À l’heure de la promotion de la bonne gouvernance et du développement économique dans son voisinage, l’Union européenne devrait accorder une attention prioritaire au Maghreb. Les enjeux politiques, sociaux et sécuritaires sont d’une telle importance que l’Europe ne peut les ignorer. Il faudrait trouver la synergie adéquate entre les protagonistes locaux et les acteurs extérieurs pour lancer des initiatives nouvelles, pragmatiques et osées dont la région a besoin.
La situation de départ est mitigée. L’économie algérienne dépend massivement des exportations de pétrole et de gaz, l’économie marocaine est axée sur l’agriculture (dont les résultats relèvent, dans une large mesure, de la météorologie) et les revenus des émigrants, tandis que l’économie tunisienne, quant à elle, est étroitement liée aux cycles de la demande européenne et du tourisme. Une population très jeune est un défi pour les politiques éducatives et d’intégration dans le marché du travail. En outre, le contentieux autour du Sahara occidental continue de freiner une pleine normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc.
L’Union européenne est l’interlocuteur privilégié des pays du Maghreb, car la part du lion de leurs échanges commerciaux (plus de deux tiers) se fait avec l’Europe. Sur le plan politique, d’un côté, les rapports bilatéraux entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée occidentale sont intenses ; de l’autre, le processus de Barcelone est un dialogue compréhensif entre l’UE et ses voisins riverains de la Méditerranée, incluant des Accords d’association. De plus, le Groupe 5 + 5 constitue un forum de débat politique : Algérie, Espagne, France, Italie, Libye, Malte, Maroc, Mauritanie, Portugal et Tunisie y participent.
Toutefois, en dépit de ces cadres de dialogue et des efforts des États maghrébins, la conjoncture général reste fragile et la stabilité et la sécurité ne sont pas assurées. Selon le Rapport Mondial sur le Développement Humain préparé par les Nations unies, les pays du Maghreb demeurent à un rang moyen.
Une des raisons principales à cet enlisement est l’absence d’intégration sous-régionale dans le Maghreb. Non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde, des processus d’intégration ont facilité les relations et stimulé un environnement plus favorable pour les sociétés concernées ainsi qu’un retour de la confiance internationale. Dans le Maghreb, certaines conditions pour lancer ce type de processus sont présentes, mais une bonne approche des difficultés est nécessaire.
Premièrement, il faut repenser le cadre institutionnel, et peut-être envisager une nouvelle structure régionale afin d’introduire une dynamique plus propice. L’Union du Maghreb Arabe pourrait être renforcée, mais le fait qu’elle ait été conçue « du haut vers le bas » à ses débuts entrave son fonctionnement. Le volet bilatéral du processus de Barcelone a été relancé récemment par la nouvelle politique de voisinage de l’Union européenne et le dixième anniversaire du processus, qui sera fêté en novembre prochain, représente sans doute une opportunité magnifique pour corroborer ses objectifs. Toutefois, l’action de l’UE met l’accent sur les rapports avec chacun des pays du Maghreb, lorsque le volet sous-régional reste minimisé et reçoit des fonds très réduits.
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Afin de définir le cadre institutionnel adéquat pour le Maghreb, il faut bâtir une nouvelle convergence entre les Etats maghrébins, qui doivent rester les protagonistes actifs, et le soutien ferme de l’Union européenne, qui ne peut être obtenu qu’à travers la médiation des pays méditerranéens de l’Union. Ainsi, une nouvelle institution internationale, un « Marché Commun Maghrébin », devrait être crée, au sein de laquelle les gouvernements algérien, marocain et tunisien démontreraient leur engagement dans l’avenir de leurs peuples, et les Européens démontreraient qu’ils sont cohérents avec les principes qu’ils proclament. Il semble évident que les Etats Unis donneraient leur support politique à cette initiative.
Deuxièmement, la résolution des controverses politiques au Maghreb (internes ou internationales) peut être obtenue soit directement, moyennant la négociation directe, soit indirectement, par la coopération sur des aspects d’abord modestes qui peuvent recueillir le consensus. C’est la deuxième méthode qui doit être choisie. En Europe, après la Seconde Guerre Mondiale, la technique dénommée « des petits pas » ou « méthode Monnet » a permis de briser des dynamiques historiques négatives. Le Maghreb doit ouvrir les frontières intérieures, faciliter les échanges, et entamer des grands projets d’infrastructures (autoroutes, communications, barrages, etc.) qui seront autant de moteurs d’un grand progrès réalisé à petits pas.
Enfin, les sources de financement de ce nouveau cadre institutionnel pour le Maghreb et de ces projets doivent être diversifiées. Les systèmes fiscaux dans les pays maghrébins et la dette qu’ils doivent supporter ne permettent pas des investissements publics énormes. L’aide dans le cadre du processus de Barcelone, même si elle est importante, n’a pas d’incidence décisive. Par conséquent, il faudrait configurer un mécanisme de financement spécifique, par exemple une conférence de soutien de ce nouvel élan pour le Maghreb, dans lequel les Européens devraient engager des fonds du programme MEDA et de la BEI, mais aussi des Etats membres les plus concernés, tels que l’Espagne, la France et l’Italie. Dans le mécanisme proposé, les fonds d’origine européenne pourraient être complétés par des contributions institutionnelles (de la Banque Mondiale, par exemple), ainsi que par des contributions d’autres pays qui portent un intérêt à la stabilisation du Maghreb, comme les Etats Unis, ou même d’autres grands donateurs, comme le Canada, le Japon, la Norvège, la Suisse, ou certains pays arabes.
L’intégration régionale dans le Maghreb est un projet très prometteur avec un coût raisonnable. Mais le soutien international est essentiel.
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Though Donald Trump attracted more support than ever from working-class voters in the 2024 US presidential election, he has long embraced an agenda that benefits the wealthiest Americans above all. During his second term, however, Trump seems committed not just to serving America’s ultra-rich, but to letting them wield state power themselves.
The reputation of China's longest-serving premier has fared far better than that of the Maoist regime he faithfully served. Zhou's political survival skills enabled him to survive many purges, and even to steer Mao away from potential disasters, but he could not escape the Chairman's cruelty, even at the end of his life.
reflects on the complicated life and legacy of the renowned diplomat who was Mao Zedong’s dutiful lieutenant.
À l’heure de la promotion de la bonne gouvernance et du développement économique dans son voisinage, l’Union européenne devrait accorder une attention prioritaire au Maghreb. Les enjeux politiques, sociaux et sécuritaires sont d’une telle importance que l’Europe ne peut les ignorer. Il faudrait trouver la synergie adéquate entre les protagonistes locaux et les acteurs extérieurs pour lancer des initiatives nouvelles, pragmatiques et osées dont la région a besoin.
La situation de départ est mitigée. L’économie algérienne dépend massivement des exportations de pétrole et de gaz, l’économie marocaine est axée sur l’agriculture (dont les résultats relèvent, dans une large mesure, de la météorologie) et les revenus des émigrants, tandis que l’économie tunisienne, quant à elle, est étroitement liée aux cycles de la demande européenne et du tourisme. Une population très jeune est un défi pour les politiques éducatives et d’intégration dans le marché du travail. En outre, le contentieux autour du Sahara occidental continue de freiner une pleine normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc.
L’Union européenne est l’interlocuteur privilégié des pays du Maghreb, car la part du lion de leurs échanges commerciaux (plus de deux tiers) se fait avec l’Europe. Sur le plan politique, d’un côté, les rapports bilatéraux entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée occidentale sont intenses ; de l’autre, le processus de Barcelone est un dialogue compréhensif entre l’UE et ses voisins riverains de la Méditerranée, incluant des Accords d’association. De plus, le Groupe 5 + 5 constitue un forum de débat politique : Algérie, Espagne, France, Italie, Libye, Malte, Maroc, Mauritanie, Portugal et Tunisie y participent.
Toutefois, en dépit de ces cadres de dialogue et des efforts des États maghrébins, la conjoncture général reste fragile et la stabilité et la sécurité ne sont pas assurées. Selon le Rapport Mondial sur le Développement Humain préparé par les Nations unies, les pays du Maghreb demeurent à un rang moyen.
Une des raisons principales à cet enlisement est l’absence d’intégration sous-régionale dans le Maghreb. Non seulement en Europe, mais aussi dans d’autres régions du monde, des processus d’intégration ont facilité les relations et stimulé un environnement plus favorable pour les sociétés concernées ainsi qu’un retour de la confiance internationale. Dans le Maghreb, certaines conditions pour lancer ce type de processus sont présentes, mais une bonne approche des difficultés est nécessaire.
Premièrement, il faut repenser le cadre institutionnel, et peut-être envisager une nouvelle structure régionale afin d’introduire une dynamique plus propice. L’Union du Maghreb Arabe pourrait être renforcée, mais le fait qu’elle ait été conçue « du haut vers le bas » à ses débuts entrave son fonctionnement. Le volet bilatéral du processus de Barcelone a été relancé récemment par la nouvelle politique de voisinage de l’Union européenne et le dixième anniversaire du processus, qui sera fêté en novembre prochain, représente sans doute une opportunité magnifique pour corroborer ses objectifs. Toutefois, l’action de l’UE met l’accent sur les rapports avec chacun des pays du Maghreb, lorsque le volet sous-régional reste minimisé et reçoit des fonds très réduits.
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Deuxièmement, la résolution des controverses politiques au Maghreb (internes ou internationales) peut être obtenue soit directement, moyennant la négociation directe, soit indirectement, par la coopération sur des aspects d’abord modestes qui peuvent recueillir le consensus. C’est la deuxième méthode qui doit être choisie. En Europe, après la Seconde Guerre Mondiale, la technique dénommée « des petits pas » ou « méthode Monnet » a permis de briser des dynamiques historiques négatives. Le Maghreb doit ouvrir les frontières intérieures, faciliter les échanges, et entamer des grands projets d’infrastructures (autoroutes, communications, barrages, etc.) qui seront autant de moteurs d’un grand progrès réalisé à petits pas.
Enfin, les sources de financement de ce nouveau cadre institutionnel pour le Maghreb et de ces projets doivent être diversifiées. Les systèmes fiscaux dans les pays maghrébins et la dette qu’ils doivent supporter ne permettent pas des investissements publics énormes. L’aide dans le cadre du processus de Barcelone, même si elle est importante, n’a pas d’incidence décisive. Par conséquent, il faudrait configurer un mécanisme de financement spécifique, par exemple une conférence de soutien de ce nouvel élan pour le Maghreb, dans lequel les Européens devraient engager des fonds du programme MEDA et de la BEI, mais aussi des Etats membres les plus concernés, tels que l’Espagne, la France et l’Italie. Dans le mécanisme proposé, les fonds d’origine européenne pourraient être complétés par des contributions institutionnelles (de la Banque Mondiale, par exemple), ainsi que par des contributions d’autres pays qui portent un intérêt à la stabilisation du Maghreb, comme les Etats Unis, ou même d’autres grands donateurs, comme le Canada, le Japon, la Norvège, la Suisse, ou certains pays arabes.
L’intégration régionale dans le Maghreb est un projet très prometteur avec un coût raisonnable. Mais le soutien international est essentiel.