italie compte un médecin pour 243 habitants et pourtant, son système de santé a atteint un point de rupture dans certaines régions face à la multiplication des cas de Covid-19. Il est difficile d’imaginer les conséquences d’une telle épidémie dans les pays africains, où il y a en moyenne un médecin pour 5000 habitants.
Certes, le coronavirus s’est propagé plus lentement en Afrique qu’en Europe et en Amérique du Nord. Mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avertit aujourd’hui que la pandémie pourrait se prolonger sur quelques années dans la région. Dans ce cas de figure, les systèmes de santé du continent, insuffisamment financés, seront mis à rude épreuve pendant longtemps. Et les ressources dont disposent les gouvernements seront probablement redirigées vers la gestion du Covid-19, même si cela doit se faire au détriment d’autres maladies mortelles.
Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement provoquées par les mesures de confinement ailleurs dans le monde majorent les risques en menaçant de couper l’accès aux ressources, diagnostics et traitements préventifs et de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Certains pays africains ont déjà suspendu des programmes de diagnostics et de traitement du VIH et de la tuberculose, ainsi que la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide (MII) – une intervention essentielle dans la lutte contre le paludisme – juste avant la saison des pluies, une période à haut risque de transmission.
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L’OMS prévoit que dans le pire des scénarios (soit la suspension de toutes les campagnes de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide et un recul de 75 % de l’accès aux antipaludéens efficaces), la crise du Covid-19 pourrait entraîner un doublement du nombre de décès imputables au paludisme en Afrique subsaharienne cette année, et précise que « cela reviendrait à retrouver des taux de mortalité due au paludisme jamais vus depuis 20 ans ».
De plus, une interruption de six mois des traitements antirétroviraux pourrait se traduire par plus de 500.000 décès supplémentaires dus à des maladies associées au sida (dont la tuberculose) en Afrique subsaharienne en 2020-2021. On estime que les maladies liées au sida ont tué environ 440.000 personnes dans cette région en 2019.
De même, une étude menée par le Partenariat Halte à la tuberculose montre qu’une période de confinement de trois mois suivie d’une phase de reprise de 10 mois pourraient entraîner 1,4 million de décès supplémentaires dus à la tuberculose dans le monde entre 2020 et 2025. Selon ce scénario, la lutte mondiale contre la tuberculose serait retardée de 5 à 8 ans.
Ces conséquences ne sont pas inéluctables. Ce qu'il faut, c'est une réponse collective mondiale axée sur l’offre de services vitaux, l’allégement de la charge qui pèse sur des systèmes de santé déjà surchargés et sur la protection des Africains les plus vulnérables. Le succès dépendra de solutions innovantes, d'une perspective holistique (plutôt que de programmes disparates qui luttent contre une seule maladie) et d'une approche qui donne la priorité à l'équité.
Il faut tout d’abord que les tests de diagnostic – pour le Covid-19 et les nombreuses autres maladies courantes – soient accessibles à tous et en particulier aux populations à haut risque. L’Afrique dispose de services de dépistage bien établis de plusieurs maladies courantes, dont des tests de dépistage mixtes du VIH et de la tuberculose. Mais ces services sont aujourd’hui menacés et l’Afrique accuse par ailleurs un retard en matière de dépistage du Covid-19 par rapport à d’autres régions.
Il y a toutefois des nouvelles encourageantes : certains pays africains ont commencé à effectuer des tests conjoints Covid-19/tuberculose et Covid-19/paludisme (avec un traitement immédiat du paludisme le cas échéant). Les tests mixtes sont d'autant plus judicieux que le VIH, la tuberculose et le paludisme présentent tous des symptômes correspondant au Covid-19, dont une fièvre élevée. Ces programmes doivent être renforcés de façon à ce que les moyens diagnostiques et thérapeutiques, souvent chers et difficilement accessibles, soient mis à la disposition de tous.
Cet objectif est tout à fait réalisable. Les pays africains, qui ont une grande expérience des situations d’urgence sanitaire, ont réagi rapidement et efficacement à l’émergence du Covid-19. L’Union africaine, par le biais du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), a pris des mesures vigoureuses pour coordonner la réponse à la pandémie.
Ces efforts doivent être poursuivis et approfondis, à la fois pour contenir le Covid-19 et pour préserver les progrès enregistrés dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. L'expérience passée montre que la participation des communautés touchées et la responsabilisation de la société civile seront les clés du succès.
Le reste du monde doit également apporter sa contribution. Cela signifie surtout qu'il faut s’accorder sur le fait que tout vaccin ou traitement du Covid-19 soit mis gratuitement à la disposition de tous les pays. Lors de l'épidémie du VIH, des millions de personnes sont mortes inutilement, parce qu'elles ne pouvaient pas avoir accès à des médicaments vitaux. Aujourd'hui encore, quelques neuf millions de personnes en Afrique subsaharienne attendent un traitement qui pourrait leur sauver la vie. Tout le monde a droit à la santé, quel que soit son lieu de résidence ou ses moyens financiers. Dans le cas du Covid-19, nous avons besoin d'un vaccin universel.
Mais sauver des vies face au Covid-19 n’aura guère de sens si l’on permet que le nombre de vies emportées par le VIH, la tuberculose et le paludisme augmente. Tout en œuvrant de concert pour endiguer une nouvelle maladie mortelle, nous devons résolument nous engager à poursuivre les progrès vers l'élimination de celles que nous connaissons déjà.
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At the end of a year of domestic and international upheaval, Project Syndicate commentators share their favorite books from the past 12 months. Covering a wide array of genres and disciplines, this year’s picks provide fresh perspectives on the defining challenges of our time and how to confront them.
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GENÈVE – Maintenant que l’Afrique a enregistré plus de 500.000 cas confirmés de Covid-19, le nouveau coronavirus est à l’avant-plan des préoccupations du public. Mais le continent était affligé par des maladies infectieuses bien avant le début de la pandémie actuelle. Et pendant que les gouvernements et les bailleurs de fonds s’évertueront à aplanir la courbe du Covid-19, des maladies meurtrières comme le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose continueront à gagner du terrain.
Sur les 38 millions de personnes contaminées par le VIH, le virus causant le sida, 25,6 millions vivent en Afrique subsaharienne. En 2018, le continent a enregistré 380.000 décès dus au paludisme, soit 94 pour cent du total mondial. Et 2,6 millions de personnes contractent la tuberculose en Afrique chaque année, avec un bilan de 630.000 décès.
La lutte contre ces maladies a considérablement progressé au cours des deux dernières décennies. Le nombre de décès liés au sida a été réduit de plus de moitié depuis 2004, en grande partie grâce à un plus grand accès à la thérapie antirétrovirale. Le taux de mortalité lié à la tuberculose a décliné de 42 pour cent entre 2000 et 2017. Et les décès imputables au paludisme ont également chuté de 60 pour cent entre 2000 et 2015 ; un enfant qui contracte le paludisme aujourd'hui a plus de chances de survie que jamais.
Mais la crise du Covid-19 menace de freiner ces progrès, voire de les réduire à néant, en particulier en submergeant des systèmes de santé déjà fragiles. L’Italie compte un médecin pour 243 habitants et pourtant, son système de santé a atteint un point de rupture dans certaines régions face à la multiplication des cas de Covid-19. Il est difficile d’imaginer les conséquences d’une telle épidémie dans les pays africains, où il y a en moyenne un médecin pour 5000 habitants.
Certes, le coronavirus s’est propagé plus lentement en Afrique qu’en Europe et en Amérique du Nord. Mais l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avertit aujourd’hui que la pandémie pourrait se prolonger sur quelques années dans la région. Dans ce cas de figure, les systèmes de santé du continent, insuffisamment financés, seront mis à rude épreuve pendant longtemps. Et les ressources dont disposent les gouvernements seront probablement redirigées vers la gestion du Covid-19, même si cela doit se faire au détriment d’autres maladies mortelles.
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De plus, une interruption de six mois des traitements antirétroviraux pourrait se traduire par plus de 500.000 décès supplémentaires dus à des maladies associées au sida (dont la tuberculose) en Afrique subsaharienne en 2020-2021. On estime que les maladies liées au sida ont tué environ 440.000 personnes dans cette région en 2019.
De même, une étude menée par le Partenariat Halte à la tuberculose montre qu’une période de confinement de trois mois suivie d’une phase de reprise de 10 mois pourraient entraîner 1,4 million de décès supplémentaires dus à la tuberculose dans le monde entre 2020 et 2025. Selon ce scénario, la lutte mondiale contre la tuberculose serait retardée de 5 à 8 ans.
Ces conséquences ne sont pas inéluctables. Ce qu'il faut, c'est une réponse collective mondiale axée sur l’offre de services vitaux, l’allégement de la charge qui pèse sur des systèmes de santé déjà surchargés et sur la protection des Africains les plus vulnérables. Le succès dépendra de solutions innovantes, d'une perspective holistique (plutôt que de programmes disparates qui luttent contre une seule maladie) et d'une approche qui donne la priorité à l'équité.
Il faut tout d’abord que les tests de diagnostic – pour le Covid-19 et les nombreuses autres maladies courantes – soient accessibles à tous et en particulier aux populations à haut risque. L’Afrique dispose de services de dépistage bien établis de plusieurs maladies courantes, dont des tests de dépistage mixtes du VIH et de la tuberculose. Mais ces services sont aujourd’hui menacés et l’Afrique accuse par ailleurs un retard en matière de dépistage du Covid-19 par rapport à d’autres régions.
Il y a toutefois des nouvelles encourageantes : certains pays africains ont commencé à effectuer des tests conjoints Covid-19/tuberculose et Covid-19/paludisme (avec un traitement immédiat du paludisme le cas échéant). Les tests mixtes sont d'autant plus judicieux que le VIH, la tuberculose et le paludisme présentent tous des symptômes correspondant au Covid-19, dont une fièvre élevée. Ces programmes doivent être renforcés de façon à ce que les moyens diagnostiques et thérapeutiques, souvent chers et difficilement accessibles, soient mis à la disposition de tous.
Cet objectif est tout à fait réalisable. Les pays africains, qui ont une grande expérience des situations d’urgence sanitaire, ont réagi rapidement et efficacement à l’émergence du Covid-19. L’Union africaine, par le biais du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), a pris des mesures vigoureuses pour coordonner la réponse à la pandémie.
Ces efforts doivent être poursuivis et approfondis, à la fois pour contenir le Covid-19 et pour préserver les progrès enregistrés dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. L'expérience passée montre que la participation des communautés touchées et la responsabilisation de la société civile seront les clés du succès.
Le reste du monde doit également apporter sa contribution. Cela signifie surtout qu'il faut s’accorder sur le fait que tout vaccin ou traitement du Covid-19 soit mis gratuitement à la disposition de tous les pays. Lors de l'épidémie du VIH, des millions de personnes sont mortes inutilement, parce qu'elles ne pouvaient pas avoir accès à des médicaments vitaux. Aujourd'hui encore, quelques neuf millions de personnes en Afrique subsaharienne attendent un traitement qui pourrait leur sauver la vie. Tout le monde a droit à la santé, quel que soit son lieu de résidence ou ses moyens financiers. Dans le cas du Covid-19, nous avons besoin d'un vaccin universel.
Mais sauver des vies face au Covid-19 n’aura guère de sens si l’on permet que le nombre de vies emportées par le VIH, la tuberculose et le paludisme augmente. Tout en œuvrant de concert pour endiguer une nouvelle maladie mortelle, nous devons résolument nous engager à poursuivre les progrès vers l'élimination de celles que nous connaissons déjà.